La Cour de cassation a formellement proscrit, par plusieurs arrêts successifs, notamment en 2005, le recours à l’article 1382 du code civil pour limiter la liberté d’expression. Plus encore, le 21 juin 1995, à l’occasion de l’affaire Lewis, le tribunal de grande instance de Paris a révélé ce vide juridique. Il a notamment affirmé que le législateur avait la possibilité de définir le négationnisme du génocide arménien comme une infraction pénale, mais qu’en l’état la juridiction judiciaire n’était pas en mesure de condamner de tels actes négationnistes.
Je balaierai d’un revers de main l’argument de l’illégitimité des lois mémorielles. Ceux qui se retranchent derrière ce prétexte pour se taire sont en retard d’une guerre ! Ce débat est dépassé : il n’est pas demandé aujourd’hui au Sénat de qualifier un fait historique ou de prendre position sur celui-ci ; cela a déjà été fait au travers de la loi du 29 janvier 2001. On attend simplement des membres de la chambre haute qu’ils tirent les conséquences de cette loi et ne laissent pas bafouer la volonté du peuple français, qu’ils incarnent et représentent.
En 2001, nous avons gravé dans la mémoire collective la réalité d’événements tragiques, pouvant être placés au plus haut degré dans l’échelle de l’horreur. Dix ans plus tard, nous souhaitons protéger cette mémoire collective contre les négationnistes. Le négationnisme est consubstantiel du crime de génocide ; il constitue sa phase suprême, son aboutissement, sa perpétuation à travers le temps et l’espace. J’avoue ne pas comprendre l’argument avancé par mes contradicteurs, lesquels estiment inopportun de légiférer dans le sens proposé en raison de l’absence d’un tel négationnisme en France. Cela est inexact : je rappellerai simplement, à cet égard, les faits qui se sont déroulés à Lyon en mars et en avril 2006. Sur le fond, employer un tel argument révèle une méconnaissance de l’effet dissuasif de la sanction pénale.
J’en viens maintenant au risque, évoqué par les auteurs de cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, de contrariété de la proposition de loi à deux principes constitutionnels.
Le premier principe qui serait ainsi bafoué est celui de la légalité des délits et des peines.