Intervention de Dominique de Legge

Réunion du 16 juin 2010 à 21h30
Débat sur les conséquences de la tempête xynthia

Photo de Dominique de LeggeDominique de Legge :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, mes premiers mots vont au président et au rapporteur de notre mission, afin de leur rendre hommage. Ils ont en effet su conduire nos travaux avec l’humanité et l’humilité qui s’imposent face à un drame d’une telle ampleur. Tout en veillant à cerner et révéler tous les aspects de cet événement douloureux, ils ont évité l’écueil de la surenchère émotionnelle et de la désignation de boucs-émissaires, pour mieux tenter de tirer les enseignements de cette catastrophe.

Je me retrouve pleinement dans leurs propos, ainsi que, plus généralement, dans ceux qui ont été tenus par nos collègues membres de la mission. Je me bornerai, pour ma part, à insister plus particulièrement sur deux points.

Le premier est celui de l’alerte : quel maire n’a pas reçu de la préfecture un appel sur son portable, sous forme de message téléphonique ou de SMS, l’alertant sur une tempête, des averses violentes, du gel ou de la neige à venir ?

Incontestablement, les maires de Charente-Maritime, de Gironde ou de Vendée, tout comme ceux d’autres départements, ont bien été alertés. Les messages étaient-ils clairs ? Oui, même si, au départ, seul l’épisode venteux était annoncé, ce qui a conduit certains collègues à inviter leurs habitants à rentrer ou rester chez eux. Ce n’est que plus tard que sont parvenus les messages annonçant les risques d’inondation.

La question qui se pose est de savoir si ces messages sont opérationnels et quel usage concret les maires peuvent en faire.

C’est là une première observation. Il me semble souhaitable de travailler, non seulement à la diffusion d’une information aussi précise et fiable que possible, mais aussi à l’accompagnement de conseils faisant référence, le cas échéant, à une cellule de crise. Les plans de prévention des risques naturels ou les plans de prévention des risques d’inondation, lorsqu’ils existent, ne peuvent faire face à tout, même s’ils sont dotés d’un volet opérationnel en cas de sinistre.

Les élus locaux, confrontés à l’information brute qui leur est délivrée, doivent être assurés de bénéficier d’un accompagnement et d’un dialogue, le cas échéant, avec les services de l’émetteur des messages. Cette remarque ne vise en rien la mobilisation et la réactivité des services départementaux de l’État ou de sécurité, qui ont assumé la situation de façon exemplaire et courageuse. Il s’agit tout simplement de mieux fluidifier les relations et les initiatives.

Par ailleurs, de l’avis même des maires rencontrés, il ressort, selon leur expression, que « trop d’alertes finissent par tuer l’alerte », comme l’a dit Alain Anziani. La multiplication de celles-ci – lesquelles, fort heureusement, ne se traduisent que rarement par des préjudices –, finit par inciter les élus à ne pas répercuter l’information, pour autant qu’ils en aient les moyens, auprès des habitants, qui eux-mêmes ne prendraient plus au sérieux ces alertes si elles s’avéraient infondées.

Enfin, faute de préconisations concrètes ou de propositions d’accompagnement, la multiplication de ces messages d’alerte peut être vécue par leurs destinataires comme une recherche préventive de responsables, en cas de difficultés.

Cela me conduit à considérer qu’une véritable prévention des risques repose sur une mobilisation de tous les acteurs locaux et de l’État, dans la recherche de réponses graduées et adaptées aux réalités du terrain, et non sur la transmission brute et systématique d’informations souvent difficiles à exploiter.

Le deuxième point que je souhaite relever est celui des digues. Nous avons déjà évoqué leur statut, la question de leur propriété, de leur entretien ou de leur état général.

Le Gouvernement doit faire des propositions sur ce sujet mais, au-delà des mesures d’urgence, pour faire face aux prochaines grandes marées, je souhaite insister sur le fait qu’un plan digues ne vaudra que par l’affirmation des objectifs assignés à ces protections.

S’agit-il, pour autant que ce soit possible techniquement et souhaitable écologiquement et financièrement, d’envisager une protection qui se voudrait sinon totale, du moins maximale et en tout point du littoral ?

Ces digues ont-elles vocation à protéger les habitations, ce qui pose de nouveau la question des documents d’urbanisme ?

Ces digues sont-elles des éléments de préservation de la biodiversité animale et de la flore, ou des humains et de leurs activités ?

Sont-elles un élément destiné à optimiser l’usage des sols à vocation agricole ou conchylicole ?

Peut-on envisager que des espaces soient considérés comme des espaces d’expansion des crues ?

Peut-on imaginer des digues sans penser à la gestion des flux, notamment pour l’évacuation des eaux en cas de surverse ?

Je n’ai pas de réponse à ces questions.

Mais un plan digues construit sans référence à l’histoire de la côte, sans intégrer la question de l’élévation du niveau de la mer et qui se contenterait, sans distinction de territoire et de topologie, de prescrire des travaux serait voué à l’échec.

Un plan digues, qui ne ferait aucune différenciation entre les ouvrages selon leur finalité, ne s’inscrirait pas dans la durée. Un plan digues, qui s’affranchirait de l’urbanisme, comme un urbanisme qui s’en remettrait au plan digues pour justifier ses choix, ne serait pas le meilleur moyen d’éviter une nouvelle catastrophe.

Un plan digues ne peut se réduire à la seule approche technique. Il devra être politique, au sens le plus noble du terme, car il sous-tend des choix économiques, environnementaux et urbains. Il a une vocation pédagogique au regard de la culture du risque. Autant d’arbitrages qui doivent être rendus en toute transparence et en toute objectivité et sans tabou.

Tels sont les quelques points que je souhaitais développer.

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