Mais il est clair, pour chacun d’entre nous, que l’impact de la crise internationale et la nécessité de résorber les déficits budgétaires obligeront les pays européens, dont la France, à réaliser de nouvelles économies, lesquelles se feront certainement sentir durement en 2012 et en 2013. Je crains que les crédits que vous défendez ne deviennent un TOTB, un « terrible objet de tentation budgétaire », et que vous ne soyez amené, dans la perspective de la clause de revoyure du Livre blanc, à faire des choix difficiles, portant peut-être même sur le format de nos armées.
Nos rapporteurs nous ont présenté avec une grande précision l’ensemble des programmes et des crédits qui s’inscrivent dans cet environnement particulièrement tendu, en formulant des observations pertinentes. Ils ont relevé des sujets de satisfaction, mais aussi exprimé des inquiétudes et des regrets : je pense au report de la mise à niveau du système de commandement et de conduite des opérations aériennes, le SCCOA, ou du concept Scorpion, aux retards dans le domaine satellitaire, y compris en matière d’alerte avancée, ou dans la rénovation des Mirage 2000-D ; je crains même l’abandon pur et simple de cette remise à niveau, avec pour conséquence la limitation à 130 ou à 150 en 2020 du nombre d’appareils de combat multi-missions de notre armée de l’air.
Monsieur le ministre d’État, j’attire votre attention sur le risque dramatique d’un décrochage capacitaire pour notre pays. Il y a des limites à la compression budgétaire, et n’oublions pas que la défense représente 165 000 emplois directs, ainsi que des milliers d’autres dans les PME sous-traitantes.
Je ne détaillerai pas davantage les investissements et programmes retenus ou repoussés, car cela a déjà été fait, mais je voudrais mettre l’accent sur un certain nombre de dossiers qui me tiennent à cœur.
Contrairement à ma collègue Michelle Demessine, je me félicite de la conclusion du double accord franco-britannique de défense, qui garantit aux deux pays la pérennité et la souveraineté de leurs forces de dissuasion, complément et non substitut de la défense antimissile balistique. Cet accord représente aussi la première application, en vraie grandeur, d’une coopération structurée permanente, au sein d’un noyau dur d’États pilotes décidés à consacrer un effort important à leur défense et à travailler ensemble. J’espère que d’autres pays nous rejoindront ; je pense, en particulier, à l’Italie et à l’Espagne.
Le second volet de cet accord va permettre la mutualisation de certains équipements, comme le MRTT, le multi-role transport tanker, de certaines formations et de certaines opérations de MCO : je pense à l’A400M.
Ce rapprochement jette aussi les bases d’une complémentarité et d’une interopérabilité de nos groupes aéronavals, ainsi que de la création d’une brigade franco-britannique qui, en raison des similitudes d’emploi et de règles d’engagement des forces, devrait être opérationnelle et réellement projetable, contrairement à la brigade franco-allemande, dont l’existence demeure avant tout, il faut bien l’avouer, hautement symbolique.
Enfin, ce rapprochement permettra le partage des coûts de recherche et de développement, indispensable pour garantir notre souveraineté ainsi que la pérennité d’une partie importante de l’industrie de défense en France et en Europe. Cela est vrai pour le domaine nucléaire et pour les « briques » technologiques que nous pourrons apporter à la défense anti-missile balistique de l’OTAN, mais aussi pour un certain nombre de programmes majeurs restant à préciser.
Nous soutenons donc, monsieur le ministre d’État, l’engagement d’un effort annuel supplémentaire de 50 millions d’euros pour chacun des deux pays dans le domaine de la recherche et du développement, et ce dès 2011.
Je voudrais évoquer également le présent et l’avenir des drones de moyenne altitude et de longue endurance, les drones MALE. L’accord franco-britannique permet d’envisager sérieusement la mise en œuvre vers 2020-2023 d’un drone MALE de nouvelle génération et à forte capacité, issu certainement du démonstrateur Mantis de BAE Systems.
Toutefois, il est indispensable d’apporter, dès 2013, une réponse pragmatique aux besoins de nos forces sur le terrain dans le domaine des drones MALE. Votre prédécesseur était sur le point d’arrêter son choix, entre le traitement des obsolescences et un achat complémentaire de drones Harfang, l’adaptation du Heron TP d’Israël Aircraft Industries à plus forte capacité ou l’achat de drones de General Atomics ayant fait leurs preuves sur le terrain et à fortes capacités d’emport. S’agissant de cette dernière option, il semblerait que nous ayons obtenu des assurances quant à l’autonomie d’emploi et à l’installation de systèmes français.
Votre choix sera difficile, car il faut prendre en compte non seulement les coûts d’achat et de maintenance, le calendrier et les retombées pour l’industrie française, mais aussi les besoins des militaires sur le terrain et l’émergence de nouvelles menaces, notamment celles d’Al-Qaïda au Maghreb islamique ou des pirates au large de la Somalie.
À Lisbonne, la France a obtenu de nombreuses avancées sur l’évolution du concept stratégique de l’OTAN, ainsi que sur la réduction des effectifs et du nombre des agences de l’Alliance. Nous devons nous féliciter de notre retour au sein du commandement intégré, sans lequel ces résultats n’auraient pu être envisagés, pas plus d’ailleurs que l’accord franco-britannique.
Je crois cependant que ce sommet témoigne d’un certain éloignement des États-Unis par rapport à la vieille Europe, …