Dans ces conditions, il est clair que le principe de précaution ne saurait ni exonérer de leur responsabilité pénale ceux qui détruisent des installations de recherche ni imposer l’interdiction systématique des cultures d’OGM, de l’exploitation du gaz de schiste, ou de la production d’électricité nucléaire. De telles mesures relèvent de choix politiques, que l’on peut soutenir ou combattre – je les combats !–, mais ne résultent pas d’une obligation juridique relevant du principe de précaution.
La proposition de loi constitutionnelle de notre collègue Jean Bizet ne retire rien à l’article 5 de la Charte, qui fait référence au principe de précaution. Elle se borne à le compléter. L’interprétation de ce principe devrait dorénavant tenir compte d’un nouveau principe constitutionnel, le principe d’innovation. C’est une explicitation, car le principe de précaution, dans son acception la plus rigoureuse, implique nécessairement que la recherche soit stimulée pour apporter des solutions à des risques dont l’éventualité est identifiée.
L’histoire de l’homme, celle des sociétés humaines, s’inscrit depuis toujours dans une tension dynamique, positive, féconde, entre les risques et les progrès induits par l’extension continue du champ des connaissances. Jusqu’à nos jours, l’homme a su se doter des instruments permettant de surmonter les dangers nés de ses propres découvertes. Sa faute est de n’avoir pas toujours voulu les mettre en œuvre.
La confiance dans la science et la notion de progrès sont cependant des ressorts essentiels de notre civilisation et elles conservent une place éminente dans notre idéal républicain. Le progrès sans le risque, cela n’existe pas, depuis la maîtrise du feu jusqu’à la découverte de l’atome, en passant par la recherche d’une meilleure adaptation des productions végétales aux besoins alimentaires de la planète.
On ne peut renoncer au progrès à cause du risque. C’est pourquoi il faut répondre aux risques non par l’interdit, mais par la précaution, par la prévention, et surtout par de nouveaux progrès. C’est ainsi que nos sociétés parviennent inlassablement à améliorer la qualité et la durée de vie, ainsi que la situation matérielle de leurs membres.
Il reste bien sûr que l’accélération inouïe des technologies nouvelles dans tous les domaines, leur diffusion mondiale, le formidable développement économique des pays émergents, font craindre aujourd’hui la réalisation de risques environnementaux massifs, d’une ampleur et d’une gravité sans précédent si de nouveaux modèles de développement ne sont pas rapidement mis en œuvre.
C’est pourquoi, si nous précisons aujourd'hui le texte de la Charte grâce à la proposition de loi de notre collègue Jean Bizet, nous voulons le faire avec prudence, sans en atténuer la portée. Il me semble justement que cette proposition de loi est utile, clarificatrice, et qu’elle respecte bien les contraintes de l’exercice.