Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les données biométriques ne sont pas des données comme les autres, puisqu’elles présentent la particularité d’être permanentes et spécifiques à un individu. Ainsi, elles permettent le « traçage » des personnes et leur identification certaine. Le caractère sensible et très personnel de ces données impose un encadrement et un contrôle de leur collecte.
Cependant, la frontière entre privé et public tendant aujourd’hui à s’estomper, notamment sur internet, le danger d’une violation de l’espace privé ne se limite évidemment pas à la seule utilisation des données biométriques. Nous attendons donc avec impatience que le projet de loi sur les libertés numériques promis par le Gouvernement soit présenté et soumis au Parlement.
De plus en plus de dispositifs de reconnaissance biométrique sont mis en place, notamment pour contrôler l’accès à des locaux professionnels, commerciaux, scolaires ou de loisirs.
Comme en de nombreux domaines, tout est ici affaire de mesure. Un usage abusif de ces techniques biométriques est à éviter puisque, rappelons-le, les données biométriques ne sont pas des données comme les autres : elles sont intrinsèques à l’individu et le définissent irrémédiablement.
En même temps, il convient de ne pas ouvrir la voie à un verrouillage qui risquerait d’entraver l’innovation en matière de techniques biométriques, d’autant qu’il s'agit d’un domaine pourvoyeur d’emplois, dans lequel la France est en pointe. J’ajouterai qu’il serait chimérique d’envisager un tel verrouillage…
En revanche, est-il bien raisonnable de mettre en place un système biométrique pour autoriser l’accès de jeunes enfants à la cantine ou à la piscine ?
Au sein du groupe écologiste, nous sommes loin d’en être convaincus, et nous souscrivons à ces propos tenus en 2011 par notre collègue Alex Türk : « Face au développement inexorable de la biométrie et à l’ouverture du monde sur les nanotechnologies, la sensibilisation des individus et des juristes à cette question et la volonté d’agir maintenant apparaissent absolument nécessaires ; dans vingt ans il sera trop tard… »
Au regard du droit et des libertés fondamentales, la biométrie oppose, à l’évidence, l’exigence collective de sûreté au droit individuel à la protection des données et au respect de la vie privée. Cela invite donc à trouver un équilibre entre ces droits et intérêts légitimes.
Certes, la mise en place de dispositifs biométriques est soumise à autorisation préalable de la CNIL. Toutefois, la collecte et le traitement des données ne sont conditionnés à la poursuite d’aucune finalité particulière. C’est cette lacune que la présente proposition de loi vise à combler, et nous partageons la volonté de ses auteurs de mettre en place des garde-fous en la matière.
Il s’agit ainsi de compléter la loi Informatique et libertés du 6 janvier 1978, afin de conditionner l’usage des données biométriques à une stricte nécessité de sécurité – et rien d’autre – et de répondre à un souci de proportionnalité entre la nature de l’information ou du site à sécuriser et la technologie utilisée. La sécurité est entendue comme celle des personnes et des biens, ou au sens de la protection des informations dont la divulgation, le détournement ou la destruction porteraient un préjudice grave et irréversible.
Nous nous situons ici dans la droite ligne de la position du Conseil de l’Europe, qui, à l’occasion de la révision de la convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, dite « convention 108 », invitait le législateur français à se pencher sur cette question.
L’article 6 du projet final de convention stipule en effet que le traitement de données biométriques identifiant un individu de façon unique « n’est autorisé qu’à la condition que la loi applicable prévoie des garanties appropriées » venant compléter celles de la convention. Il précise en outre que « les garanties appropriées doivent être de nature à prévenir les risques que le traitement de données sensibles peut présenter pour les intérêts, droits et libertés fondamentales de la personne concernée, notamment un risque de discrimination ».
Le groupe écologiste est très attaché à la protection de la vie privée, du corps humain et, plus généralement, à la défense des libertés individuelles. À condition que son adoption n’entrave pas l’évolution des techniques biométriques sécurisées, nous soutiendrons ce texte. §