Intervention de Nicolas Hulot

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 13 mai 2014 : 1ère réunion
Audition de M. Nicolas Hulot président de la fondation pour la nature et l'homme envoyé spécial du président de la république pour la protection de la planète

Nicolas Hulot, envoyé spécial du Président de la République pour la protection de la planète :

C'est pourquoi le sommet de Ban Ki-moon sera plus important que la conférence du Pérou fin 2014. La situation européenne est plus compliquée qu'auparavant : les prochaines élections auront un impact déterminant sur les ambitions de notre continent.

Nul besoin de revenir sur le constat : les rapports du Giec font état d'une responsabilité humaine, à une probabilité de 98,5 %. Il reste des sceptiques : pourtant, qui voudrait monter dans un train qui a 98,5 % de risque de s'écraser ? Personne.

Un mot sur le rôle des médias. Au journal télévisé de France 2, on m'a donné deux minutes trente pour défendre la taxe carbone, juste après la présentation des résultats d'un sondage très négatif sur la création d'une nouvelle taxe. C'était en effet une mission kamikaze.

En politique, la division sur toute question entre l'opposition et la majorité ne favorise pas la pédagogie. D'autant que les médias s'en régalent ! Un moyen pédagogique efficace serait d'afficher une solide unanimité. Monter l'opinion contre l'écotaxe est chose aisée ; convaincre de son bien-fondé est hélas plus difficile. Livrer un message commun, avec des explications complémentaires, dissiperait la confusion et faciliterait la persuasion. Pour lutter contre les amalgames, je passe beaucoup de temps dans les rédactions, de ma propre initiative, sans être invité pour une interview ou un débat. Cela valorise les journalistes en charge des questions d'environnement et diffuse l'information auprès de ceux qui connaissent moins bien le sujet.

Seule une petite partie de la communauté internationale était présente à Kyoto et l'accord conclu était volontaire. La conférence de Paris, elle, doit déboucher sur un accord global, juridiquement contraignant. C'est une première mondiale.

Des réflexions ont pris forme sur les indicateurs, sans qu'aucune suite y soit donnée. Aucun principe n'a pris le relais de la responsabilité différenciée, car certains Etats y sont très attachés. Je suis navré de voir que la Chine s'est substituée à l'Europe en Afrique. Il a suffi de dix à quinze ans pour que les Chinois imposent leurs méthodes et s'emparent d'un certain nombre de ressources. La diplomatie forte déployée par les Chinois est parfois mal vécue. Les opérateurs chinois ne respectent pas toujours les normes sociales ou écologiques - en matière de trafic des espèces menacées ou d'exploitation des zones forestières, par exemple - ce qui décourage d'autant plus les industriels européens. L'Europe a tout intérêt à aider l'Afrique à se développer sans reproduire ses erreurs passées. Elle y contribuera en développant le transfert de technologies.

Le sujet heurte des lobbies : c'est peu dire. Un vrai problème de démocratie est en jeu. La transparence est indispensable. Si tous les lobbies ne sont pas néfastes, certains, hostiles aux mutations technologiques, déploient des moyens illimités pour s'y opposer. L'agence Irena souffre d'un problème de gouvernance. Marie-Hélène Aubert, conseillère diplomatique de François Hollande sur le changement climatique, entend s'engager sur la question. Irena a son avenir devant elle plutôt que derrière elle.

Les Africains considèrent qu'on a autant besoin d'optimistes que de pessimistes : les premiers construisent des avions, les seconds des parachutes. Mais tous peuvent être tentés d'abandonner leur sort au destin. Plutôt qu'optimiste ou pessimiste, il faut être déterminé, oser la rupture, notamment en France, pour que la transition énergétique soit le modèle économique de demain.

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