Intervention de André Dulait

Réunion du 26 novembre 2010 à 9h30
Loi de finances pour 2011 — Défense

Photo de André DulaitAndré Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

Monsieur le ministre d’État, je me joins aux collègues qui m’ont précédé pour exprimer mon plaisir personnel de vous retrouver à cette place !

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je souhaite pour ma part évoquer rapidement, sans citer les chiffres compte tenu de la modestie du temps de parole qui m’est imparti, les chances et les risques qui s’attachent à la réforme de notre outil de défense en matière de ressources humaines.

Le projet de budget pour 2011 s’inscrit dans le cadre fixé par la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 qui prévoit, à terme, la suppression de 54 000 postes. Cette diminution du format, qui devra s’appliquer progressivement d’ici à 2014, est sans précédent. Mais, plus encore que la déflation des effectifs, la réorganisation des méthodes constitue l’enjeu majeur de cette réforme.

La mutualisation et la rationalisation du soutien commun, les restructurations territoriales, le redéploiement des bases de défenses, la poursuite des expérimentations d’externalisation, toutes ces mutations menées de front constituent autant de défis pour nos armées.

Les perspectives d’avenir offertes par cette réforme sont réelles : une organisation rationalisée et mutualisée est une condition de la fiabilité de notre outil opérationnel, mais l’effort demandé en termes de transformations est considérable.

Les économies de personnels doivent provenir des réorganisations et des mutualisations : tel est l’enjeu de la réforme. Si l’on diminue les effectifs sans réformer l’organisation en profondeur, l’outil militaire dans sa globalité sera fragilisé.

La difficulté tient à ce que les deux opérations sont menées de front : des objectifs de baisse d’effectifs ont été définis ; il faut qu’ils soient en phase avec le calendrier des restructurations.

En 2010, le pilotage de la déflation a été satisfaisant. Pour l’instant, le seul volet de la réforme qui rencontre des difficultés est le reclassement des militaires vers la fonction publique. Il fallait s’y attendre : seulement la moitié de l’objectif a été atteint ; les administrations réduisant leurs effectifs dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, elles n’accueillent donc pas nos militaires à bras ouverts.

J’en viens aux crédits du programme 178 pour 2011. Le présent projet de loi de finances a amélioré la situation du titre 2, et la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées s’en félicite, même si elle doute que cette augmentation soit suffisante, puisque ce titre n’est abondé qu’à hauteur de 113 millions d’euros par rapport à une perte en ligne évaluée à 200 millions d’euros.

L’une des difficultés de la « manœuvre » tient manifestement au respect de la concordance entre le cadrage financier retenu pour l’évolution de la masse salariale et les objectifs en matière d’effectifs.

Par rapport aux prévisions de la loi relative à la programmation militaire, plusieurs évolutions ont conduit à une augmentation de la masse salariale, alors même que les effectifs diminuent.

Certaines dépenses ont été souhaitées, comme l’intégration dans l’OTAN : la participation pleine et entière à l’OTAN se traduit par un surcoût de près de 26 millions d’euros pour 2010 et, à terme, de 56 millions d’euros en année pleine. De même, le doublement des effectifs à Abou Dabi induit une augmentation de la masse salariale, qui passe de 6, 7 millions d’euros en 2009 à 19, 4 millions d’euros en 2011.

En revanche, d’autres dépenses ont été subies, comme l’augmentation du coût de l’indemnisation du chômage des militaires, qui s’élève à plus de 100 millions d’euros depuis 2009 : ce montant atteint des records et montre l’impérieuse nécessité de réussir la reconversion des militaires lorsque cesse leur contrat.

L’autre difficulté est de parvenir à faire coïncider, dans le temps et selon les types d’emplois, les départs naturels et les besoins en réduction de postes. De ce point de vue, trois points me préoccupent.

Le premier concerne la fidélisation des militaires du rang. L’âge moyen de départ des militaires du rang de l’armée de terre ne cesse de baisser. Plus que jamais, la fidélisation devient un enjeu de la qualité de notre outil de défense. Sans doute les restructurations en cours exercent-elles une influence sur ce phénomène, mais il faudra aussi prendre en compte des causes plus structurelles liées à l’évolution de notre société.

Le second point concerne les conséquences de la réforme des retraites, laquelle se traduira globalement par un décalage de deux ans des limites d’âge, une augmentation du taux de cotisation et le passage de quinze ans à dix-neuf ans et demi du bénéfice du minimum garanti. Cette dernière mesure est un sujet de préoccupation, car elle risque de dissuader les contractuels, qui font des carrières courtes, de renouveler leur contrat après dix ans. À ce sujet, j’aimerais donc savoir, monsieur le ministre d’État, quelle initiative vous comptez prendre pour gérer la spécificité de leur situation.

Le troisième point qui nous inquiète est l’incidence de la réforme des retraites sur la déflation des effectifs. Naturellement, le prolongement des carrières va à l’encontre de la réduction du format des forces, qui repose en partie sur les départs naturels. Pourriez-vous nous indiquer précisément, monsieur le ministre d’État, l’effet de cette réforme sur le rythme de la déflation ?

Ces préoccupations ne se cumulent pas avec les difficultés attendues sur les opérations extérieures, ou OPEX. Je voudrais ici me féliciter au contraire de la progression de leur budgétisation : ces opérations appartiennent désormais au fonctionnement ordinaire de nos armées. Elles ne sont plus ni imprévisibles ni ponctuelles ; il faut cependant espérer qu’elles ne deviennent pas toutes permanentes !

J’ajouterai un dernier mot, pour évoquer le budget des réserves militaires : il reste très en deçà des montants qui permettraient aux armées d’atteindre les objectifs fixés en matière de recrutement et d’activité. Lors des auditions organisées par la commission, les militaires indiquent régulièrement que ces réserves sont indispensables pour répondre aux besoins des armées.

En conclusion, je souhaite souligner l’ampleur des réformes en cours : peu d’organisations publiques ou privées de cette taille se sont lancées dans une modification aussi profonde de leur mode de fonctionnement, de leurs implantations géographiques et de leurs effectifs. Je tiens donc à saluer la nomination de M. le ministre d’État et à lui adresser tous nos vœux de réussite dans l’exercice d’une fonction difficile.

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