Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 12 novembre 2007 à 9h00
Polynésie française — Discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi déclarés d'urgence

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, une nouvelle fois, ce lundi matin, nous légiférons en urgence et dans la précipitation sur l'évolution institutionnelle de la Polynésie française. Il s'agit probablement de textes de circonstance ; cette façon de procéder est pour le moins détestable. De telles conditions de débat conduisent à s'interroger sur le respect de cette collectivité d'outre-mer par le Gouvernement.

À vous entendre, monsieur le secrétaire d'État, on croit rêver ! Vous nous dites vouloir redonner la parole aux Polynésiens dans le respect de leur autonomie, combattre la corruption, l'absence de transparence...

En réalité, vous organisez les institutions polynésiennes à la mode de la Ve République, avec paternalisme, il va sans dire, mais surtout en faisant mine d'ignorer le rôle de Paris dans l'instabilité politique de la Polynésie française.

Je dois d'ailleurs dire que l'on peut constater, depuis la nouvelle élection de M. Temaru à la tête de l'assemblée de la Polynésie française, qu'une stabilité plus grande s'est instaurée, qui se trouve aujourd'hui renforcée par un accord entre les principales forces politiques locales.

Pourquoi, dans ces conditions, ce coup de force parisien ? Pourquoi afficher aussi visiblement une tutelle métropolitaine, alors que la révision constitutionnelle de 2003 annonçait, peut-être brièvement, une autonomisation croissante de ces territoires ?

Il est manifeste que, une nouvelle fois, le Gouvernement n'a pu se retenir de faire acte d'ingérence, adoptant une attitude aux relents colonialistes. C'est bien Paris qui impose à la Polynésie française les conditions de son évolution politique. Ce simple fait contredit l'autonomie qui est supposée être garantie à ce territoire, comme M. le secrétaire d'État et M. le rapporteur ont éprouvé le besoin de le marteler dans leurs interventions respectives. On insiste sur l'autonomie et, en même temps, on impose la tutelle...

Monsieur le secrétaire d'État, respecter l'autonomie, c'eût été prendre acte du rejet global de votre projet par l'assemblée de la Polynésie française - ce rejet, vous l'avez entendu, mais vous n'en avez cure -, écouter les arguments présentés et s'engager dans une autre voie.

Je rappelle que le président Temaru, qui venait d'être élu, a dénoncé l'ingérence de l'État français et la « mise en quarantaine » de l'autonomie depuis l'annonce du résultat des élections. Le statut était, en fait, conçu pour faire élire qui plaisait à Paris : évidemment, comme cela n'a pas été le cas, il devient tout d'un coup pesant !

Aujourd'hui, l'avis de l'assemblée de la Polynésie française est consultatif. C'est bien là où le bât blesse, et d'ailleurs, en passant outre cet avis, vous apportez la preuve, monsieur le secrétaire d'État, que l'assemblée de la Polynésie française ne saurait garantir l'autonomie de la collectivité.

Décidément, la présence de M. Temaru à la tête de la Polynésie française n'a pas encore été bien « digérée » par la droite métropolitaine. Pourtant, ne vous en déplaise, tout ce que vous critiquez avec une bienséante véhémence résulte de la mainmise de Paris, y compris, précisément, sur les élus de Polynésie française avant 2004.

Par conséquent, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, qui défendent depuis longtemps l'idée d'un renforcement de l'autonomie des collectivités d'outre-mer, sont absolument opposés à ce que vous proposez aujourd'hui.

Par ailleurs, je précise que nous rejetons le relèvement à 5 %, préconisé par la commission des lois, du seuil minimal devant être atteint pour qu'une liste accède à la répartition des sièges. C'est là, pour nous, une position de principe.

Pour conclure, je poserai la question suivante : essayez-vous encore aujourd'hui d'instaurer un statut, un mode d'élection afin de faire élire qui vous souhaitez ?

Pour toutes ces raisons de principe et de circonstance, nous voterons contre les deux projets de loi.

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