Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un constat unanime qui m'amène à vous présenter aujourd'hui ces deux projets de loi : les institutions actuelles de la Polynésie française, issues du statut de 2004, ne permettent plus aux Polynésiens de bénéficier d'un cadre institutionnel capable de répondre à leurs préoccupations et à leurs aspirations, capable de répondre à leur besoin vital de développement économique, en un mot, capable de construire leur avenir.
Les changements si fréquents de gouvernements, les crises plus ou moins prolongées, les subtils jeux de bascule auxquels on assiste depuis plusieurs années doivent désormais cesser.
Il n'est pas concevable de laisser s'installer dans un territoire français une situation qui ne lui permet plus d'être gouverné dans la durée. C'est une question de crédibilité des institutions et de l'autonomie du territoire qui doivent être garanties par l'État. C'est la mission que le Président de la République et le Premier ministre m'ont confiée, et c'est tout l'objet de ces deux textes.
Il est donc indispensable, par respect pour les Polynésiennes et les Polynésiens, de donner un nouveau souffle, dans un esprit de rupture, à cette démocratie locale qui a été, je le rappelle, un véritable précurseur en matière d'exercice des libertés et des responsabilités locales.
Le Parlement de la République a toujours été vigilant sur le respect des aspirations des Polynésiens à se gérer eux-mêmes, sans remettre en cause leur appartenance à notre nation. Depuis 1946, date à laquelle la Constitution a créé la notion de territoire d'outre-mer, l'autonomie s'est faite, pas à pas, et vous y avez largement contribué, ici au Sénat, chambre des libertés locales où l'outre-mer a toujours su faire entendre sa voix.
Aujourd'hui, le statut de 2004 a démontré ses limites. L'instabilité politique que connaît la Polynésie française depuis trois ans et demi en est la preuve flagrante. Elle est devenue un frein certain à la mise en oeuvre des projets dont elle a besoin et qui sont légitimement attendus par sa population.
Depuis 2004, cinq présidents se sont succédé, quatre motions de censure ont été adoptées. Les Polynésiens ne le tolèrent plus, ils ne comprennent plus.
Ils me l'ont dit tant de fois lorsque je suis allé à leur rencontre, à plusieurs reprises, et encore tout récemment. Ils ne supportent plus de voir ces querelles politiques à répétition, où le débat idéologique l'emporte sur l'action concrète. Ils ne supportent plus cette instabilité qui nuit gravement au développement de leur pays, confronté à une situation économique et sociale difficile.
Et, pendant ce temps, les dossiers stagnent. Le simple exemple du contrat de projet que le Gouvernement avait prévu de proposer à la Polynésie - pour un montant de 430 millions d'euros, dont 177 millions d'euros de participation de l'État - et qui n'a toujours pu être signé est éloquent.
Ce contrat, préparé en concertation par l'État et le gouvernement polynésien présidé par M. Tong Sang, est prêt depuis des mois. Il pose les bases d'un développement économique et social durable pour amener la Polynésie à répondre aux grands défis d'aménagement qui sont les siens : l'accès de tous les Polynésiens à un service public de distribution pérenne d'eau potable, la préservation des lagons, la création de réseaux d'assainissement adaptés au développement du tourisme, au logement social, à la rénovation urbaine...
Je ne veux pas croire que les élus polynésiens, dans leur grande diversité, ne puissent se saisir d'une telle opportunité afin d'améliorer le quotidien de nos concitoyens.
L'État doit prendre sa part de responsabilité ; c'est aujourd'hui ma part de vérité face aux Polynésiens. C'est notre devoir ici de répondre à leurs préoccupations et, par là même, de remédier aux dysfonctionnements des institutions locales. C'est le devoir d'un État impartial et respectueux de tous ses administrés, d'où qu'ils soient.
L'État ne peut se soustraire à son obligation constitutionnelle d'être le garant et le régulateur des institutions. Il est parfaitement dans son rôle en prenant l'initiative de cette réforme, qui ne vise qu'à améliorer la gouvernance politique de la Polynésie française et non à entrer dans un débat partisan ou à limiter l'autonomie des institutions locales par rapport aux institutions nationales.