Virginie Klès est nommée rapporteur sur la proposition de loi n° 553 (2012-2013), présentée par MM. François Pillet et René Vandierendonck, visant à créer des polices territoriales et portant dispositions diverses relatives à leur organisation et leur fonctionnement.
La proposition de résolution, présentée par MM Daniel Raoul et Raymond Vall, tendant à modifier le règlement du Sénat afin de rééquilibrer la composition des commissions permanentes a donné lieu à débat au sein de la Conférence des présidents. Certains groupes n'étaient guère favorables à l'idée de la mettre en discussion, bien que les membres de ces groupes au sein des deux commissions concernées le fussent... J'estime pour ma part que dès lors que deux présidents de commission présentent une résolution, elle doit être débattue, et vous propose la candidature du questeur Alain Anziani, qui me paraît congruente à cet épineux sujet.
M. Alain Anziani est nommé rapporteur sur la proposition de résolution n° 521 (2013-2014), présentée par MM. Daniel Raoul et Raymond Vall, tendant à modifier le Règlement du Sénat afin de rééquilibrer la composition des commissions permanentes.
La proposition de loi, présentée par M. Jean-Claude Carle, tendant à permettre aux candidats de se présenter aux élections municipales avec la nuance « sans étiquette » dans les communes de moins de 3 500 habitants soulève un vrai sujet : on se souvient des plaintes qui se sont élevées, dans tous nos départements, à la suite d'un étiquetage assez bigarré des listes par les préfets.
M. Jean-Patrick Courtois est nommé rapporteur sur la proposition de loi n° 418 (2013-2014), présentée par M. Jean-Claude Carle, tendant à permettre aux candidats de se présenter aux élections municipales avec la nuance « sans étiquette » dans les communes de moins de 3 500 habitants.
M. Jean-Pierre Michel est nommé rapporteur sur la proposition de loi n° 826 (2012-2013), présentée par M. André Reichardt, tendant à moderniser diverses dispositions de la législation applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.
M. René Vandierendonck est nommé rapporteur sur le projet de loi clarifiant l'organisation territoriale de la République (sous réserve de son dépôt).
La commission examine ensuite le rapport de M. Jean-René Lecerf et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 252 (2013-2014) visant à instaurer un schéma régional des crématoriums.
Nous devons cette proposition de loi visant à instaurer un schéma régional des crématoriums à l'initiative du groupe socialiste. On sait toute l'attention que porte notre commission, et tout particulièrement son président, à la législation funéraire. J'en veux pour preuve le rapport de notre mission d'information visant à en dresser le bilan et à tracer des perspectives, intitulé Sérénité des vivants et respect des défunts, et qui s'est vite concrétisé par le dépôt d'une proposition de loi adoptée à l'unanimité par le Sénat, devenue, après quelques aléas touchant à son inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, la loi du 19 décembre 2008.
Le texte qui nous est soumis aujourd'hui s'inscrit dans le même mouvement. Il est circonscrit à la question de la création et de l'extension des crématoriums, tant il est vrai que la loi de 2008 a réglé de nombreux problèmes. Je pense notamment à la question de la qualité des sites cinéraires. Quant à celles des devis type ou de la moralisation des contrats d'obsèques, elles n'ont pas échappé à la vigilance de notre président.
Rappelons ce qu'est le paysage français de la crémation. Si la loi du 15 novembre 1887, qui consacre la liberté des funérailles, l'a placée sur un pied d'égalité avec l'inhumation, la pratique de la crémation ne concernait toutefois, jusqu'aux années 1980, que moins de 1% des funérailles. Elle a rapidement progressé depuis, passant à 10 % en 1993, 23,5 % en 2004, 32,15 % en 2011. Dans notre rapport de 2006, nous relevions déjà que la crémation figurait dans les intentions de 40 à 50 % des souscripteurs de contrats en prévision d'obsèques. Adapter l'offre de crémation aux besoins de la population est plus que jamais d'actualité. La loi du 17 décembre 2008 a apporté un cadre juridique à cette pratique : elle a donné une qualification juridique aux cendres, dûment considérées comme des restes humains exigeant respect, dignité et décence ; elle a précisé les règles relatives à la destination des cendres et mis fin à leur appropriation privative et aux situations inacceptables qui en étaient la conséquence ; elle a encadré la création, l'extension et la gestion des crématoriums et sites cinéraires. Prohibant leur détention par des entreprises privées, le législateur a confié aux seules communes ou établissements publics de coopération intercommunale la compétence pour les gérer, tout en les autorisant à en déléguer la gestion à un opérateur funéraire habilité. Les crématoriums et sites cinéraires restent cependant propriété de la collectivité ; ils lui font retour au terme de la délégation de gestion.
La création ou l'extension d'un crématorium sont soumises à l'autorisation préalable du préfet de département, précédée d'une enquête publique destinée à associer les citoyens et à évaluer les impacts sur l'environnement. La jurisprudence invite également le préfet à examiner l'intérêt de l'opération à l'aune des besoins de la population et la pertinence de l'implantation de l'équipement au regard de ses facilités d'accès.
Pourquoi convient-il de mieux réguler encore l'implantation des crématoriums ? Lors de l'examen de la proposition de loi adoptée en 2008, dont je fus le rapporteur, je relevais déjà des lacunes dans ces implantations. On comptait, en 2006, 115 crématoriums, gérés pour moins d'un tiers en régie et pour plus des deux tiers en gestion déléguée. Dix-sept départements métropolitains en étaient dépourvus. Certaines implantations étaient déraisonnables, comme à Roanne, qui en comptait deux, à moins de huit kilomètres de distance, au prix d'une concurrence préjudiciable.
Le même constat vaut aujourd'hui. La couverture du territoire a progressé, avec 167 crématoriums et 32 en projet, mais quatre départements métropolitains et deux départements d'outre-mer en restent toujours dépourvus. Surtout, des problèmes d'implantations concurrentes sans lien avec les besoins réels de la population demeurent. Ainsi des crématoriums de Sarrebourg et Saint-Jean-Kourtzerode, en Moselle ; de ceux de Beaurepaire et de Marcilloles en Isère, du projet de Mareuil-lès-Meaux en Seine-et-Marne, à proximité du crématorium de Saint-Soupplets.
Les représentants de la direction générale des collectivités locales (DGCL), que j'ai interrogés, m'ont indiqué, à ma grande surprise, qu'ils ne disposaient pas d'une carte des implantations à jour. Le législateur a pourtant expressément confié au préfet, dans la loi de 2008, le soin de délivrer les autorisations, disposition que le Gouvernement avait alors jugée suffisante pour organiser adéquatement l'offre. Or, une relative anarchie persiste, qui n'est pas sans conséquences négatives pour les citoyens et les collectivités territoriales. Certaines zones restent dépourvues de tout équipement, tandis que d'autres sont confrontées à un surcroît d'offre : pour préserver leur rentabilité en dépit d'une activité trop faible, les gestionnaires des crématoriums ainsi placés en concurrence - qui ont souvent consenti d'importantes dépenses d'investissement -maintiennent des frais de crémation très élevés. Or, la demande de crémation est largement captive - il est très difficile à des familles endeuillées de se déplacer dans un autre département. Par ailleurs, cette pratique s'est peu à peu intégrée au rituel du deuil - au Père Lachaise, la cérémonie civile organisée dans ce cadre est, dans 66 % des cas, la seule prévue dans les funérailles. Or, ainsi que le souligne Jean-Pierre Sueur dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi, « le souci de la rentabilité des équipements créés peut conduire à privilégier des crématoriums mal dimensionnés, ce qui peut se traduire, notamment, par la diminution des surfaces de salles dédiées à l'accueil des familles et au déroulement de cérémonies civiles ». J'ajoute que le risque financier d'une exploitation non rentable pèse, en dernière instance, sur les collectivités locales, auxquelles revient la gestion du crématorium lorsque le délégataire l'abandonne. Relevons en outre que l'évolution récente de la réglementation européenne en matière de protection de l'environnement alourdit les contraintes qui pèsent sur la rentabilité de ces équipements, puisque les gestionnaires sont tenus de les mettre aux normes avant 2018, afin de filtrer les effluents toxiques qui résultent de la crémation.
En effet. Je fais observer, au passage, que le succès de la crémation n'est lié ni au prix, dans certains cas comparable à celui d'une inhumation, ni à un souci environnemental, puisque les pollutions sont de même nature. C'est vraiment un phénomène de société.
Une question délicate se pose : celle de la cristallisation des situations acquises. L'union des gérants de crématoriums français, organisation la plus réticente à ce texte, craint qu'une régulation nouvelle ne privilégie les situations acquises au détriment de nouveaux entrants.
La proposition de loi reprend, dans son principe, un dispositif proposé dès 2005 par Jean-Pierre Sueur et adopté, conformément aux recommandations de notre rapport de 2006, en première lecture, dans la loi de 2008, avant d'être supprimé par l'Assemblée nationale, qui s'était rangée au souhait du Gouvernement, en préférant à la contrainte d'un schéma le dispositif de l'autorisation préfectorale après enquête publique, jugé suffisant. Espérance déçue, qui reposait sur une mauvaise appréciation de l'enquête publique, laquelle porte sur l'impact environnemental des projets et non sur leur adéquation aux besoins de la population.
Créant un schéma régional des crématoriums, le texte qui nous est aujourd'hui soumis vise à organiser les autorisations de création et d'extension afin d'assurer une couverture du territoire plus conforme aux besoins réels. Son article premier définit l'objet du schéma et sa procédure d'élaboration. Le territoire régional serait ainsi découpé en zones géographiques indiquant le nombre et la dimension - en termes de capacités et de taille - des crématoriums nécessaires. Ce schéma serait élaboré par le préfet de région, en collaboration avec ceux des départements qui la composent. La procédure débuterait par une consultation du conseil régional ainsi que des organes délibérants des EPCI compétents, au terme de laquelle il reviendrait au préfet d'arrêter le schéma, révisé tous les cinq ans.
L'article 2 subordonne la délivrance de l'autorisation de création ou d'extension de crématorium à la compatibilité du projet avec le schéma régional.
L'article 3, enfin, organise la mise en oeuvre du dispositif, en prévoyant que les premiers schémas seront adoptés dans un délai de deux ans à compter de la promulgation du présent texte.
Si les représentants de la fédération française de crémation, ainsi que les professionnels réunis au sein de l'union du pôle funéraire public et de la confédération des professionnels du funéraire et de la marbrerie souscrivent au principe d'un schéma directeur, les représentants de l'union des gestionnaires de crématorium, en revanche, craignant qu'un tel schéma ne vienne fausser le jeu de la concurrence, s'y sont déclarés opposés.
Les représentants de la DGCL et du ministère se sont posé la question de la constitutionnalité du dispositif. Le schéma contraindra la décision des communes et de leurs groupements, puisqu'il interdira toute implantation contraire aux critères qu'il établira. Faut-il voir là une entorse au principe de libre administration des collectivités territoriales ? Je ne le pense pas. Le Conseil constitutionnel rappelle fréquemment que l'article 34 de la Constitution réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources. Il peut assujettir celles-ci à des obligations ou les soumettre à des interdictions, à la condition toutefois que les unes et les autres répondent à des fins d'intérêt général. Or, le schéma régional répond manifestement à de telles fins : il s'agit d'assurer une réponse adaptée aux besoins de la population en matière de crémation, d'écarter toute création de crématorium qui nuirait à l'environnement, d'éviter des implantations superfétatoires déséquilibrant les exploitations existantes.
Je vous proposerai d'adopter cette proposition de loi, sous réserve de quelques modifications visant à étendre le périmètre des consultations préalables, à préciser les critères d'élaboration du schéma et à adapter la durée de celui-ci.
Je remercie M. Lecerf pour la précision de son travail et souscris à ses amendements. Ce texte fait suite à la longue série de ceux que j'ai proposés sur le droit funéraire et qui touchaient à la suppression du monopole, au devenir des cendres, à l'autopsie judiciaire, aux contrats d'obsèques - sachant que la question du devis modèle, sur laquelle il faudra aboutir pour prémunir les familles contre certains agissements incorrects, pourrait être prochainement réglée.
Il y a trente ans, le choix de la crémation ne concernait que 1% des funérailles. Les évolutions que l'on constate témoignent, comme l'a souligné à juste titre le rapporteur, d'un phénomène de société sur lequel des auteurs comme François Michaud-Nérard ou Damien Le Guay - dont les conclusions sont à mon sens plus contestables - se sont penchés.
La carte que vous nous avez fait distribuer témoigne que l'on ne manque pas de crématoriums sur le territoire. À quoi bon, dès lors, créer un schéma régional ? Et ne craignez-vous pas que la durée de validité de cinq ans que vous retenez ne conduise à une perpétuelle remise à jour que n'exigeront pas les évolutions de la population ?
J'approuve ce texte sans réserve, ainsi que les amendements proposés par Jean-René Lecerf. Il est juste de laisser l'initiative au préfet car faire trop pencher la balance du côté des conseils régionaux eût pesé sur la procédure. Je me propose pour ma part de rédiger, d'ici à la séance publique, un amendement visant à régler un problème transfrontalier, qui se pose entre la France et la Belgique mais aussi le Luxembourg et l'Espagne. Des centaines de personnes âgées meurent dans des établissements qui se sont créés de l'autre côté de la frontière, où les normes de construction ne sont pas les mêmes que dans notre pays. Or, les règles françaises relatives au transport des corps interdisent aux familles de vivre leur deuil sereinement. Sauf intervention d'un tribunal, on ne peut déplomber un cercueil ainsi rapatrié, ce qui interdit la crémation. Il serait bon de profiter de ce débat pour interpeller à nouveau le Gouvernement, et demander à M. Fabius ou en est l'accord international qui doit assouplir les normes en cette matière.
Le rapporteur fait bien d'apprécier la compatibilité de ce texte, auquel je souscris, avec le principe de libre administration des collectivités. Je suis tenté d'y ajouter une interrogation au regard de la règle du libre établissement. Nous sommes certes dans le cadre d'une mission de service public, mais la question de l'accès aux délégations touche au principe de liberté du commerce et de l'industrie, et il serait bon de s'assurer que la Cour de justice de l'Union européenne ne puisse voir dans la possibilité d'écarter une création par décision administrative une entrave à la liberté d'établissement. Rappelez-vous que nous avons supprimé de notre droit les dispositions touchant à l'aménagement du territoire qui permettaient de pénaliser l'installation d'une entreprise, voire de l'interdire, comme contrevenant à la règle de libre d'établissement. N'est-on pas ici dans le même cas de figure ? Il sera bon de le vérifier.
Une observation sur l'article premier, qui prévoit la consultation des EPCI compétents. Sachant que bien des communes n'ont pas délégué cette compétence, il me paraît difficile de prévoir ainsi une consultation réservée aux seuls cas où elle aurait été déléguée.
Je suis moi aussi curieux d'entendre le sentiment du rapporteur sur ces sujets.
La carte des crématoriums montre en effet, monsieur Détraigne, que les implantations sont nombreuses, mais elle ne dit rien de leur pertinence. Sur certains secteurs, c'est le trop plein, avec les risques financiers que cela comporte, in fine, pour les communes, tandis que d'autres zones, comme le sud de la Garonne, sont délaissées. Établir un schéma évitera que l'on aille vers l'anarchie.
La durée retenue - cinq ans - serait, à votre sens, trop courte ? Les professionnels estiment qu'elle est trop longue, et demandent trois ans. Nous proposons, quant à nous, six ans, durée qui coïncide avec celle des mandats locaux. Le travail de révision des schémas n'en supposera pas moins une concertation plus fréquente, avec des organismes comme le Conseil national des opérations funéraires (CNOF), qui sera ainsi mieux associé.
Je sais, monsieur Vandierendonck, les difficultés qui se posent dans certaines régions transfrontalières, et auxquelles les représentants de la DGCL et du ministère m'ont paru, il est vrai, assez indifférents.
Alain Richard a raison de poser la question de la liberté d'établissement. On est déjà, cependant, dans un régime d'autorisation préfectorale. N'oublions pas que les crématoriums portent une mission de service public et qu'au terme de la concession, ils retournent à la collectivité publique. Cela dit, je m'efforcerai d'éclaircir la question qu'il soulève avant la séance plénière. Quant au problème de la consultation des seuls EPCI, je vous proposerai un amendement qui y répond.
J'ai rencontré, hier, notre collègue Alain Bertrand, sénateur de Lozère, qui souhaite que chaque département compte un crématorium, et déposera un amendement en ce sens. Il déplore que des familles de son département soient contraintes de faire quatre heures de trajet aller-retour pour assister à une cérémonie. Cela justifie, pour le moins, un schéma d'organisation territoriale - qui suppose aussi, quand besoin de création il y a, que la commune prenne l'initiative et trouve à s'associer une entreprise...
J'attire l'attention sur le fait que tout projet de création de ce type suscite immédiatement une vive réaction des habitants du voisinage, qui ne manquent pas de saisir les tribunaux administratifs - dont je m'empresse de préciser qu'ils ne suivent pas ces recours...
Les projets de crématorium ne sont pas seuls à susciter de telles réactions...
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article 1er
Le schéma devant servir de base aux décisions d'autorisation rendues par le préfet, il doit prendre en compte, comme le veut l'enquête publique préalable, les exigences environnementales liées à la pollution émise par les crématoriums. Tel est l'objet de mon amendement n° 1.
L'amendement n° 1 est adopté.
Le schéma précisera la dimension des crématoriums nécessaires dans chaque zone géographique. Il faut donc tenir compte de la dimension des équipements funéraires déjà existants, qui peuvent comporter, par exemple, une vaste salle de cérémonie justifiant que le crématorium à créer ne soit pas nécessairement doté d'une salle de même taille.
Les représentants des opérateurs funéraires s'inquiètent de ce que le schéma puisse décider de la dimension des crématoriums nécessaires. Ils préfèreraient, sur ce point, s'en remettre à la rationalité économique de l'exploitant. Toutefois, si l'on ne fait pas référence à la dimension, il n'y aura pas de contrôle des extensions. D'où mon amendement n° 2.
L'amendement n° 2 est adopté.
Les schémas seront élaborés à partir de prévisions sur l'évolution de la demande de crémation et d'évaluations sur les structures existantes. Il est donc souhaitable que les professionnels du funéraire et les représentants des familles y soient associés. Solliciter l'avis du CNOF, qui pourra, en outre, utilement évoquer la question des implantations à la frontière de deux régions, est tout à fait recommandé. C'est à quoi vise mon amendement n° 3.
L'amendement n° 3 est adopté.
Sachant que seuls cinquante-deux EPCI, soit 2,42% d'entre eux, ont pris la compétence crémation, dont quinze communautés urbaines pour lesquelles cela était obligatoire, il paraît utile de prévoir la consultation des quelque 5000 communes de plus de 2000 habitants, étant entendu que leur avis est réputé favorable à l'issue d'un délai de trois mois. C'est l'objet de mon amendement n° 4.
L'amendement n° 4 est adopté.
Mon amendement n° 5 porte la durée du schéma à six ans, afin de la caler sur le mandat des élus municipaux et intercommunaux, auxquels ce schéma s'imposera.
L'amendement n° 5 est adopté.
L'article premier est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
L'article 2 est adopté sans modification.
Article 3
Mon amendement n° 6, qui répond au souhait des opérateurs funéraires, prévoit que le premier schéma fera l'objet d'une révision à trois ans, afin de corriger rapidement les éléments qui sembleraient mal correspondre et d'éviter de figer pour six ans toute évolution.
Pour moi, remettre en cause un schéma au terme de trois ans signifierait qu'il a été mal fait.
Les opérateurs funéraires craignent pour les projets déjà engagés, et souhaitent que ces nouvelles dispositions ne leur soient pas appliquées. Ils redoutent les modifications que pourraient apporter le premier schéma, et souhaitent qu'il soit d'une durée moins longue, pour leur permettre de réagir. J'avoue que ce n'est pas l'amendement auquel je suis le plus attaché.
Il est vrai que remettre en cause ce schéma au bout de trois ans peut susciter des interrogations...
D'autant que notre rapporteur nous a fait part de son souci de caler sa durée sur celle du mandat municipal.
Mon amendement est fait pour rassurer les opérateurs et lever leurs réticences. On peut concevoir cette révision à trois ans comme une simple actualisation.
Il est vrai que ce n'est pas aussi problématique que la suppression des conseils généraux...
Il n'aura pas échappé à votre sagacité que nous n'avons pas supprimé, dans ce dispositif, la compétence du préfet de département...
Sachant qu'il est assez improbable que ce texte d'initiative sénatoriale voie le jour en 2014, on peut tabler sur le fait que le premier schéma ne sera pas établi avant 2016, et lui laisser une validité de quatre ans, jusqu'aux prochaines échéances municipales.
L'amendement n° 6 est adopté, ainsi que l'article 3, ainsi modifié.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Puis la commission examine le rapport de M. Patrice Gélard et le texte qu'elle propose sur la proposition de loi constitutionnelle visant à modifier la Charte de l'environnement pour exprimer plus clairement que le principe de précaution est aussi un principe d'innovation.
J'appelle votre attention sur le caractère constitutionnel de la proposition de loi à présent soumise à notre examen, et qui vise à « modifier la Charte de l'environnement pour exprimer plus clairement que le principe de précaution est aussi un principe d'innovation ». Ce qui signifie que si le Parlement l'adoptait, elle n'aurait de destin qu'au cas où le Président de la République déciderait de la soumettre à référendum...
Le fait est qu'aucune proposition de loi constitutionnelle n'a abouti sous la Vème République. Il n'en reste pas moins que ce texte, signé par M. Bizet et plusieurs de nos collègues, présente cet intérêt qu'il met l'accent sur une question constitutionnelle soulevant des difficultés. Il permet de faire le point sur la situation qui découle de l'adoption de la Charte de l'environnement. Même s'il n'est pas appelé à prospérer, il mérite que l'on s'y arrête.
Revenons sur le contenu de la Charte de l'environnement, qui ne soulève plus de problème majeur grâce à la jurisprudence intelligente des tribunaux. Si cette Charte n'a pas, au reste, suscité d'excès, l'opinion publique, en revanche, s'est fait une idée un peu fausse du principe de précaution, qui peut susciter une certaine paralysie de la décision publique, effarouchée par de possibles suites.
Si l'on met à part son préambule - dont le Conseil constitutionnel a néanmoins jugé qu'il avait valeur constitutionnelle - la Charte de l'environnement reconnaît deux droits, le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé - domaine où s'applique aussi le principe de précaution - et le droit à l'information sur l'évolution de l'environnement. Pour le reste, elle énonce une série de devoirs : devoir de préserver et d'améliorer l'environnement, à l'article 2 ; devoir de prévenir les atteintes à l'environnement, à l'article 3 ; devoir de contribuer à la réparation des dommages, à l'article 4 ; devoir de promouvoir un développement durable, à l'article 6 ; devoir d'assurer que l'éducation et la formation contribuent à la mise en oeuvre de la Charte, à l'article 8 ; devoir de développer la recherche et l'innovation, à l'article 9.
Ce déséquilibre entre droits et devoirs est encore renforcé par l'article 5, relatif au principe de précaution, dont je vous rappelle les termes : « Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. » On voit qu'il s'agit là, en réalité, d'un article de procédure, qui met en place des contraintes s'imposant à l'autorité publique. Mais le flou demeure : à partir de quand le principe trouve-t-il à s'appliquer ? Sans parler des difficultés d'application, dont témoigne la jurisprudence.
Le Conseil constitutionnel a reconnu valeur constitutionnelle à l'ensemble de la Charte. Les tribunaux administratifs et le Conseil d'Etat ont précisé ce qu'est une autorité publique chargée de la mise en oeuvre du principe de précaution. La jurisprudence a ainsi jugé qu'un maire ne l'est généralement pas, mais qu'il met en oeuvre d'autres principes comme celui de prévention ou bien encore qu'il exerce ses pouvoirs de police. Dans le code de l'urbanisme, le code de la santé publique ou celui de l'environnement, on trouve des éléments similaires. Ainsi, toute la jurisprudence relative aux antennes de téléphonie mobile se fonde, non sur le principe de précaution, mais sur d'autres principes qui se trouvent dans ces codes. Pas plus tard que la semaine dernière, la Cour d'appel de Colmar a relaxé des « faucheurs » d'OGM au motif que l'arrêté ministériel autorisant une culture d'OGM était illégal. C'est donc sur un fondement procédural qu'elle a statué.
La proposition de loi constitutionnelle soumise à notre examen ne vise pas à modifier la Charte de l'environnement, mais tend à l'améliorer, en clarifiant certaines dispositions et en en ajoutant de nouvelles. Son article unique ajoute un alinéa à l'article 5 de la Charte et apporte des modifications aux articles 7 et 8, pour lesquels je proposerai des amendements d'amélioration rédactionnelle.
S'il existe une jurisprudence européenne, celle de la Cour de justice de l'Union européenne, qui concerne cependant davantage les entreprises que les particuliers, il reste que le modèle français de la Charte n'a pas été repris dans d'autres constitutions, même si un certain nombre de pays se réfèrent au principe de précaution. Je pense, en Amérique latine, à l'Argentine et au Brésil, où l'érection au rang constitutionnel de ce principe n'est cependant pas toujours suivie d'effets - voyez l'Amazonie... Les constitutions allemande et indienne comportent des dispositions analogues, mais qui restent sans portée réelle.
On peut regretter que l'exemple français n'ait pas été suivi, ce qui aurait donné davantage de force à un principe qui ne peut jouer qu'autant qu'il atteint une portée internationale. Le nuage de Tchernobyl ne s'est pas arrêté aux frontières, comme l'on a coutume de dire...
La crainte de M. Bizet est de voir le principe de précaution paralyser la recherche et l'innovation. Il souhaite que, sur le modèle de la loi « littoral », qui comporte deux volets, l'un relatif à la protection de la nature et de l'environnement, l'autre au développement économique, la Charte de l'environnement tienne compte de ces deux exigences. Sa proposition de loi n'aboutira vraisemblablement pas, mais elle aura le mérite de mettre l'accent sur cette importante question. Et de corriger une image fausse, car on peut avoir le souci de l'environnement sans entraver la recherche et l'innovation. Voyez l'exemple du gaz de schiste : notre droit n'interdit nullement aux entreprises de rechercher d'autres modes d'extraction que la fracturation hydraulique, que seule il proscrit. Ce texte montrera que la France est vigilante, mais qu'elle est aussi favorable à la recherche et développement.
Merci de votre clarté. Je compte personnellement déposer, au titre des amendements extérieurs, un amendement inspiré de nos débats constitutionnels lors de l'adoption du principe de précaution en 2004, au cours desquels M. Badinter et quelques autres mettaient en garde : inscrire ce principe sans renvoyer sa mise en oeuvre à une loi organique serait source de difficultés... Mon amendement, qui se substituerait à l'article unique- car je ne suis pas sûr qu'il soit bien inspiré d'introduire dans la Constitution des considérations générales sur la science et l'innovation -, vise à insérer dans la Constitution un article 34-2, qui dispose que le principe de précaution inscrit dans la Charte de l'environnement s'applique dans les conditions fixées par une loi organique.
Je rejoins le doyen Gélard sur un point : cette proposition de loi n'a aucune chance d'aboutir. En l'état du texte, mon groupe s'abstiendra. J'estime, personnellement, que le troisième alinéa de l'article unique ne veut rien dire. Comment la mise en oeuvre du principe de précaution pourrait-elle encourager la recherche ? Pour moi, la recherche doit avancer quels que soient les obstacles, philosophiques ou idéologiques, qui se dressent devant elle.
Si l'amendement de Jean-Pierre Sueur était approuvé par la commission, nous aviserons.
J'ai déposé un tel amendement lors des débats sur la Charte de l'environnement. Même si le principe de précaution n'a pas donné lieu à des débordements, il est bon que la loi fixe les conditions de sa mise en oeuvre.
Vous savez tout l'intérêt que j'ai porté à cette Charte, que je n'ai pas votée, comme un certain nombre d'entre nous... Le fait est que c'est là un objet constitutionnel non identifié. Soit on considère qu'elle est de même nature que les déclarations de droits, dont la loi et la jurisprudence tiennent compte ensuite, soit on estime qu'elle appelle une loi organique, idée intéressante mais dont je ne suis pas sûr qu'elle résoudra tous les problèmes.
Je remercie le doyen Gélard d'avoir rappelé l'utilité de la jurisprudence. Il n'en demeure pas moins que le principe de précaution entre en contradiction avec l'exigence d'innovation. Si l'on s'en était inspiré naguère, on n'aurait jamais vacciné, ni fait rouler de trains, quand les grands spécialistes d'alors assuraient qu'à 30 kilomètres à l'heure, le risque de crise cardiaque était inévitable !
Les amendements du rapporteur donnent un peu de sens au texte de la Charte, qui pose toujours problème : certains s'en prévalent, pour ne pas dire le manipulent, et dès lors qu'il ne s'applique qu'en France, il pénalise notre recherche. Heureusement que la sagesse des tribunaux fait contrepoids.
J'abonde dans le sens de M. Hyest : la Charte n'est pas faite d'articles constitutionnels, elle est de même nature que les deux déclarations des droits. Elle énonce des principes, des volontés collectives. Certes, elle est un peu plus exigeante, puisqu'elle énonce, ainsi que l'a rappelé le doyen Gélard, des principes de procédure. Mais de la même manière, l'article VII de la Déclaration des droits de l'homme, qui proscrit la détention arbitraire, a été source de notre procédure pénale.
Que l'on nuance l'affirmation du principe en restant dans le registre d'une déclaration de droits, d'accord, mais je ne suis pas sûr, en revanche, qu'une loi organique nous aide. Quand je vois combien le « Grenelle de l'environnement » a sollicité les créativités, je crains, si nous engageons le débat sur un texte organique, que l'on ne voie se multiplier les rigidités. Mieux vaut laisser ces principes à leur vertu éthérée...
EXAMEN DES AMENDEMENTS À L'ARTICLE UNIQUE
Mon amendement n° 1 précise que le coût des mesures provisoires mises en place par l'autorité publique en application du principe de précaution doit être proportionné, dans la logique de ce que prévoit déjà le code de l'environnement.
L'amendement n° 1 est adopté.
Mon amendement n° 2 réécrit le troisième alinéa, qui est au coeur de cette proposition de loi, pour en améliorer la rédaction.
L'amendement n° 2 est adopté.
Mon amendement n° 3 poursuit un triple objectif : il fait la chasse aux « notamment », il apporte une précision visant à assurer que l'expertise scientifique sera bien « indépendante » - il s'agit qu'elle ne soit pas choisie par l'autorité publique chargée de mettre en oeuvre le principe de précaution - et conduite dans les conditions définies par la loi.
L'amendement n° 3 est adopté, ainsi que l'amendement n° 4.
Mon amendement n° 5 réécrit l'intitulé de la proposition de loi constitutionnelle, en marquant simplement qu'elle vise « à modifier la Charte de l'environnement pour préciser la portée du principe de précaution ».
C'est l'aveu que ce que produit la Charte de l'environnement n'est pas parfait...
Aucun principe ne connaît d'application absolue. Le principe d'égalité, le principe de liberté même voient leur portée limitée par d'autres principes.
Si le principe de précaution avait été respecté, on aurait évité bien des drames comme celui de l'amiante. Réaffirmer l'exigence d'innovation ? Soit, mais prenons garde de ne pas mettre en cause le principe au seul motif qu'il pourrait susciter un excès de zèle.
Étant arrivé tardivement, je me suis abstenu sur les amendements, mais j'aimerais que le rapporteur nous indique ce que signifie, dans l'amendement n° 1, un « coût acceptable » ? Acceptable pour qui ? Si c'est pour le générateur du risque, peu de chance qu'il le soit... Le terme de « proportionné » visait précisément à souligner que le coût devait être acceptable au regard du risque considéré. Si l'on avait interdit l'usage de l'amiante dès les années 1970, les industriels n'auraient certes pas considéré que le coût en était acceptable, mais il n'en eût pas moins été proportionné au regard du risque de cancer que l'on connaissait depuis des décennies.
L'amendement n° 5 est adopté.
Nous ne sommes pas monolithiques...
La proposition de loi constitutionnelle est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La commission examine enfin le rapport de M. Philippe Kaltenbach pour la proposition de loi n° 368 (2013-2014) modifiant le délai de prescription de l'action publique des agressions sexuelles.
La proposition de loi tendant à modifier le délai de prescription de l'action publique des agressions sexuelles, déposée par Mmes Dini et Jouanno et soutenue par le groupe centriste, aborde un sujet très sensible, qui soulève de nombreux débats.
Il est proposé de ne faire courir le délai de prescription des agressions sexuelles qu'à partir du moment où la victime est en mesure de révéler l'infraction dont elle a été victime. Ce dispositif s'inspire du régime jurisprudentiel applicable aux infractions occultes ou dissimulées, pour lesquelles le délai de prescription commence à courir « au jour où l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ». Il fait écho à un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 18 décembre 2013, par lequel cette dernière a refusé d'appliquer ladite jurisprudence à des faits de viol commis dans l'enfance sur une personne qui, victime d'une amnésie traumatique consécutive, n'avait pris conscience de ces faits que trente-quatre ans plus tard.
Ce texte s'adresse prioritairement aux victimes ayant subi de telles violences lorsqu'elles étaient enfants, car le choc émotionnel subi, surtout lorsque les faits sont commis dans la durée par un parent ou par une personne ayant autorité sur l'enfant, un éducateur, par exemple, est de nature à provoquer un traumatisme profond pouvant aller jusqu'à l'amnésie : ce constat clinique, encore trop méconnu, est aujourd'hui bien documenté par les médecins.
Les délais de prescription en vigueur, bien que déjà dérogatoires au droit commun, peuvent encore apparaître inadaptés au cas de certaines victimes, ainsi que j'ai pu le constater au cours de mes auditions.
Si on le compare à celui d'autres pays européens, le dispositif français de répression des viols sur les mineurs est très complet. Cependant, beaucoup de violences demeurent invisibles : on recense 7 000 à 8 000 condamnations par an, alors que les faits constatés par la police et la gendarmerie sont au nombre de 22 000 à 23 000 chaque année, et que le taux de victimation établi par l'Insee fait apparaître des chiffres dix fois supérieurs encore - bien que ne soient sollicitées, dans ses enquêtes, ni les personnes vulnérables ni les mineurs. Les condamnations ne représentent donc que la partie émergée d'un iceberg de quelque 200 000 faits par an. On sait que l'inceste, en particulier, touche de nombreux enfants. L'un des objectifs de cette proposition de loi est de mettre sur ces faits un coup de projecteur, pour qu'une meilleure réponse soit apportée.
Les délais de prescription de droit commun sont de un an pour les contraventions, de trois ans pour les délits et de dix ans pour les crimes. Ils peuvent être plus courts - trois mois en matière de presse, six mois en matière électorale - ou plus longs - ils sont de vingt à trente ans en matière de crimes et délits de guerre, de terrorisme, de trafic de stupéfiants, d'eugénisme - tandis que les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles.
Dans le cas des violences sexuelles sur mineurs, le régime est également dérogatoire, et le délai ne court qu'à compter de la majorité de la victime. Depuis la fin des années 1980, six modifications législatives sont intervenues pour améliorer le dispositif et mieux tenir compte de la réalité ; depuis 2004, la prescription est de vingt ans à compter de la majorité de la victime, soit l'année de ses 38 ans.
Restent, cependant, de nombreuses victimes qui ne se rendent compte de la violence des faits qu'elles ont subis, voire qui ne prennent conscience d'avoir subi des violences, qu'une fois passé le délai de prescription. Lorsque, à 40 ans, elles veulent engager une démarche de reconstruction et porter plainte, elles s'aperçoivent qu'elles ne le peuvent plus, et s'estiment lésées. Or, si ce délai de vingt ans avait été retenu en 2004, c'était bien pour permettre à des personnes arrivées à l'âge adulte, et qui pouvaient avoir fondé une famille, de porter plainte. On sait que de tels crimes ont des effets dans la durée et provoquent de profonds traumatismes qui perdurent vingt ou trente ans après les faits. Je l'ai vérifié lors de mes auditions.
Je partage donc le constat des auteures de cette proposition de loi, qui estiment que le dispositif actuel n'est pas entièrement satisfaisant. Mais j'estime que celui qu'elles proposent soulève nombre de difficultés juridiques. La proposition de loi prévoit ainsi que le délai de prescription ne court « qu'à partir du jour où l'infraction apparaît à la victime dans des conditions lui permettant d'exercer l'action publique ».
En effet. J'ajoute que cette formulation porte le flou sur le point de départ du délai de prescription.
Il me paraît en effet délicat d'assimiler les violences sexuelles au régime des infractions occultes ou dissimulées, qui vise des infractions financières tel que l'abus de confiance ou l'abus de biens sociaux, et dans lequel le délai ne court, comme cela est logique, qu'à partir du moment où l'escroc, qui a dissimulé, est découvert. La Cour de cassation a du reste toujours refusé, pour l'instant, d'étendre ce régime à d'autres branches du droit. Dans un arrêt du 16 octobre 2013, elle a ainsi refusé de reporter le point de départ du délai de prescription à des faits d'infanticides multiples commis pourtant à l'insu de l'entourage de l'auteur des faits.
J'ajoute qu'au regard du principe de légalité des délits et des peines, cette proposition de loi encourt un risque d'inconstitutionnalité car elle ferait reposer le point de départ sur des éléments très subjectifs, liés au psychisme de la victime. L'incertitude qu'elle introduit quant au point de départ du délai de prescription pourrait être valablement contestée devant le Conseil constitutionnel. Même risque au regard du principe d'égalité des justiciables devant la loi, qui suppose que les auteurs d'une même infraction soient traités dans des conditions similaires, alors que les délais de prescription seraient ici à géométrie variable, selon l'évolution de la victime, et pourraient aller jusqu'à une imprescriptibilité de fait, la remémoration des violences pouvant être très tardive.
J'observe au passage qu'en supprimant, du même coup, la règle des vingt ans à compter de la majorité de la victime, on lâche la proie pour l'ombre. Il faudrait dans tous les cas que soit évaluée, sous le contrôle du juge, la réalité de l'amnésie traumatique, quel que soit l'âge de la victime. Tous les juristes que nous avons entendus s'y accordent : c'est rendre difficile et le travail des magistrats et la position des plaignants que d'introduire ainsi des éléments aussi subjectifs dans la loi.
Pour toutes ces raisons, et bien que je partage le constat des auteurs de cette proposition de loi, je ne puis adhérer au dispositif proposé.
J'avais initialement rédigé des amendements à ce texte, mais Mme Dini a souhaité que soit débattue en séance la proposition d'origine. C'est une coutume parlementaire dont je ne conteste pas la pertinence, même si notre président m'a fait valoir qu'il était arrivé que la commission des lois présente de tels textes amendés. Mme Dini travaille de longue date sur le sujet, elle a déjà déposé des amendements sur l'imprescriptibilité pour les agressions et atteintes sexuelles aggravées et je me rangerai à son souhait de débattre, en séance publique, de son texte. Je vous indique toutefois ici que mon idée était d'amender la proposition de loi en ajoutant dix années à la prescription actuelle des violences sexuelles sur mineurs car les experts s'accordent à constater que ces traumatismes se révèlent souvent après 40 ans. Cela irait dans le sens du voeu des auteurs de ce texte, tout en évitant le flou qu'il introduit dans la prescription. La tendance, en Europe, va vers un allongement des délais de prescription touchant à ces faits. Si dans les pays de common law, il n'y a pas de prescription, en Europe continentale, les délais vont de dix à trente ans. Nous pourrions aller à trente ans, comme en Allemagne. Cela permettrait à des personnes entrées dans l'âge adulte de se reconstruire. Même s'il est difficile de réunir des preuves trente ans après les faits, ces drames, on l'a vu avec l'affaire de l'École en bateau, peuvent trouver une solution juridique, parce que bien souvent les faits se répètent dans le temps et qu'en soulevant des faits de violence anciens, on fait émerger des violences plus récentes, grâce à quoi les prédateurs sexuels qui en sont à l'origine sont condamnés, et grâce à quoi, surtout, on arrive à les faire entrer dans un protocole de soins, car ce sont bien souvent de grand malades.
Il faudrait que la commission, d'ici la séance de la semaine prochaine, trouve une solution médiane qui prenne mieux en compte les violences sexuelles subies par des enfants, mais sans aller jusqu'à l'extension voulue par les auteurs de cette proposition de loi. En l'état, je vous propose un avis défavorable sur ce texte.
Je comprends la démarche de notre rapporteur, mais elle n'est guère satisfaisante car la Constitution donne aux commissions le pouvoir d'amender les textes, sans restrictions, et qui vaut autant pour les propositions que pour les projets de loi.
J'ai rappelé ce principe dans la contribution que j'ai adressée à M. Jean-Pierre Bel dans le cadre de la réflexion qu'il a engagée sur l'organisation de nos travaux. Je lui ai également indiqué mon souhait de nous orienter vers une nouvelle répartition de l'ordre du jour du Parlement permettant de faire une plus grande place aux initiatives législatives d'origine parlementaire, quitte à diminuer le temps que nous passons en semaines de contrôle, dans des débats parfois bien... platoniques.
Effectivement, il est désagréable, pour ne pas dire davantage, de voir les auteurs d'une proposition de loi signifier à leurs collègues qu'ils ne doivent pas y toucher en commission : à ce compte, mieux vaut que la commission ne s'en saisisse pas du tout !
Ensuite, on m'a fait comprendre, ici et là, que ce texte serait « féministe » et que s'y opposer serait une insulte faite aux femmes ; or, il n'y a pas que des jeunes filles qui sont victimes de violences sexuelles...
Les délais de prescription sont une affaire très sensible, qu'il faut articuler avec l'échelle des peines, Jean-Jacques Hyest nous l'a suffisamment répété pour que nous nous en souvenions. En l'espèce, on peut aujourd'hui se plaindre jusqu'à l'âge de 38 ans pour des faits intervenus lorsqu'on était mineur, cela paraît déjà bien. L'amendement déposé par Muguette Dini, en faisant courir le délai de prescription à partir du dépôt de plainte est, quant à lui, tout aussi inacceptable. Autant rendre ces faits imprescriptibles.
Autre chose, je ne voudrais pas qu'on ajoute systématiquement au traumatisme des victimes de viols, celui de la famille du présumé coupable. Lorsque quarante années ont passé, bien des choses ont changé : l'agresseur a pris de l'âge, il a peut-être fondé une famille, il n'a peut-être jamais agressé d'autres personnes ; mais le procès, aussi éloigné des faits, va bouleverser un ordre social qui s'est rétabli...
Il faut faire attention, enfin, à ne pas faire trop facilement naître pour les victimes l'espérance que quarante ans après les faits, un procès sera une chose aisée, que les preuves seront établies, qu'une décision juste sera rendue.
Pour toutes ces raisons, je voterai contre ce texte, même si je ne m'interdis pas de faire évoluer mon vote en séance publique, au vu des propositions que pourrait faire notre rapporteur.
On voit se développer des délais de prescription « à la carte », au point qu'il y pourrait y avoir bientôt autant de délais que de types de crimes et délits... Or, la procédure pénale est un principe fondamental du droit, il faut être prudent.
L'analogie avec le délit d'abus de biens sociaux, ensuite, ne me paraît pas pertinente : dans l'abus de biens sociaux, le fautif connait les faits dès le départ, il organise l'abus, alors qu'ici, c'est un élément psychologique qui met à la disposition de la victime le choix du point de départ du délai de prescription. Je crois que ce serait là introduire un risque de désordre juridique important.
Cette proposition de loi répond à un fait divers, celui où la victime d'un viol, sortie d'une amnésie de 32 années après une thérapie, a déposé plainte en 2011 pour des faits intervenus en 1977, donc pour des faits prescrits, ce que la Cour de cassation a confirmé. Les violences sexuelles sont un sujet particulièrement sensible, même si toutes les violences sont condamnables, mais nous sommes toujours gênés, au groupe écologiste, de voir des textes être proposés sous la pression de faits divers.
Ensuite, la gravité des agressions sexuelles ne justifie pas un droit d'exception et ce n'est pas un service à rendre aux victimes elles-mêmes que de leur faire espérer, plus de trente ans après les faits, une instruction conduite de façon normale, avec des preuves suffisamment établies et une décision de justice satisfaisante. Pourquoi un régime particulier pour les violences sexuelles et pas, par exemple, pour les meurtres, ou encore pour les infanticides ? L'établissement des règles de droit, surtout en matière pénale, demande une vue d'ensemble.
Pourquoi penser que la victime trouverait toujours réparation tant d'années après les faits ? Toute agression à caractère sexuel, un attouchement par exemple, continuerait d'être passible d'une poursuite parce que plusieurs dizaines d'années plus tard, une victime aurait eu un « flash » en reconnaissant son agresseur ? N'oublions pas aussi l'affaire d'Outreau, les dégâts que peuvent causer les errements de l'appareil judiciaire...
Sans méconnaître la bonne volonté des auteurs de cette proposition de loi, nous y voyons aussi la marque de lobbies défendant des thèses sécuritaires, contre lesquels nous combattons : le groupe écologiste s'abstiendra.
Le propos du rapporteur nous confirme les difficultés d'améliorer la répression des crimes sexuels, ce que nous avons constaté les nombreuses fois où nous avons rouvert ce dossier. Le groupe UDI-UC s'est résolu à demander l'inscription de ce texte à l'ordre du jour, après un débat interne nourri, en étant bien conscient de ces difficultés. Plutôt que changer le délai de prescription pour un type d'infractions, mieux vaudrait effectivement reconsidérer l'ensemble des délais, pour tenir compte de l'allongement de la durée de la vie, tout comme de l'évolution des techniques d'investigation : le contexte a bien changé depuis l'époque où les délais actuels ont été fixés. Le nombre d'infractions sexuelles est considérable, nous savons tous les traumatismes qu'elles entrainent et le moins qu'on puisse dire, c'est que la justice ne répond pas bien aux attentes de la société en matière de répression de ces crimes et délits.
J'ai bien conscience que ce texte n'est effectivement pas recevable en l'état, et nous remercions le rapporteur pour sa courtoisie procédurale, qui permettra de débattre en séance de la proposition de loi telle qu'elle a été déposée. Je suis également favorable à la proposition de notre président, qui donnerait effectivement plus de temps pour l'examen des propositions de loi. Enfin, je suggère que nous rouvrions, à la commission, la réflexion sur les délais de prescription en matière pénale dans son ensemble.
MM. Jean-Jacques Hyest, Hugues Portelli et Richard Yung ont, en 2007, consacré un rapport à ce sujet : nous pourrions lui donner une suite, avec une proposition de loi pour le volet pénal.
Cette proposition de loi vise un vrai sujet et nous devons reconnaître la constance de Muguette Dini, qui avait déjà proposé un texte en 2012. Notre groupe, cependant, est partagé, entre ceux qui soulignent les difficultés probatoires, les risques de non-lieu, celui de voir des procédures très douloureuses ne jamais aboutir, et ceux qui n'en veulent pas moins allonger les délais de prescription, pour tenir compte des spécificités des infractions sexuelles. Il faut y travailler davantage.
Muguette Dini nous avait fait une proposition sur le sujet il y a deux ans, en proposant d'allonger le délai de prescription des agressions sexuelles, et nous avions alors décidé, à l'unanimité, qu'il valait mieux revoir l'ensemble des délais : pourquoi changer notre position ? Nous pourrions, effectivement, prendre pour base le rapport de 2007 de nos collègues Hyest, Portelli et Yung, pour une révision d'ensemble, bien plus cohérente.
On ne peut pas être insensible aux intentions des auteurs de ce texte, mais s'il était adopté, qu'adviendrait-il des condamnés les plus âgés, pour lesquels la prison n'est certainement pas adaptée ? Devra-t-on prévoir des maisons de retraite dans les prisons ?
Il ne faut pas oublier, non plus, l'urgence qu'il y a à lutter contre la récidive. A l'exception, peut-être, de la prison de Casabianda, qui accueille une majorité de délinquants sexuels, en particulier pour des violences sexuelles intrafamiliales, l'administration pénitentiaire ne fait pas assez de prévention de la récidive, par exemple des groupes de paroles ou des actions pour rétablir l'empathie, ce qui est très regrettable.
Si le délai de prescription court à compter du dépôt de la plainte, à quoi peut-il encore bien servir ? Une telle mesure ne bat-elle pas en brèche le principe d'égalité devant la loi, en faisant dépendre de la mémoire de la victime, les poursuites judiciaires elles-mêmes ?
Si je reste abasourdi, ensuite, devant le nombre d'infractions sexuelles, je ne vois pas bien en quoi l'allongement du délai de prescription les ferait diminuer. Il me semble plutôt que l'objet du texte, ici, est bien de répondre à un cas particulier, ce qui ne justifie pas à légiférer.
Enfin, je ne connaissais pas ce phénomène d'amnésie traumatique, mais si la mémoire a pu ainsi être bloquée pendant des décennies, comment accorder foi à ce dont la personne se souvient ensuite ? Quel rapport ces souvenirs lointains entretiennent-ils avec la réalité ? N'y a-t-il pas un risque d'erreurs considérables, même de bonne foi ?
Plutôt que de vouloir « rafistoler » ce texte au nom de ses bonnes intentions, je préfèrerais que nous réexaminions l'ensemble des délais de prescription en matière pénale.
Je crois que la comparaison avec l'abus de biens sociaux est malvenue et qu'elle affaiblit la démonstration : il y a bien un caractère clandestin, mais quel délit n'a pas ce caractère, quel auteur tiendrait-il à faire de la publicité sur le délit qu'il commet ?
Cependant, je ne veux pas laisser dire que ce texte serait une mauvaise chose pour les victimes : il leur donnerait la faculté de se plaindre, pas une obligation, ce n'est pas à nous de dire ce qu'il en adviendra. Même chose pour l'idée qu'il faudrait protéger l'ordre rétabli après des décennies d'impunité : n'est-ce pas plutôt un droit pour une victime qui resterait traumatisée que de vouloir rétablir un certain ordre, reconstruire sa vie, après avoir engagé une procédure si elle l'estime nécessaire ? Enfin, l'argument de l'âge des condamnés n'est certainement pas recevable : avec le vieillissement de la population, c'est probablement l'ensemble des prisonniers qui seront plus âgés en prison, ce n'est pas une raison pour les en exempter ; c'est au programme immobilier pénitentiaire de s'adapter, plutôt qu'à la loi pénale.
En revanche, je crois que le dépôt de plainte pour violences sexuelles constitue un véritable sujet : elles sont les seules violences où la victime peut être perçue et peut se percevoir comme responsable, au moins partiellement, de l'agression subie, où la victime peut être considérée comme coupable. Chacun sait qu'un certain climat se répand, fait d'insultes et de comportements agressifs envers les femmes au motif qu'elles s'habilleraient de manière provocatrice, et que ce climat entretient une réticence, voire des refus de déposer plainte. Cette singularité des violences sexuelles pourrait, elle, justifier un dispositif adapté.
Je me rallie à la proposition d'examiner l'ensemble des délais de prescription en matière pénale, il faut de la cohérence. Et contre les violences sexuelles, je préfèrerais une imprescriptibilité plutôt qu'un allongement du délai de prescription : le message politique serait plus fort.
C'est effectivement par courtoisie et pour faire vivre le débat avec ses auteurs que je vous propose de laisser ce texte sans modification aller en séance, malgré ses défauts bien apparents.
Les victimes de violences sexuelles ne sont pas toutes des filles, les garçons en subissent également, je vous remercie de le rappeler, Monsieur Michel : si les victimes majeures sont très souvent des femmes, les garçons représentent une proportion non négligeable des victimes mineures d'agressions mais aussi de comportements pervers ...
Avec le temps qui passe, l'établissement des preuves devient effectivement plus difficile, en particulier pour les violences sexuelles. Cependant, les agresseurs peuvent être de véritables prédateurs sexuels, qui commettent des viols en série sur plusieurs générations, y compris au sein de leur propre famille : c'est une spécificité des violences sexuelles et il faut disposer des outils pour arrêter de tels comportements.
S'oriente-t-on vers des délais de prescription « à la carte » ? Je ne le souhaite pas et je crois, moi aussi, qu'il faut un cadre clair et global. Dans leur rapport de 2007, nos collègues Hyest, Portelli et Yung proposaient une réforme globale des délais, à 5 ans pour les délits et 15 ans pour les crimes.
On sait, effectivement, que le dépôt de plainte contre un viol intrafamilial peut prendre des années, que les victimes peuvent attendre jusqu'à la quarantaine, une fois qu'elles sont elles-mêmes devenues parents, pour se résoudre à porter plainte. Il est clair, également, que le dépôt d'une plainte ne conduit pas toujours à une condamnation, que le procès est généralement une épreuve pour tous, mais pourquoi en refuser la faculté aux victimes du seul fait qu'elles auraient laissé passer trop de temps pour se plaindre ? Pourquoi ne pas tenir compte des spécificités des violences sexuelles en la matière ? Lorsque l'agresseur s'est livré à une série de viols, le dépôt d'une plainte libère la parole, entraînant d'autres dépôts de plaintes, ce qui permet de reconstituer des faits, des parcours d'agresseurs qui sont peu inquiétés par des plaignants dispersés ; cependant, le délai de prescription empêche des plaintes pour des faits plus anciens et il oblige à une différence de traitement qui paraît choquante, on l'a vu dans l'affaire de l'École en bateau, par exemple.
Le rapport de 2007 n'a pas prospéré et, de par mes contacts à la Chancellerie, je sais qu'une réforme n'est pas à l'ordre du jour : je crains qu'on ne doive attendre bien longtemps avant de voir un projet de loi en la matière ; dès lors, pourquoi ne pas avancer sur ce sujet des violences sexuelles ? Des délais particuliers ont déjà été établis contre les propos racistes ou encore contre les actes terroristes, je crois souhaitable que nous le fassions également en matière de violences sexuelles. Cette proposition, du reste, est suffisamment ancienne - on en parlait dès la fin des années 1980 - pour que nous ne soyons pas taxés de laisser un fait divers dicter l'agenda parlementaire... Cette proposition de loi a le soutien d'associations humanistes, qui oeuvrent auprès des victimes.
Quelle place les personnes âgées peuvent-elles avoir en prison ? C'est un sujet en soi, il faut humaniser les conditions d'incarcération, mais ce n'est pas l'objet de ce texte et il ne doit pas en commander le contenu.
L'amnésie traumatique est un phénomène décrit par les médecins, elle touche particulièrement les victimes de viols pendant l'enfance qui, pour s'en protéger, oublient les violences qu'ils ont subies ; l'amnésie dure jusqu'à une certaine maturité, souvent dans la quarantaine, où ces victimes se souviennent tout à coup de ce qu'elles ont subi, parviennent à formuler ce qui s'est passé. Les preuves sont plus difficiles à apporter avec l'éloignement du temps, mais le dépôt de plainte peut servir à la victime aussi bien qu'à d'autres victimes plus récentes, on l'a vu, ici aussi, dans l'affaire de l'École en bateau.
Enfin, si cette proposition de loi n'épuise certainement pas le problème du traitement judiciaire des violences sexuelles, elle a le mérite de nourrir le débat sur ce sujet important, je crois que c'est aussi l'intention de ses auteurs.
C'est pourquoi, tout en vous proposant de rejeter ce texte dans sa rédaction actuelle, je crois que nous devons avancer sur ce sujet et tenter de trouver une solution, dont nous pourrons débattre en séance publique.
Article 3
Par l'amendement n°1, Mme Dini propose de faire courir le délai de prescription à partir du dépôt de plainte, ce qui revient à une imprescriptibilité de fait. Avis défavorable.
L'amendement n°1 n'est pas adopté.
Le groupe socialiste votera contre ce texte en l'état. Monsieur le Président, je suggère que notre commission organise un colloque avec pour sujet l'influence de la psychanalyse sur les règles de droit pénal.
C'est un sujet certainement digne du plus grand intérêt, mais qui peut attendre la tenue des élections sénatoriales, vous en conviendrez...
La commission rejette l'ensemble du texte.
Le sort de l'amendement examiné par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La réunion est levée à 11h40.