Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous nous flattons tous que la France soit encore reconnue dans beaucoup de pays comme patrie des droits de l’homme. Cependant, l’attitude de notre pays à l’occasion de certains événements internationaux récents écorne cette réputation. La France n’est déjà plus la référence spontanée dans la conscience universelle.
Mes chers collègues, qu’adviendrait-il si, ici et maintenant, nous convenions de nous ériger en censeurs de l’histoire, de tous les événements du monde, dans l’espace et le temps ?
Cette arrogance serait tout à fait dommageable au rôle que nous voulons jouer.
Qui sommes-nous pour blâmer un peuple au nom des agissements de ses générations passées ? Nous ne sommes ni professeurs de vertu ni conscience du monde, ni comité d’historiens. Nous sommes juste des législateurs français, établissant les codes de vie commune applicables sur notre territoire pour aujourd’hui et pour demain.
Les historiens nous le demandent d’ailleurs, et s’opposent fortement aux lois mémorielles qui deviennent, je le constate, une tendance du Parlement.
Dans le cas qui nous occupe, si le génocide arménien n’est pas contesté, il reste encore cependant beaucoup de recherches à effectuer pour les historiens. Il est donc important de ne pas interférer dans leurs travaux.
Nous devons légiférer pour le bien de tous et non en réponse à l’une ou l’autre des communautés pour de vagues raisons électoralistes.
Loin de moi l’idée de contester l’atrocité des crimes commis au début du siècle dernier. Ils ont été perpétrés à des milliers de kilomètres de notre pays et n’ont en rien impliqué les ressortissants français. Regardons plutôt vers l’avenir, et non vers le passé.
Nous devons légiférer dans l’intérêt commun et prendre en compte les liens diplomatiques de notre pays dans le monde et la recherche de la paix.
Je souligne que des voies de recours existent déjà dans le droit français actuel pour punir les personnes contestant tout génocide. Ce texte me paraît donc au minimum inutile.
Mais je suis persuadé aussi que ce texte est carrément dangereux. En effet, il flatte et même exacerbe le nationalisme, il entrave toute tentative de dialogue entre les peuples turc et arménien. S’il est adopté, les liens entre la France et la Turquie seront à reconstruire entièrement, à un moment où ils sont déjà très détériorés. Quant aux bribes de dialogues entamés entre Turcs et Arméniens, il n’en restera rien.