Intervention de Jean-Claude Merceron

Réunion du 16 juin 2010 à 21h30
Débat sur les conséquences de la tempête xynthia

Photo de Jean-Claude MerceronJean-Claude Merceron :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, à l’heure où le département du Var est en deuil à la suite des pluies torrentielles qui se sont déversées hier, mes pensées vont aux victimes, à leurs familles et à nos collègues sénateurs de ce département. Qu’ils soient tous assurés de ma compassion et de ma solidarité dans l’épreuve.

Cela dit, le débat qui nous rassemble ce soir concerne les conséquences de la tempête Xynthia.

Le dimanche 28 février dernier, la France s’est réveillée sous le choc, en découvrant les dégâts produits par la tempête sur le littoral atlantique et, plus particulièrement, en Charente-Maritime et en Vendée. La nuit d’angoisse et de mort vécue par nos concitoyens sinistrés, Charentais et Vendéens de l’Aiguillon-sur-Mer et de la Faute-sur-Mer, restera gravée dans nos mémoires.

Les images de la submersion marine et les désastres en chaîne déferlaient sur nos écrans de télévision, au fur et à mesure que le courant électrique était rétabli. L’onde de choc était à la mesure de l’horreur de ce désastre.

En Vendée et en Charente-Maritime, départements les plus violemment touchés, les villes du littoral ont été frappées d’inondations mortelles.

La-Faute-sur-Mer et L’Aiguillon-sur-Mer se sont en partie retrouvées sous un à deux mètres d’eau. Cinquante-trois personnes ont péri, dont vingt-neuf à La Faute-sur-Mer.

Jusqu’à un million de foyers ont été privés d’électricité dans une partie de la Bretagne, le Limousin, le Centre et en Auvergne. On n’en finirait pas de faire la liste des dégâts matériels mettant les sinistrés à la rue et bouleversant toute l’économie agricole, ostréicole, artisanale, commerciale et touristique de ces territoires !

Dès le 25 mars dernier, et sans attendre les conclusions des missions de l’État, le Sénat a décidé la création d’une mission commune d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia.

Le périmètre de réflexion, comme viennent de nous le rappeler nos collègues Bruno Retailleau et Alain Anziani, président et rapporteur de la mission, porte sur les systèmes de prévision et d’alerte, sur les dispositifs de prévention et d’indemnisation, sur les règles d’urbanisme et le droit des sols, ainsi que sur le plan de reconstruction et de renforcement des digues.

Je m’associe aux remerciements déjà exprimés a leur endroit, en saluant leur disponibilité et la qualité du travail déjà produit.

En outre, je peux vous assurer, chers collègues membres de cette mission, que j’ai reçu de nombreux témoignages émouvants de Vendéens sinistrés à la suite de la visite qu’ensemble nous avons effectuée au mois de mars auprès des populations.

La première préoccupation étant de tirer les leçons de cette tragédie, la mission s’est donné pour objectif, lors de sa constitution le 31 mars, de formuler des préconisations précises et des mesures concrètes destinées à prévenir le renouvellement d’une telle catastrophe meurtrière.

Dans ce cadre, mon propos a pour objet de rappeler l’obligation de solidarité nationale envers tous les sinistrés, de souligner la « responsabilité partagée » de différents acteurs dans la catastrophe, d’envisager des pistes pour redéfinir la culture du risque qui devrait prévaloir sur notre littoral et, enfin, d’évoquer la question de la protection des populations contre l’action de la mer.

Le plan de soutien annoncé sur place le 16 mars par le Président de La République semble laisser de côté certains sinistrés de la tempête.

Certains attendent toujours des mesures. Je pense notamment aux exploitants agricoles dont les terres ont toutes été recouvertes par de l’eau salée ou à cet éleveur qui a perdu son troupeau de moutons.

Certains se sont vu opposer un refus. Il s’agit d’horticulteurs dont les serres ne pouvaient être préalablement assurées.

Madame la secrétaire d'État, il paraît indispensable, après bientôt quatre mois, de faire le bilan des indemnisations et je vous remercie d’être mon interprète auprès de M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Les responsabilités à tous les niveaux doivent être établies. Je me refuse en revanche à désigner des coupables.

Je tiens ici à saluer l’esprit qui a guidé la mission, loin de l’effervescence qui a agité certains qui très vite dénonçaient des coupables et proposaient des solutions miracles.

La frénésie immobilière est le reflet du développement de toutes les zones littorales attractives, de politiques d’investissements touristiques et de développement économique des territoires. La culture de la villa « les pieds dans l’eau » a poussé l’ensemble des acteurs à participer à cette frénésie immobilière.

Reconnaissons-le, l’effervescence du développement économique a aussi créé des emplois et induit des équipements collectifs, amplifiant l’attrait touristique de notre littoral et lui conférant une valeur certaine.

Ainsi, des risques qui ne valaient pas la peine d’être courus pour de l’argent ont-ils été pris et une catastrophe naturelle s’est transformée en catastrophe humaine de dimension nationale.

Pour autant, nous n’avons pas la culture du risque, comme l’ont reconnu l’ensemble des responsables que nous avons auditionnés.

Le paradoxe, c’est que nous pratiquons la politique du parapluie pour éviter toute responsabilité. Ainsi développons-nous trop souvent une surprotection dont la surdimension finit par créer de faux problèmes et un écran de fumée.

Le principe de précaution est aujourd’hui dévoyé. En surréagissant, toute une chaîne de responsabilité, par crainte d’être désignée coupable depuis la judiciarisation de notre société, se couvre et se surprotège.

La culture du risque est une méthode, qui passe par l’identification du risque, son évaluation, la mise en place de moyens, une responsabilité solidaire, le suivi et la vulgarisation.

Nous sommes tous concernés, et c’est donc une approche sereine du risque qu’avec toute la population nous devons collectivement développer. Ainsi ne serons-nous plus tous potentiellement coupables mais tous effectivement responsables et solidaires.

Permettez-moi de faire référence à la contribution, intitulée « Protection des populations contre l’action de la mer », que j’avais rédigée dans le cadre du Grenelle de la mer, et qui a été retenue parmi les 138 engagements en faveur de la mer et du littoral.

Considérant que les risques pour les populations littorales étaient totalement absents des discussions du Grenelle de la mer, j’avais établi ce texte au printemps 2009, près d’un an avant la tempête Xynthia, pour mettre en garde les autorités et le monde maritime contre les effets cumulés de la surélévation du niveau de la mer et des événements climatiques extrêmes, qui accroissent les risques encourus par les populations et les biens dont la sécurité dépend d’une protection naturelle ou artificielle contre la mer. J’ajoutais que la connaissance hétérogène des points faibles, digues ou cordons littoraux, ne suffisait pas à engager des actions de prévention à hauteur des risques encourus par la population.

Il ne s’agissait pas de prémonition, mais seulement d’une réflexion de bon sens, issue de mon expérience du terrain ; je rappelle que je suis un élu du littoral vendéen.

À partir de ce constat, je proposais que la France se positionne comme leader d’un programme international de protection des populations.

Il s’agissait, dans un premier temps, de montrer l’exemple en établissant un recensement rapide, pragmatique, mais méthodique, de nos côtes métropolitaines et d’outre-mer, pour en identifier les points faibles : altimétrie, état des ouvrages, populations concernées... Il convenait, dans un second temps, de lancer un programme national spécial, contractualisé entre l’État et les collectivités, et indépendant des actuels contrats de projets, afin de financer les priorités arrêtées en concertation étroite avec les collectivités.

En effet, si le plan digues concerne l’engagement financier de l’État, la gestion de ces digues et du maintien du cordon dunaire doit être maintenue au niveau local. Il est souhaitable de conforter les collectivités de proximité dans cette mission de gestion.

Le pré-rapport, dont j’ai pris connaissance avec un grand intérêt, mentionne, dans son dernier chapitre, la protection des populations et le renforcement des digues.

Cité dans l’exposé, le recensement général, qui me paraît indispensable, pourrait être repris dans la synthèse des préconisations de la mission. Mais il nous faut encore travailler...

Il ne faut pas se mettre la tête dans le sable et craindre de révéler au grand jour une situation critique ! Le grand recensement que j’appelais de mes vœux, il y a plus d’un an, doit être lancé sans attendre.

Les directions départementales des territoires et de la mer disposent d’archives sur les ouvrages et de diverses études. Elles doivent être sorties des placards ! Il faut en faire un grand inventaire dans des délais très brefs ; compte tenu des enjeux, cette tâche ne devra pas prendre plus d’une année. Aucun territoire littoral ne doit y échapper, de nos îles lointaines jusqu’à la Méditerranée.

Cet inventaire sera la première étape d’un bilan de santé des rivages, qui devra être achevé dans deux ans et qui permettra d’évaluer les risques pour les populations.

Nous devons faire ce travail ! À défaut, comment pourrions-nous expliquer à nos concitoyens que rien n’a été fait depuis la tempête Xynthia si, l’hiver prochain ou le suivant, devaient se reproduire des événements similaires, dont la probabilité d’occurrence augmente.

Je tiens à vous rappeler, à la suite de Bruno Retailleau, que les prochaines marées d’équinoxe auront lieu en septembre prochain. Le plan digues, annoncé par le Président de la République, ne suffira pas à faire face à cette nouvelle menace. Nous devons mener une véritable course contre la montre !

Nous attendons toujours l’engagement du financement de l’État, à hauteur de 50 %, pour lancer de toute urgence les ordres de service en vue de la réalisation des travaux.

En conclusion, permettez-moi de saluer le courage des bénévoles, des professionnels et des collectivités qui se sont mobilisés pour secourir et aider les sinistrés de Xynthia. Je remercie également nos concitoyens pour leur élan de solidarité et leur générosité.

Il ne m’a pas été possible, faute de temps, de souligner à quel point il est indispensable de revoir la coordination des systèmes de prévision et d’alerte, ni d’aborder l’épineuse question des zonages et de la démolition de toute habitation située dans ces zones dites « noires ». J’apporte mon soutien aux propositions présentées par nos collègues Bruno Retailleau et Alain Anziani sur ces deux points, qui sont repris dans le rapport d’étape.

Tirer les leçons de la catastrophe humaine qui a meurtri le littoral atlantique, pour ne plus jamais revivre une telle situation, telle est notre mission. Prendre les bonnes mesures pour protéger nos concitoyens des aléas climatiques, tel est notre devoir.

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