Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je ne devais pas intervenir ce matin, puisque j’avais prévenu le service de la séance que je renonçais à mon temps de parole. Cependant, mon nom ayant été maintenu sur le dérouleur à la suite d’un malentendu, je ne puis résister au plaisir de dire à M. le ministre d’État Alain Juppé à quel point mes collègues du groupe UMP et moi-même nous réjouissons qu’il prenne la tête du ministère de la défense, si important à nos yeux. Son expérience de Premier ministre, son passage au Quai d’Orsay seront d’une utilité considérable dans le traitement de dossiers essentiels pour notre pays.
Je voudrais évoquer brièvement un sujet qui me tient particulièrement à cœur, parmi tous ceux qui méritent notre attention dans le cadre de cette discussion, celui des réserves.
Avec 22 milliards d’euros, le programme 178 « Préparation et emploi des forces » regroupe près de la moitié des crédits et plus des deux tiers des ressources humaines du ministère. Il concentre toutes les problématiques de la gestion des ressources humaines des armées.
Dans un contexte de restrictions budgétaires sévères, davantage d’attention devrait être portée aux réserves. Elles ont été un peu oubliées dans le Livre blanc. Certes, nous n’avons pas, en France, de tradition comparable à celle des États-Unis et de leur garde nationale. C’est seulement au milieu des années quatre-vingt-dix que la France a commencé à prêter attention à cette question. Encore aujourd’hui, les investissements, dans ce domaine, sont largement insuffisants. Outre les problèmes financiers, des progrès sont à faire dans la définition des missions des réservistes. Je pense notamment à la réserve citoyenne, presque totalement ignorée par le Livre blanc.
La loi du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense a permis de développer une nouvelle réserve militaire, opérationnelle et citoyenne, complétée par des réserves à caractère civil : les réserves communales de sécurité civile, la réserve sanitaire et la réserve civile de la police nationale. Ces réserves doivent permettre aux pouvoirs publics de prolonger et d’amplifier la capacité de l’État à faire face aux crises, à intervenir et à protéger la population, sur la scène internationale comme sur le territoire national.
Nous avons à l’étranger tout un vivier de compétences et de réseaux qui mériteraient d’être mieux utilisés. Je sais que ce sujet vous est cher, monsieur le ministre d’État ! La réserve citoyenne pourrait permettre aux Françaises et aux Français de l’étranger de mettre bénévolement leur expertise au service de notre rayonnement économique et stratégique, ainsi que d’améliorer notre capacité de réaction en cas de crise.
Un tel développement pourrait aussi s’appuyer sur la refonte des journées d’appel de préparation à la défense. Ces journées citoyennes sont indispensables, mais, malheureusement, dans de très nombreux pays, elles ne sont pas organisées, alors qu’elles constituent pourtant un moyen incontournable de transmettre à des jeunes en grande majorité binationaux, qui souvent n’ont jamais de contact avec la France ou avec l’institution militaire, un certain esprit civique, des messages sur notre pays, sur la nation, sur nos valeurs.
On constate depuis plusieurs années une diminution du budget des réserves, qui entraîne une réduction du nombre d’actions de formation et d’entraînement des réservistes. Les amputations de crédits altèrent la crédibilité de la réserve, devenue variable d’ajustement du ministère.
Dans le cadre des prescriptions du Livre blanc, la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 a fixé comme objectif de disposer de 40 000 réservistes opérationnels en fin de programmation, à raison de vingt-cinq jours d’activité par an. Pour passer de 35 000 réservistes opérationnels à la fin de 2008 à 40 000 en 2015, une stratégie de montée en puissance est nécessaire : il faudrait recruter 1 600 nouveaux réservistes par an. Malgré de nombreux nouveaux recrutements, l’expansion des réserves est mise à mal par un nombre important de cessations d’activité, pour cause de départ ou de non-renouvellement de contrat.
En 2009, le nombre des réservistes a diminué de 1 800 et on a observé une stagnation du nombre de jours d’activité, qui s’est établi à vingt et un. Un problème de motivation, de compréhension et de valorisation des missions, de « sous-emploi » des réservistes se pose.
En ce qui concerne les dépenses salariales de la réserve opérationnelle, les crédits affectés à la réserve militaire au titre des rémunérations et charges sociales, hors pensions et en incluant la réserve de la gendarmerie, ont atteint, en 2008, 123, 16 millions d’euros, soit le même montant qu’en 2007. En excluant la réserve de la gendarmerie, ce montant ne s’élève plus qu’à 77, 01 millions d’euros. Pour 2011, le projet de loi de finances prévoit 88, 5 millions d’euros de crédits à ce titre, hors réserve de la gendarmerie. De 2002 à 2008, les dépenses salariales hors pensions et hors réserve de la gendarmerie sont passées de 47 millions à 88 millions d’euros, ce qui correspond à la croissance d’environ 20 000 à 32 000 de l’effectif des réservistes.
Ces réservistes sont un peu démoralisés. Il serait important, monsieur le ministre d’État, que vous vous consacriez aussi à la mise en lumière de leur valeur ajoutée dans notre dispositif de défense nationale.
En tant qu’ancienne élue des Français de Grande-Bretagne, je ne peux que me réjouir de la signature récente de l’accord franco-britannique, que nous avions tant appelée de nos vœux. Il était essentiel d’arrimer la Grande-Bretagne à notre dispositif européen. Bien évidemment, comme chacun des membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, j’ai des inquiétudes quant à l’avenir de l’Europe de la défense. Je crois toutefois que cet accord, par sa très grande valeur symbolique, pourra peut-être inciter les Allemands à s’engager dans une nouvelle dynamique de défense à l’échelle européenne.