Effectivement, il est désagréable, pour ne pas dire davantage, de voir les auteurs d'une proposition de loi signifier à leurs collègues qu'ils ne doivent pas y toucher en commission : à ce compte, mieux vaut que la commission ne s'en saisisse pas du tout !
Ensuite, on m'a fait comprendre, ici et là, que ce texte serait « féministe » et que s'y opposer serait une insulte faite aux femmes ; or, il n'y a pas que des jeunes filles qui sont victimes de violences sexuelles...
Les délais de prescription sont une affaire très sensible, qu'il faut articuler avec l'échelle des peines, Jean-Jacques Hyest nous l'a suffisamment répété pour que nous nous en souvenions. En l'espèce, on peut aujourd'hui se plaindre jusqu'à l'âge de 38 ans pour des faits intervenus lorsqu'on était mineur, cela paraît déjà bien. L'amendement déposé par Muguette Dini, en faisant courir le délai de prescription à partir du dépôt de plainte est, quant à lui, tout aussi inacceptable. Autant rendre ces faits imprescriptibles.
Autre chose, je ne voudrais pas qu'on ajoute systématiquement au traumatisme des victimes de viols, celui de la famille du présumé coupable. Lorsque quarante années ont passé, bien des choses ont changé : l'agresseur a pris de l'âge, il a peut-être fondé une famille, il n'a peut-être jamais agressé d'autres personnes ; mais le procès, aussi éloigné des faits, va bouleverser un ordre social qui s'est rétabli...
Il faut faire attention, enfin, à ne pas faire trop facilement naître pour les victimes l'espérance que quarante ans après les faits, un procès sera une chose aisée, que les preuves seront établies, qu'une décision juste sera rendue.
Pour toutes ces raisons, je voterai contre ce texte, même si je ne m'interdis pas de faire évoluer mon vote en séance publique, au vu des propositions que pourrait faire notre rapporteur.