Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes appelés à débattre d'un projet de loi organique et d'un projet de loi ordinaire en vue de « renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française ».
Cet intitulé est ambitieux, les objectifs visés sont louables, car ils concernent des sujets importants, mais ô combien sensibles !
Monsieur le secrétaire d'État, vous venez de présenter les grandes lignes de ces deux projets de loi. Je n'y reviendrai donc pas.
Je me limiterai simplement à rappeler brièvement, pour mieux situer mon propos, les principaux points du statut de la Polynésie sur lesquels portent les modifications proposées.
Il s'agit du système électoral de l'assemblée de la Polynésie française, de l'élection du président de la Polynésie, de l'empêchement du président de la Polynésie, de l'élection du président et du bureau de l'assemblée de la Polynésie française, du dispositif de vote d'une motion de défiance, du vote du budget, du mécanisme d'attribution des subventions, de la transparence financière et du contrôle des dépenses, des incompatibilités, des élections anticipées et, enfin, du plafond des dépenses électorales.
Comme on peut le comprendre sans difficulté après cette énumération, tous les domaines abordés sont particulièrement délicats et demandent une approche prudente, mais volontaire.
En d'autres termes, pour être efficaces, il nous faut être passionnés, mais libérés de toute passion partisane ; il nous faut être engagés vers l'avenir, mais dégagés de toute contrainte dogmatique ; il nous faut être ouverts aux idées de chacun, mais fermés à toute tentation ou risque de confusion.
C'est donc avec un esprit de recherche consensuelle assorti d'une volonté de cohérence que la commission des lois a abordé l'examen de ces projets de loi, ce qui l'a conduit à vous présenter une série d'amendements.
Une première question se pose. Fallait-il modifier le statut de la Polynésie française alors qu'il ne date que de février 2004 ?
La réponse est affirmative sans hésitation, et ce pour cinq raisons toutes aussi sérieuses les unes que les autres.
Premièrement, il nous faut reconnaître que le statut d'autonomie de la Polynésie française est le premier statut qui ait été adopté sur la base des nouvelles dispositions constitutionnelles après l'importante révision de 2003. Il représente un ensemble considérable d'innovations et d'aménagements complexes. Je profite de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour rendre hommage à notre ancien collègue et ami Lucien Lanier, qui en a été le rapporteur au Sénat et dont j'ai pu mesurer la qualité et l'ampleur du travail.
Il est donc naturel qu'après plus de trois ans on puisse être conduit sur un texte aussi capital à procéder à quelques ajustements ou réglages à la lumière de l'expérience.
Deuxièmement, l'instabilité gouvernementale en Polynésie française est devenue chronique, comme l'a rappelé M. le secrétaire d'État.
Depuis les élections de mai 2004, pas moins de six motions de censure ont été déposées, dont quatre ont été adoptées avec pour conséquence l'installation successive de cinq gouvernements différents.
Devant un tel climat de défiance et de précarité, la plupart des forces politiques ont d'ailleurs demandé, à un moment ou à un autre, mais en général quand elles n'étaient pas au pouvoir, des élections, voire des modifications statutaires.
Troisièmement, la Cour des comptes a publié un rapport alarmant alors que la collectivité gère un budget supérieur à 1, 1 milliard d'euros.
Force est de constater que les principaux griefs mis en avant par la Cour des comptes sont loin d'être négligeables : une forte augmentation des dépenses de personnel, une forte augmentation des dépenses de soutien aux sociétés d'économie mixte, des investissements sans réelles études de rentabilité, une trop grande concentration des pouvoirs, une trop grande opacité des procédures, une insuffisance de contrôle de la part de l'assemblée de la Polynésie française.
Quatrièmement, le ralentissement de la vie économique est sensible, car l'instabilité gouvernementale n'incite pas aux investissements.
Cinquièmement, enfin, le découragement de la population devant ces blocages à répétition ne cesse de croître.
Face à un constat aussi préoccupant, il est clair qu'une réforme est non seulement nécessaire, mais également urgente pour restaurer la confiance et avoir une reprise de l'activité économique.
La réponse affirmative à la première question en entraîne immédiatement une deuxième : les mesures proposées sont-elles les plus appropriées pour résoudre les problèmes rencontrés ?
La réponse est également largement affirmative, mais elle nécessite toutefois l'introduction de quelques nuances.
Puisque le texte n'est pas figé, comme vient de le rappeler M. le secrétaire d'État, il fallait bien que le Parlement « mette sa patte » à cette écriture. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé des amendements, qui sont justifiés par les nuances que je viens d'évoquer.
Modifier le statut d'une collectivité n'a d'intérêt que si c'est pour l'améliorer ; sinon il est préférable de s'en dispenser. Nous sommes, je crois, tous d'accord sur ce qui peut apparaître comme une évidence. Pourtant, en approfondissant la question, ce n'est pas aussi évident qu'il y paraît !
Le sens donné au verbe « améliorer » peut avoir des connotations différentes selon les points de vue. Il n'est pas toujours forcément compris de la même manière par les uns et par les autres.
Pour la commission, et ce sera le fil conducteur de nos propositions d'amendement, cette amélioration signifie répondre à l'attente comme aux besoins des citoyens régis par ce statut, faciliter la tâche des élus qui ont à l'appliquer et renforcer leur responsabilité dans le respect des valeurs de la République.
Comme, au début du mois d'octobre, je me trouvais dans le Pacifique, je me suis arrêté à Papeete précisément du 16 au 20 octobre avec l'accord du président de la commission des lois, pour y rencontrer toutes les forces politiques ou syndicales qui le souhaitaient.
J'ai ainsi pu avoir sur place de nombreuses consultations très intéressantes qui se sont toutes déroulées - je tiens à le souligner - dans un excellent climat d'ouverture, d'échange, de compréhension et de partage, y compris avec les partis indépendantistes, entretiens fructueux qui ont donné tout son sens au mot « dialogue ».
J'en profite pour remercier chaleureusement les participants, tout spécialement Mme Anne Boquet, haut-commissaire de la République en Polynésie française, et ses services qui n'ont pas ménagé leurs efforts pour me faciliter ces contacts.
J'ai rencontré le président de la Polynésie française, le président de l'assemblée de la Polynésie française, les trois parlementaires de la Polynésie française, les différents partis politiques avec ou sans élus à l'assemblée de la Polynésie française, la présidente et la secrétaire générale du Conseil économique, social et culturel de la Polynésie française, des syndicalistes, le secrétaire général du Haut-Commissariat de la République en Polynésie française, des hauts fonctionnaires et, enfin, deux députés socialistes en déplacement sur le territoire avec lesquels j'avais souhaité m'entretenir. Je n'ai pu contacter Mme le haut-commissaire que par téléphone, car elle était en déplacement à Tonga avec le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer.
Bien entendu, l'avis rendu sur les deux projets de loi par l'assemblée de la Polynésie française a servi de fil conducteur à ces différents échanges de point de vue.
Si j'ai pu noter des divergences sensibles entre les uns et les autres, notamment sur les seuils électoraux, la motion de défiance, les subventions ou la date des élections, j'ai également pu constater un certain nombre de points communs intéressants.
Par exemple, cela mérite d'être noté, je n'ai rencontré aucune opposition manifeste au système électoral retenu par le gouvernement de la proportionnelle à deux tours sans prime majoritaire avec maintien des six circonscriptions actuelles, et auquel tout le monde semble attaché.
De même, aucune opposition ne s'est exprimée à l'encontre de la nécessité de renforcer la transparence et le contrôle des décisions financières, notamment en recentrant la place de l'assemblée de la Polynésie française.
Toutefois, j'ai ressenti une volonté générale de refuser toute réduction de la portée de l'autonomie consacrée par le statut de 2004 et, dans cet esprit, de souhaiter la réécriture de certains passages du projet de loi organique dont la rédaction pouvait présenter une ambiguïté à cet égard, même si, nous le savons, sur le fond il n'était pas question de remettre en cause l'autonomie.
Enfin, j'ai constaté une réelle prise de conscience de la part des forces politiques du découragement de la population qui, pour reprendre le terme polynésien, est « fiu », ainsi que de la nécessité de relancer la machine institutionnelle.
À la lumière de l'avis de l'assemblée de la Polynésie française et au vu de ces auditions, rencontres et de ces différents constats, la commission des lois, tout en soutenant fermement les grandes lignes des projets de loi qui vous sont soumis et en approuvant entièrement les objectifs visés, vous soumettra plusieurs amendements.
Ces modifications ont pour objet de répondre du mieux possible aux attentes des Polynésiens et de les rassurer en ce qui concerne le respect du principe d'autonomie.
Elles visent la recherche d'un point d'équilibre entre les différentes positions exprimées, dans le respect de l'intérêt général, mais elles visent aussi la recherche de la cohérence avec les dispositions applicables aux autres collectivités d'outre-mer également dotées de l'autonomie.
Ces amendements que nous examinerons lors de la discussion des articles se fondent sur le principe que le Parlement - au premier chef le Sénat, qui est la maison des collectivités territoriales et des Français de l'étranger - ...