Intervention de Nicole Bonnefoy

Réunion du 16 juin 2010 à 21h30
Débat sur les conséquences de la tempête xynthia

Photo de Nicole BonnefoyNicole Bonnefoy :

Il s’agira de mettre en place les mesures de précaution et les moyens permettant de s’y préparer afin d’éviter la mise en danger des personnes, par un renforcement des digues, une cartographie des zones inondables, des prescriptions de construction, voire d’expropriation quand cela est nécessaire, afin de restaurer les zones naturelles qui peuvent servir de tampon en cas d’inondation.

Concernant les zones noires, j’estime qu’il faut revenir sur le processus de leur mise en place, qui a débouché sur une incompréhension, voire sur la colère des sinistrés. Ces derniers ont perçu l’action de l’État comme empreinte de brutalité, d’opacité et de manque d’écoute.

En effet, le Gouvernement a laissé trop longtemps planer le doute sur ses intentions, en qualifiant certaines zones sinistrées de « zones de danger mortel », laissant entendre qu’une expropriation massive des résidents était envisagée. Ce sentiment a été exacerbé par le manque de transparence du processus de délimitation des zones à risque, notamment par le refus des préfectures de communiquer aux associations de victimes les études sur lesquelles les experts s’étaient appuyés pour délimiter lesdites « zones noires ».

Lors des auditions menées par la mission, les experts nationaux ont admis que les cartographies des « zones noires » avaient été effectuées de manière « théorique » et conçues « à dires d’expert ». Les sinistrés ont tous, à ce propos, déploré et dénoncé le caractère unilatéral de l’action de l’État.

L’incompréhension a été renforcée lorsque la cartographie, rendue publique, a fait apparaître dans les fameuses zones noires, des propriétés très peu touchées, alors que d’autres, particulièrement atteintes, n’y figuraient pas. Il aura fallu attendre que la situation locale s’envenime et que des protestations surgissent de l’opinion ainsi que des élus locaux, pour que le Gouvernement se rétracte, en requalifiant les « zones noires » en « zones de solidarité ».

Je crois que cette expérience devrait pousser, à l’avenir, les pouvoirs publics à plus de retenue dans leurs annonces. Il est intolérable de laisser planer le doute durant plusieurs semaines sur le sort réservé à des citoyens en proie au désarroi ! Le rôle des pouvoirs publics dans une telle situation est, au contraire, d’apporter une écoute et d’agir en concertation étroite avec les élus et les sinistrés, ou les associations qui les représentent.

Les relations entre l’État et les sinistrés doivent être revues à l’aune de ce constat, afin de ne pas renouveler une communication que je me permettrai de qualifier de désastreuse.

Je voudrais maintenant souligner le rôle important joué par les collectivités territoriales. À l’heure actuelle, nous ne connaissons pas le coût total engendré par la tempête Xynthia, tant pour le budget de l’État que pour les collectivités territoriales et les sinistrés. Nous savons cependant qu’il sera colossal !

En ce qui concerne les sinistrés, lors de leurs auditions, les deux fédérations d’assureurs nous ont fait part de leur volonté de procéder à des indemnisations dans des conditions favorables aux victimes, et c’est tant mieux.

Par exemple, en réponse aux inquiétudes légitimes des sinistrés quant au risque de sous-estimation de leurs biens, France Domaine a indiqué que la consigne avait été donnée aux évaluateurs de chercher à déterminer la valeur du bien antérieurement à la catastrophe, sans aucune prise en compte du risque potentiel ni de la vétusté du logement, et en s’appuyant sur les statistiques du marché de l’immobilier en 2009.

Les assurances ont aussi accordé aux victimes des facilités en matière fiscale et sociale.

Parallèlement à l’indemnisation des particuliers, il faut absolument apporter une aide aux collectivités. Ce sont elles qui ont été en première ligne et qui ont dû faire face aux urgences, en mobilisant des moyens humains et financiers importants.

Nous savons que la reconstruction va exiger des moyens financiers conséquents, que ces mêmes collectivités ne pourront supporter seules !

Il est donc nécessaire que l’État s’engage rapidement et clairement à leurs côtés ! Il doit les aider à réparer les dommages aux biens non assurables tels que la voirie, les ponts et ouvrages d’art, les réseaux d’adduction d’eau et d’assainissement.

Lors de son audition, le ministre de l’intérieur nous a dit intervenir à hauteur de 40 % au titre de la solidarité nationale. Ce taux nous paraît relativement faible face à l’ampleur de la catastrophe, d’autant que, d’après les premières estimations des services préfectoraux, les dommages sur les biens non assurables s’élèveraient à 117 millions d’euros pour les quatre départements les plus touchés, avec plus de 70 millions d’euros restant à la charge des collectivités.

J’espère que l’État va mettre en place les moyens nécessaires pour que les collectivités ne se retrouvent pas dans une situation financière ingérable, face à l’ampleur des dégâts engendrés par la catastrophe.

De plus, il faut également avoir à l’esprit que les collectivités locales sinistrées vont subir des pertes fiscales importantes de par la démolition d’habitations situées en zone d’acquisition amiable. Elles vont donc se voir privées de ressources fiscales telles que la taxe d’habitation ou la taxe sur le foncier bâti. Cet aspect ne doit pas être négligé : la mission a évalué cette perte de recettes fiscales à 1, 8 million d’euros !

Afin de faire face à une situation qui peut s’avérer critique pour les collectivités, la mission propose de mettre à l’étude un mode de compensation des pertes de recettes fiscales induites par la démolition des maisons situées en zone d’acquisition amiable.

En conclusion, j’espère que les pouvoirs publics tireront toutes les conséquences de cet événement tragique. Notre mission d’information a soulevé de nombreux dysfonctionnements, auxquels il va falloir apporter des réponses concrètes. Nous avons tenté collectivement de formuler des recommandations en ce sens, mais il est temps que la France se dote d’une politique globale et cohérente de gestion des risques naturels.

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