Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Réunion du 15 mai 2014 à 15h00
Activités privées de protection des navires — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la piraterie maritime n’est pas seulement un thème de prédilection du cinéma et de la littérature, c’est aussi et surtout un phénomène sérieux, permanent, récurrent et évolutif, dont les conséquences physiques et psychologiques sur les marins, ainsi qu’environnementales et économiques, sont considérables.

Certains chiffres sont édifiants. Alors que 90 % du commerce mondial se fait par la voie maritime, plus de 230 attaques ont été recensées en 2013 par le Bureau maritime international, touchant 300 à 500 membres d’équipages, malmenés, retenus en otages, blessés ou parfois même tués. Une telle situation oblige l’industrie des transports maritimes à se structurer, notamment en contournant les zones à risques, en accélérant lorsqu’il n’est pas possible de les éviter, en allouant des primes de risque à leur équipage ou en augmentant les dépenses de sécurité.

Toutes ces mesures, auxquelles il convient d’ajouter les surprimes demandées par les assurances, coûtent très cher. Leur montant annuel a été évalué entre 7 milliards et 12 milliards de dollars au niveau mondial et entre 5 milliards et 8 milliards d’euros pour les armateurs français, ce qui finit par peser lourdement sur la compétitivité de notre pavillon.

En France, la marine nationale est chargée de la protection des navires battant pavillon français ou d’intérêts français. Depuis décembre 2008, elle participe à l’opération Atalante, première opération navale de l’Union européenne, dont l’objectif est de dissuader, de prévenir et de réprimer les actes de piraterie et de brigandage au large des côtes somaliennes. Elle est également partie prenante de la force multinationale 151, mise en place par l’OTAN.

Par ailleurs, depuis 2009 et l’attaque du Ponant et de plusieurs thoniers français dans l’océan Indien, la marine française offre, sous certaines conditions, la possibilité aux navires français évoluant dans des zones dangereuses, de demander un renfort en personnels pour les protéger, qu’on appelle « équipes de protection embarquées ».

Ces opérations, il faut le souligner, ont eu un effet dissuasif certain et entraîné une nette diminution des actes de piraterie dans l’océan Indien. En effet, dans cette zone, les prises d’otages étaient quasi systématiques et particulièrement violentes. À la mi-avril, un navire et cinquante marins étaient encore otages dans la région.

Le dernier incident concernant l’un de nos concitoyens remonte à septembre 2011 ; il avait donné lieu à la mort de l’un des plaisanciers et au sauvetage in extremis, par la force « Atalante », de son épouse.

L’accalmie apparente observée dans l’océan Indien ne doit pas faire retomber la vigilance générale, car des groupes pirates sont toujours actifs et le risque de réversibilité du phénomène restera important tant que la situation économique et politique ne sera pas résolue en Somalie.

De plus, compte tenu de la mouvance du phénomène, le recul dans cette zone a été parallèlement marqué par une émergence de la piraterie dans le golfe de Guinée.

Nous savons que les forces déployées, dont l’exceptionnel travail n’est pas en cause, ne sont pas à même de répondre à l’ensemble des demandes des armateurs sur une zone aussi vaste. C’est la raison pour laquelle 40 % des bateaux français naviguent aujourd’hui sous pavillon étranger pour pouvoir recourir à une protection armée à bord, interdite dans notre pays, mais pourtant autorisée par la plupart de nos voisins européens, comme la Grande-Bretagne, l’Espagne, le Danemark ou la Norvège.

S’il ne fait aucun doute que la sécurité est et restera un domaine régalien auquel la France est extrêmement attachée, ce texte en propose une conception plus dynamique en mettant en place un cadre légal autorisant et encadrant le recours à des services de protection privés des navires. Il n’est pas ici question de se défausser de cette compétence, mais d’autoriser, à titre complémentaire, son exercice par des sociétés privées, dont l’activité fera l’objet d’un encadrement très strict. Le présent projet de loi prévoit ainsi notamment de soumettre l’exercice de cette activité à l’obtention d’une autorisation par le Conseil national des activités privées de sécurité.

Les agents recrutés ne pourront être vêtus de tenues pouvant porter à confusion avec les tenues des forces de police, des forces armées ou de la douane. Ils pourront porter une arme et recourir à la force dans le seul cadre de la légitime défense.

II s’agit, à n’en point douter, d’un texte équilibré et respectueux tant du droit international que de nos principes constitutionnels.

Enfin, je tiens à saluer la solution retenue par la commission des lois du Sénat, saisie pour avis, pour résoudre les difficultés de codification que présentait le texte, en insérant des articles définissant le régime d’enregistrement et de surveillance des entreprises de sécurité dans le code de la sécurité intérieure et en laissant les modalités, l’emploi et l’encadrement à la mer relever du code des transports. Le choix du processus de codification différent ne remet évidemment pas en cause le bien-fondé du texte mais participe à l’intelligibilité de la loi.

Pour conclure, je dirai que ce dispositif s’inscrit dans la continuité de l’engagement pris par le Gouvernement lors du comité interministériel de la mer du 2 décembre 2013, approuvé par Jack Lang, auteur d’un rapport remis au secrétaire général des Nations unies sur les « questions juridiques liées à la piraterie au large des côtes somaliennes » en janvier 2011. Il répond également à des recommandations plus anciennes, telles que celles qui ont été formulées par MM. Peyronnet et Trucy, dans un rapport d’information sénatorial du 11 avril 2012, intitulé Lutte contre la piraterie maritime : une loi utile, une mission sans fin, dans lequel ils préconisaient également le recours à des sociétés de sécurité privées.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion