Intervention de Dominique Voynet

Réunion du 26 novembre 2010 à 9h30
Loi de finances pour 2011 — Défense

Photo de Dominique VoynetDominique Voynet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs, c’est en vérité un exercice complexe que de tenter d’évaluer la crédibilité et la solidité du présent budget, qui est le troisième de l’État.

Au fond, on ne sait pas quelles sont ses priorités et à quelles demandes il répond : s’agit-il de garantir la sécurité du territoire national et de nos concitoyens ? D’assurer la protection des intérêts de la France ? De consolider l’industrie de la défense, qui, après avoir beaucoup exporté, est aujourd’hui en difficulté ? Que ce soit au nom de l’amitié ou de l’emploi, cette dernière préoccupation existe chez certains.

À dire vrai, on a l’impression d’avoir changé de planète en quelques semaines, et pas seulement de ministre. Le Livre blanc à peine digéré, la loi de programmation militaire à peine votée – loi que ce budget a bien entendu théoriquement vocation à respecter –, des décisions lourdes ont été prises, qui changent totalement la donne.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le débat sur ces questions a été réduit à la portion congrue. Après le changement de pied historique opéré par le Président de la République à propos de l’OTAN, changement qui fut décidé en conclave restreint, bien avant d’être discuté ici pour la beauté de l’argumentation, le ralliement de la France au concept de bouclier antimissile constitue à son tour une remise en cause profonde des notions qui ont fondé jusqu’ici la politique de sécurité et de défense de la France, mettant à mal au passage, une fois de plus, notre relation privilégiée avec l’Allemagne. Quant à l’Europe de la défense, n’en parlons plus !

La décision est déjà prise ; elle l’a été au sommet de Lisbonne. Dans ces conditions, à quoi bon maintenir le débat d’orientation sur la défense antimissile qui doit théoriquement se tenir le 9 décembre au Sénat ?

La décision a donc été prise, disais-je, à l’issue d’un marathon fébrile. Il a en effet fallu convaincre de la pertinence d’une « complémentarité » entre la dissuasion nucléaire et le bouclier antimissile et mettre en échec la stratégie de ces États européens, dont l’Allemagne, qui, prenant au mot le discours de Barack Obama à Prague, ont tenté de traduire en un engagement concret, évidemment graduel et progressif, ce rêve d’une dénucléarisation de l’Europe, vingt ans après la fin de la guerre froide.

Le ralliement français au bouclier antimissile pose évidemment des problèmes majeurs, en termes de souveraineté partagée ou de transfert de souveraineté. Qui décidera demain des équipements nécessaires et qui les fournira ? Les États-Unis, évidemment, qui ont un argument imparable : « je paie, donc je décide ». Ils décideront également de l’emploi du bouclier, terme d’ailleurs ambigu, erroné. On peut imaginer qu’il a été choisi à dessein par les spin doctors américains. Un bouclier est en effet passif, alors que l’on parle ici d’armes destinées à être employées.

Cette décision pose aussi des problèmes de crédibilité pour notre pays, qui, plus que d’autres et avant d’autres, monsieur le ministre, a renoncé à une partie de son arsenal nucléaire, sans toutefois en retirer aucun bénéfice moral ou diplomatique, notamment chez nos partenaires du Sud, tant les actes d’aujourd’hui démentent les engagements d’hier.

J’ai écouté avec l’attention qu’elle mérite l’argumentation du Président de la République. Le bouclier antimissile ? Il vaut mieux pouvoir neutraliser un missile avant qu’il ne fasse des dégâts au sol, a-t-il dit. C’est évident !

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