Intervention de Alain Richard

Réunion du 15 mai 2014 à 15h00
Activités privées de protection des navires — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, beaucoup a déjà été dit pour justifier l’opportunité et les principales options du projet de loi. Je me bornerai donc à faire quelques observations complémentaires.

Ce texte répond à un besoin réel : créer un espace intermédiaire de services de sécurité, au-delà de ce que fournit la marine nationale sur instruction du Gouvernement. Nous abordons là une problématique bien connue du Parlement, à savoir celle des différents domaines de sécurité assurée, sous contrôle, par des sociétés privées.

Depuis la loi du 12 juillet 1983, adoptée après accord en commission mixte paritaire, ce qui n’était pas toujours le cas à l’époque, la France s’est dotée d’un dispositif éprouvé pour régir ces professions. Notre législation a ensuite été améliorée et perfectionnée. Les dernières réformes ont d’ailleurs été assez audacieuses : un contrôle de nature régalienne est désormais exercé, non par une autorité hiérarchiquement et directement soumise au Gouvernement, mais par une instance collégiale au sein de laquelle sont représentés les professionnels du secteur. Je crois que nous avons désormais un dispositif juridique satisfaisant d’encadrement des professions de sécurité privée.

Le projet de loi est fondé sur deux éléments : d’une part, la création d’une nouvelle profession de sécurité privée encadrée ; d’autre part, des règles de maintien de la sécurité, et si nécessaire, d’emploi de la force, adaptées au milieu de la marine marchande.

Sur le premier point, les principes qui s’appliquent déjà aux autres professions de sécurité réglementées trouveront à s’appliquer à ce secteur, avec bien entendu des spécificités. Je pense à l’exigence d’une entreprise dédiée, ce qui est le cas général en matière de sécurité privée, à l’exception des polices spécialisées des entreprises ferroviaires, qui sont des établissements publics. Je pense également à l’agrément, lequel est classique, précédé d’une instruction et assorti de contrôles. Après débat, le Gouvernement a conclu – on ne peut que le suivre – que le Conseil national des activités privées de sécurité, le CNAPS, était compétent pour délivrer cet agrément et pour effectuer les contrôles.

Les éléments d’instruction, le contrôle et les sanctions étant classiquement ceux qui sont applicables aux entreprises de ce secteur, la commission des lois a choisi, sur ma suggestion, afin d’éviter la création d’une législation parallèle portant sur le même objet – laquelle finirait forcément par diverger dans le temps –, de retenir la formule consistant à renvoyer, chaque fois que c’est possible, aux dispositions de droit commun du code de la sécurité intérieure, qui nous semblent globalement bien rédigées.

Parmi les dispositions spécifiques qui s’appliqueront, citons les exigences de formation au milieu maritime, à partir d’un référentiel. Autre formule particulière retenue, qui se justifie par la distension géographique du milieu professionnel, est celle d’une carte professionnelle valable durant un an seulement. Citons aussi bien sûr, du fait que l’on se situe dans un espace géographique très étendu, la dispense de l’obligation de nationalité.

On retrouvera, en revanche, bien d’autres règles qui s’appliquent à l’ensemble des professions de sécurité, notamment deux règles qui donneront sans doute lieu à quelques discussions, car elles ne sont pas d’application facile en l’espèce. Il s’agit de la règle relative à la tenue des agents et à l’affichage de la société, qui doit être de nature à éviter toute confusion avec une autorité publique, et de l’interdiction d’exploiter les titres et les antécédents professionnels d’ancien fonctionnaire de police et d’ancien militaire.

Concernant l’adaptation au milieu maritime, qui figure notamment sous le titre III, intitulé « Modalités d’exercice de l’activité privée de protection des navires », plusieurs principes très clairs, et à notre avis parfaitement opportuns, sont énoncés.

Il s’agit tout d’abord de la présence des équipes de sécurité uniquement sur le navire, excluant donc toute intervention de sécurité à partir d’une escorte.

Vient ensuite l’obligation d’un nombre minimal d’agents. Nous aurons sur ce point, comme sur d’autres, une discussion pour définir ce qui est de nature réglementaire et ce qui relève de la loi. Il a semblé à la commission des lois qu’il était quelque peu trompeur de faire figurer dans le texte législatif un nombre minimal précis d’agents affectés à une équipe de sécurité, alors que les situations seront très diverses. Il nous a paru plus judicieux que ce nombre soit fixé par voie réglementaire et qu’il puisse donc être modulable selon les différents types de missions.

Bien sûr, puisqu’il est question du milieu maritime, il était nécessaire de clarifier le rôle et l’étendue de l’autorité du capitaine du navire vis-à-vis des équipes de sécurité. Le texte énonce de façon claire, me semble-t-il, que le capitaine a un rôle d’encadrement et de contrôle de l’équipe de sécurité, mais qu’il n’exercera pas de commandement opérationnel de cette équipe. En effet, si l’on crée une profession réglementée, c’est bien parce qu’il existe une qualification et un savoir-faire tout à fait précis, qui ne peuvent être partagés.

De ce point de vue, monsieur le secrétaire d’État – je m’adresse également au docteur en droit que vous êtes –, je ne crois pas, à la réflexion, que ce soit une bonne solution que de « recopier » ou de citer le code pénal dans un autre texte. L’excuse de légitime défense s’applique à cette activité comme à toute autre. Nous introduirions plutôt une confusion en prévoyant, pour cette seule profession de sécurité – cela ne figure pour aucune autre –, que le code pénal et donc les dispositions relatives à la légitime défense sont applicables. Il n’est pas certain que cette référence apportera, dans le cadre de la réflexion que nous aurons et qui se poursuivra à l’Assemblée nationale, quelque clarification que ce soit. En effet, l’article 122-4 du code pénal fait mention de « l’acte commandé par [une] autorité légitime ». Or il ne saurait y avoir, à bord, d’ordre donné par une autorité légitime puisque, comme je viens de le dire, le capitaine n’a pas à donner d’ordres. Il serait préférable de se borner à une simple mention du chapitre du code pénal relatif à la légitime défense.

L’Assemblée nationale, la commission du développement durable du Sénat ainsi que le Gouvernement tiennent à ce que l’État définisse les zones dangereuses. En tant que rapporteur pour avis de la commission des lois, j’ai un doute sur l’opportunité de ce zonage : il est toujours à redouter que l’État engage sa responsabilité et sa crédibilité en indiquant les coordonnées maritimes des zones dangereuses alors qu’il se produira inévitablement un accident grave en dehors de ces zones. Cette solution a la préférence du Gouvernement. Je m’en distancie un peu, mais il ne m’appartient pas d’y faire obstacle.

Deux des règles spécifiques relatives à la présence sur le navire sont importantes : l’encadrement, sous l’autorité du capitaine, des conditions de stockage des armes et la consignation à bord, qui est une forme de détention en milieu privé, consubstantielle aux responsabilités d’ordre public qui reviennent au capitaine. Celle-ci est assez clairement encadrée juridiquement par un texte récent, qui paraît convenir tout à fait à cette situation.

Enfin, le Gouvernement a estimé nécessaire de faire figurer dans le projet de loi un ajout relatif à un nouvel encadrement des conditions du contrôle douanier à bord des navires. C’était en effet judicieux, puisque la précédente disposition avait été déclarée non conforme par le Conseil constitutionnel.

La commission des lois a choisi de s’engager sur l’appréciation suivante : le nouvel encadrement fixé par l’article 34 bis du projet de loi répond au principe de proportionnalité du contrôle à bord tel que défini par le Conseil constitutionnel ; à défaut, ce principe aurait pu l’être, aussi, par la Cour de justice de l’Union européenne. Il convient donc de donner notre accord à cette adjonction.

Pour conclure, je dirai que c’est un bon texte, et chacun souhaite qu’il s’applique dans les plus brefs délais.

Monsieur le secrétaire d’État, je prendrai la liberté de vous interroger sur cet ultime point. En effet, le Gouvernement aura fait sa part de travail en déposant le projet de loi et le Parlement la sienne en l’adoptant dans un délai assez bref. Le Gouvernement est par ailleurs prêt pour la partie réglementaire. Reste qu’il faut s’assurer que la pratique suive, que le référentiel soit défini, que les formations aient lieu et que les procédures d’agrément soient conduites sur la base d’une documentation adéquate. Nous devons pouvoir informer clairement les différents milieux concernés de la date effective d’entrée en application de ces dispositions relatives aux équipes de sécurité. En tout cas, nous aurons fait ce qu’il faut, les uns et les autres, pour que ce texte soit bien conçu et que le résultat soit atteint.

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