Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui, en première lecture, la proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Sueur visant à instaurer un schéma régional des crématoriums.
L’étude de certaines pratiques permet de saisir les évolutions de notre société. Les rites et usages liés à la fin de vie, partagés à divers degrés par tous ses membres, en reflètent une facette importante. Ils révèlent des réalités et des constantes d’ordre religieux, spirituel, idéologique, culturel et social.
En France, nous assistons depuis un quart de siècle à une augmentation de la crémation dans les pratiques funéraires. Longtemps marginale, elle représente aujourd’hui plus de 30 % des obsèques, voire 50 % dans les grandes agglomérations.
Serions-nous en train de vivre une révolution anthropologique, appelée à progresser jusqu’à devenir la nouvelle norme ? Les rites funéraires sont manifestement soumis à des évolutions que l’on se doit de comprendre.
Autorisé en France depuis 1889, l’acte de brûler le corps d’une personne décédée, puis de recueillir ses cendres, s’est transformé en un usage funéraire répandu. Cette pratique a été encouragée par la levée de l’interdit de l’Église catholique en 1963, mais surtout par une diminution du nombre de pratiquants et de croyants en France, au départ de tradition chrétienne, la crémation étant interdite dans le judaïsme et en islam.
On observe que, dans les pays où la tradition catholique est davantage ancrée historiquement et socialement, la crémation est beaucoup moins pratiquée. Ainsi le taux de crémation est-il de 8, 5 % en Italie. À l’inverse, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, le CRÉDOC, relève, dans un rapport, que l’effritement des pratiques religieuses françaises « joue un rôle dans la baisse de l’inhumation au profit de la crémation ». Cette évolution ne se double pas pour autant d’un complet abandon du rite puisque 80 % des cérémonies sont réalisées dans un lieu de culte. Toujours selon le CRÉDOC, « la ritualisation ne disparaît pas, elle prend des formes nouvelles ».
Au regard des évolutions de notre société, les pratiques funéraires se trouvent en quelque sorte allégées et libérées des contingences communautaires ou sociales d’autrefois.
Les auteurs de cette proposition de loi font un constat clair : les crématoriums sont en nombre insuffisant et leur implantation géographique ne correspond pas aux besoins de la population. Il importe aujourd’hui de s’assurer d’une répartition plus équilibrée des équipements sur l’ensemble du territoire par une rationalisation de la répartition géographique des crématoriums. Cette rationalisation permettrait également d’éviter la création de crématoriums trop proches les uns des autres et n’atteignant pas un seuil de rentabilité suffisant.
La proposition de loi prévoit d’instaurer un schéma régional des crématoriums. Ce dernier aurait une valeur prescriptive. Le schéma serait arrêté par le préfet de région, après avis du conseil régional et des intercommunalités compétentes en la matière. En revanche, chaque décision d’autorisation devrait être précédée d’une enquête publique.
Ce schéma régional des crématoriums serait révisé tous les cinq ans afin d’être adapté aux besoins de la population.
Par ailleurs, je me félicite que, sur l’initiative du rapporteur, M. Lecerf, un amendement visant à prendre en compte les exigences environnementales liées à la pollution émise par les crématoriums ait été adopté.
Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, le groupe écologiste soutiendra ce texte, qui nous met en phase avec les développements que connaît notre société en matière de rites funéraires.