Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si nous nous réjouissons que ce texte prévoie un renforcement important des droits de la défense à toutes les phases de la procédure – il tend notamment à encadrer le déroulement des « auditions libres » en rendant plus systématique le droit de la personne suspecte à être assistée par un avocat –, je veux redire ici l’appel du groupe écologiste à une refonte plus globale des procédures d’enquête et d’instruction qui soit conforme aux principes énoncés par le Conseil constitutionnel et par la Cour européenne des droits de l’homme.
C’est le droit pénal et la procédure pénale qu’il faut reconsidérer dans leur entier. Il faut cesser de réviser notre droit par petits bouts, au rythme des délais de transposition des directives et des condamnations de la CEDH.
Je le rappelle, il aura fallu les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme Dayanan contre Turquie du 13 octobre 2009, puis Brusco contre France du 14 octobre 2010, suivis de la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010 et des arrêts de la Cour de cassation du 19 octobre 2010 pour que soit enfin élaboré le projet de loi permettant à l’avocat d’être présent lors des auditions des personnes placées en garde à vue. Cette loi, adoptée le 14 avril 2011, était un premier pas, nécessaire, mais loin d’être suffisant.
Je veux saluer ici le travail de mes collègues écologistes, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, qui se sont investis avec conviction pour enrichir ce texte. Ils ont plaidé, avec vigueur, pour que des mesures essentielles aux droits de la défense soient adoptées immédiatement, sans attendre les conclusions d’une énième mission ou d’un énième rapport.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je fais notamment référence à l’amendement écologiste présenté par M. Sergio Coronado, adopté par la commission des lois de l’Assemblée nationale, prévoyant l’accès de l’avocat au dossier de l’enquête dès le début de la garde à vue et sur lequel le Gouvernement est revenu en séance.
En effet, les pièces de la procédure dont l’avocat peut prendre connaissance depuis la loi de 2011 sont limitativement énumérées par l’article 63-4-1 du code de procédure pénale. Cependant, ces documents ne concernent en rien les éléments de fond du dossier et ne permettent donc pas à l’avocat d’assister effectivement son client lors des auditions au cours desquelles il peut être présent.
Si la directive n’impose pas un tel accès au dossier, il nous semble pourtant que son esprit encourageait l’adoption d’une telle disposition. De surcroît, il ne fait aucun doute que, dans quelques années, si ce n’est quelques mois, les exigences de la jurisprudence de la cour de Strasbourg et des textes européens nous imposeront de revenir sur le sujet.
Toutefois, le présent projet de loi contient, dans l’ensemble, des avancées notables en matière de procédure pénale.
L’article 1er, par exemple, renforce de manière considérable les garanties offertes à la personne entendue dans le cadre de l’audition libre. En effet, le droit au silence, le droit à un interprète, ainsi que les droits à des conseils juridiques et, surtout, à l’assistance d’un avocat seront désormais notifiés au suspect entendu librement.
Nous nous félicitons également que la suppression de l’article 10, qui autorisait le Gouvernement à prendre une ordonnance pour adapter certaines dispositions législatives du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile à la réforme du règlement Dublin II, ait été maintenue.
Cette refonte est nécessaire et les écologistes demandent depuis longtemps l’instauration d’un recours suspensif contre les décisions de transfert prises à l’encontre d’étrangers dont la demande d’asile relève de la compétence d’un autre État membre.
Mais une telle réforme ne doit pas être élaborée à la légère, si j’ose dire, et hors du contrôle du Parlement. Le Gouvernement doit s’engager sur cette question et faire des propositions concrètes au législateur. Nous attendons avec impatience de pouvoir enfin débattre et améliorer les droits des demandeurs d’asile et, plus généralement, des étrangers, tellement mis à mal par le précédent exécutif.
Pour conclure, et malgré les quelques réserves évoquées précédemment, le groupe écologiste votera ce texte, et d’autant plus résolument que sa discussion constitue, à quelques jours des élections européennes, une belle occasion de montrer au plus grand nombre que l’Europe et la construction de son droit commun peuvent aussi contribuer à renforcer les droits fondamentaux de tous les citoyens européens.