Le projet de budget que vous nous présentez ce matin, monsieur le ministre d’État, en relais de votre prédécesseur, s’inscrit dans un contexte stratégique en plein mouvement. Son examen intervient juste après le sommet de Lisbonne, dont nous aurons l’occasion de reparler le 9 décembre prochain.
La crise financière mondiale est loin d’être terminée. Elle connaît même, depuis quelques semaines, des soubresauts inquiétants, d’aucuns prédisant le pire pour les temps à venir.
La défense européenne est paralysée, comme le révèlent à l’évidence, de notre point de vue, les récents accords franco-britanniques.
L’Union européenne ne va pas très bien. L’un de vos prédécesseurs à Matignon, avec lequel vous avez cosigné une tribune sur le désarmement nucléaire, a même récemment déclaré que « l’Europe politique est morte ».
Enfin, le centre de gravité du monde s’est déplacé vers l’Asie et le Pacifique, et ce pour très longtemps.
Mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui devant une situation anachronique : le ministre qui défend le projet de budget de la défense pour 2011 devant la Haute Assemblée n’est pas celui qui l’a présenté, voilà quelques jours, devant l’Assemblée nationale. En outre, il ne l’a pas préparé et il ne saurait être tenu pour responsable de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014, qui, comme toutes ses devancières, est déjà très largement à la dérive. Mieux, il n’était pas aux responsabilités au moment de la rédaction du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale qui sous-tendait cette loi de programmation militaire et aurait dû sous-tendre la suivante, puisqu’il était alors chargé d’élaborer, et nous nous en étions d’ailleurs réjouis, le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France. Je serais tenté de dire : tant mieux pour vous, monsieur le ministre d’État ! En effet, chacun s’accorde aujourd’hui à estimer que, hormis quelques rares éléments, ce fameux Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale aurait déjà dû être remis sur le métier.
Je ne doute pas que vos conseillers vous aient informé de cette situation et que, par conséquent, ce soit en toute connaissance de cause que vous vous présentez aujourd’hui devant nous, car il va vous falloir, comme le veut la tradition républicaine, « assumer l’héritage ». Et quel héritage ! Vos souvenirs de ministre du budget vous seront d’un précieux secours…
Pourtant, tout n’avait pas si mal commencé ! Dès son arrivée, le nouveau Président de la République, partageant –pour une fois ! – notre diagnostic, cent fois répété dans cette enceinte, sur la très mauvaise situation financière de la défense, liée au calamiteux héritage laissé par le tandem formé de M. Chirac et de Mme Alliot-Marie, avait décidé une remise à plat totale des dépenses militaires.