Intervention de Nicolas Hulot

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 13 mai 2014 : 1ère réunion
Audition de M. Nicolas Hulot président de la fondation pour la nature et l'homme envoyé spécial du président de la république pour la protection de la planète

Nicolas Hulot, envoyé spécial du Président de la République pour la protection de la planète :

Il est dans mon rôle d'identifier ce qui fait partie des solutions à apporter aux problèmes climatiques, et de les promouvoir. Nous recensons déjà les bonnes pratiques. Des événements en amont de la conférence de Paris les mettront en valeur. Certains projets sont opérationnels, d'autres sont à l'état de promesse.

Si les négociations se faisaient au niveau des villes, ma tâche serait grandement facilitée. La moitié des actions utiles se font à ce niveau. Ce que l'on appelle les villes durables sont désormais une réalité très sophistiquée, que l'on pense aux innovations en matière de bâtiment à énergie positive, à l'économie circulaire ou aux transports durables. En ville, les choses vont vite, je ne m'inquiète pas. Nous collaborons de plus avec le réseau R20, sorte de G20 des régions, présidé par l'ancien gouverneur de Californie Arnold Schwarzenegger et Michèle Sabban, vice-présidente de la région Ile-de-France ; ce réseau est chargé de valoriser les initiatives qui fonctionnent.

Où placer le curseur de la réussite ou de l'échec à la conférence de Paris, s'interroge Ronan Dantec. La perception de l'échec peut être pire que l'échec lui-même : prenons garde à ne pas démobiliser ou démoraliser les citoyens. Copenhague a plutôt été un échec, mais des choses y ont été actées.

La situation écologique de la planète demeure très difficile, et fait de nombreuses victimes. J'ai reçu récemment les représentants de petits États insulaires, du Bengladesh ou encore d'États du Sahel : sans vouloir faire pleurer dans les chaumières, l'augmentation de la température moyenne d'un seul degré serait pour eux une tragédie. Il y va de la préservation des modes de vie humains.

Ce qui fait pour l'heure défaut, c'est une volonté coordonnée. La dernière initiative diplomatique du président Chirac fut en faveur de la création d'une agence mondiale de l'environnement - dont les compétences demeuraient toutefois à définir. Or cette idée, pour moi incontournable, n'a finalement pas été intégrée au texte final de Rio+20. Ajourner éternellement ces progrès nécessaires, c'est aller droit à l'échec. Nos crises - financières, économiques, écologiques - sont des crises de l'excès. La seule organisation à même de réguler ces excès serait l'OMC : il faut lui adosser une agence mondiale de l'environnement.

Tout le monde est d'accord pour dire qu'une hausse de la température de deux degrés, comme l'avance le rapport du Giec, est un maximum. Pour la contenir, il faut être très ambitieux sur les engagements, sans décourager les populations pour autant. La commissaire européenne à l'environnement Connie Hedegaard, radicale, estime que l'on a déjà fait trop de concessions ; d'autres estiment que l'important est de faire un pas en avant. Dans les fonctions qui sont les miennes, je joue nécessairement de ces deux registres : il n'y a pas d'issue favorable si l'on ne fait rien ; il existe un chemin pour atteindre nos objectifs. Reste à convaincre le plus grand nombre de s'y engager, car l'Europe seule ne peut pas grand-chose.

D'aucuns objectent que la contrainte écologique est un handicap économique. Je suis convaincu que ceux qui partiront le plus tôt feront les meilleurs investissements en faveur du modèle économique de demain. À court terme, le problème réside dans la transition écologique et son financement. Si cette question n'est pas abordée à la conférence bancaire de 2014, nous aurons un problème. Il faut définir des priorités, et nous montrer ambitieux mais souples. La transition énergétique coûtera entre 40 et 60 milliards d'euros par an. Comment faire ? Des réflexions sont en cours ; des solutions existent. Nous devrons soulever la question des financements innovants. Devrons-nous privilégier un engagement juridiquement contraignant, s'il demeure circonscrit à l'échelon national ? Pourrons-nous accepter que certains pays comme la Chine refusent les contrôles extérieurs du respect de leurs engagements ? Je sens l'émergence progressive d'une volonté partagée car tout le monde a désormais conscience des problèmes.

Mme Herviaux a raison de le souligner, ne confondons pas météorologie et climatologie. Les évolutions du temps et celles qui affectent le climat ne sont pas nécessairement corrélées. Le dernier rapport du Giec confirme toutefois que les événements extrêmes - précipitations, sécheresses - sont plus réguliers et plus intenses qu'auparavant.

Un mot sur les énergies renouvelables. Le Maroc a décidé la construction de centrales solaires à concentration - n'oublions pas que l'énergie solaire ne passe pas exclusivement par le photovoltaïque. Les Émirats Arabes Unis expérimentent pour leur part à Masdar un système de stockage d'énergie solaire à concentration à partir de sel. D'autres systèmes, ailleurs, sont à l'étude, reposant sur les smart grids et l'interconnexion. La France a un immense potentiel dans les énergies marines, mais elle a pris du retard et n'a pas encore abordé la phase industrielle. Les courants marins, près des côtes, ont ces avantages de fournir du courant en continu et de ne pas poser de difficultés de raccordement. Les îles, notamment les îles tropicales, peuvent également tirer profit du gradient thermique. La houle est une autre source d'énergie. La biomasse est insuffisamment exploitée, notamment la filière forêt : nos chablis partent en Chine et nous reviennent parquets...

Toutes les entreprises savent que l'efficacité énergétique est une source de compétitivité. Se libérer des contraintes énergétiques est un bon moyen de rééquilibrer sa balance commerciale. Le pari de l'Allemagne est très controversé : mais notre voisin, contrairement à ce que l'on dit parfois, sait très bien où il va, même si cela implique un coût de l'énergie plus lourd à court terme. En France, quoi que l'on pense du nucléaire, celui-ci permet une transition énergétique plus sûre et nous évite d'en passer obligatoirement par l'énergie fossile non conventionnelle. Du reste, on ne pourra sortir du nucléaire par un coup de baguette magique.

L'ambition européenne a faibli, ce dont, comme vous, je me désole. La Commission a retenu des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aucun objectif en termes d'efficacité énergétique ou d'énergies renouvelables, le Royaume-Uni en ayant fait une ligne rouge afin de laisser ouverte l'hypothèse d'un retour aux énergies fossiles conventionnelles. Là encore, soyons souples : la priorité demeure la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

La Chine envoie des signaux contradictoires. Lorsque nous étions à Washington, on nous a laissé entendre que des discussions étaient discrètement en cours entre la Chine et les États-Unis. Rien de concret n'en est encore sorti.

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