Nous examinons une proposition de loi inscrite dans la niche réservée au groupe écologiste du 17 juin prochain, relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d'ondes électromagnétiques. Le texte a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 23 janvier dernier. L'objectif de son auteur, la députée Laurence Abeille, est de réduire l'exposition de nos concitoyens aux ondes, au motif que leur innocuité n'est pas prouvée.
Qu'en est-il réellement ? L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) réalise une revue de la littérature internationale sur les risques posés par les ondes électromagnétiques, et dispose d'un groupe de travail dédié à ces questions. Les représentants de l'agence nous ont indiqué que la France était l'un des derniers pays à maintenir une recherche publique sur le sujet. L'Allemagne l'a récemment arrêtée, estimant que les connaissances actuelles ne justifiaient pas une vigilance accrue. L'Anses a publié une première étude en 2009, actualisée en octobre 2013. Son rapport conclut à l'absence d'effets sanitaires avérés pour les expositions environnementales, et note uniquement, avec des niveaux de preuve limités, l'existence d'effets néfastes potentiels pour l'utilisation de téléphones mobiles en mode communication chez les utilisateurs intensifs. L'Académie de médecine a rappelé qu'aucun risque des radiofréquences n'est avéré en dessous des limites réglementaires. Les radiofréquences ont pour seul effet connu l'échauffement, par absorption d'une partie de la puissance émise. C'est ce que mesure le DAS, ou débit d'absorption spécifique, indiqué lors de l'achat d'un téléphone. La réglementation limite la puissance autorisée, avec une marge de sécurité importante. Dans les études internationales menées, aucun effet biologique non thermique n'a été observé, de même qu'aucun effet nocif en dessous des seuils réglementaires. L'Anses ne recommande pas d'abaisser les expositions aux ondes électromagnétiques. Le seul sujet de vigilance concerne l'exposition au contact des téléphones portables, raison pour laquelle ils sont obligatoirement fournis avec un kit mains libres.
Le postulat de départ de cette proposition de loi, qui souhaite inscrire dans le droit en vigueur un principe de modération de l'exposition, ne semble pas être fondé. Le texte propose au titre Ier une révision de la procédure d'implantation des antennes relais. L'article 1er rénove le dispositif d'installation des antennes, en plaçant le maire au coeur du mécanisme de concertation, d'information et de facilitation du dialogue entre les parties prenantes. Cette modification de la procédure en vigueur n'est pas souhaitable, puisque la répartition des rôles entre l'État, à travers ses bras armés que sont l'agence nationale des fréquences et l'Arcep, et les communes a été clarifiée dans un arrêt du Conseil d'État d'octobre 2011 et une décision du Tribunal des conflits de mai 2012. L'Agence nationale des fréquences coordonne l'implantation sur le territoire national des stations radioélectriques de toute nature, et veille au respect des valeurs limites d'exposition du public aux champs électromagnétiques. Elle dispose de pouvoirs de police spéciale des communications électroniques. L'État est seul compétent pour déterminer les modalités d'implantation des antennes-relais sur l'ensemble du territoire et les mesures de protection du public contre les effets des ondes qu'elles émettent. Le code des postes et des communications électroniques prévoit que le maire soit informé, à sa demande, de l'état des installations exploitées sur le territoire de sa commune. Pour autant, il ne peut pas adopter de réglementation relative à l'implantation des antennes-relais en vue de protéger le public contre les effets négatifs supposés des ondes. Sa seule compétence tient à ses pouvoirs en matière d'urbanisme : aucune antenne ne peut être implantée sans déclaration de travaux. Les rôles sont clairement répartis. Alourdir la procédure ne paraît pas opportun. Tout au plus, pourrait-on accepter une transmission systématique, dans un souci d'information, d'une copie du dossier de demande d'implantation au maire. L'Association des maires de France a publié en 2007 un Guide des relations entre opérateurs et communes, qui organise le dialogue et la concertation.
S'il est utile de renforcer l'information des maires, il n'est pas nécessaire de les placer au coeur de la procédure d'autorisation des antennes et à doublonner le système existant autour de l'Agence nationale des fréquences. L'AMF souligne la grande solitude dans laquelle les maires se trouvent depuis de nombreuses années pour répondre aux inquiétudes des habitants vivant à proximité des antennes-relais. Seul l'État, compétent en matière de risque sanitaire, peut assumer ce rôle. Je vous proposerai un certain nombre d'amendements visant à supprimer une partie des mesures prévues. Je vous proposerai de remplacer l'objectif de modération de l'exposition des ondes par celui, plus adapté, de maîtrise de l'exposition, qui n'implique pas nécessairement une baisse mais bien un contrôle et une vigilance des pouvoirs publics. Mes amendements à l'article 1er viseront aussi à rendre systématique l'information des maires par les opérateurs quant aux installations situées sur le territoire de leur commune, au-delà de la simple déclaration de travaux obligatoire.
De manière plus générale, je crois qu'il nous faut prendre garde, avec les dispositions de ce titre Ier, à ne pas complexifier la procédure d'installation des antennes-relais à un point tel que nous mettrions en péril l'aménagement numérique du territoire, alors même que le risque sanitaire n'est pas avéré. La semaine dernière, l'Arcep a ouvert trois enquêtes administratives à l'égard des opérateurs pour s'assurer du respect de leurs obligations. Une enquête visait Free Mobile, qui est tenu de couvrir en 3G, hors itinérance sur le réseau d'Orange, 75 % de la population d'ici le 12 janvier 2015 ; une autre concernait Bouygues, Free, Orange et SFR sur le déploiement d'un réseau 3G commun dans 3 500 communes rurales d'ici la fin de l'année 2013 ; enfin, une enquête s'assurait que la dernière échéance de déploiement du réseau mobile 3G par SFR couvrait bien la cible de 99,3 % de la population. Le désenclavement numérique de notre territoire, et en particulier des zones rurales ne doit pas être mis en péril. Il en va de l'intérêt général.
Le titre II de la proposition de loi renforce l'information et la sensibilisation du public. L'article 3 complète les missions de l'Anses pour y ajouter la veille en matière de radiofréquences. J'y suis favorable. L'article 4 renforce l'information. Il prévoit l'indication du débit d'absorption spécifique - le DAS - sur un certain nombre d'équipements, ainsi que la mention de la recommandation d'utilisation du kit oreillettes. Les appareils devront disposer d'un mécanisme simple de désactivation du wifi, et indiquer leurs émissions de champs électromagnétiques. Les établissements proposant un accès public au wifi devront l'indiquer clairement. Je vous proposerai deux amendements de précision.
L'article 5 est relatif à la publicité. Il étend l'interdiction de publicité pour les moins de quatorze ans, qui n'existe aujourd'hui que pour les téléphones mobiles, à tous les équipements terminaux radioélectriques. Je vous proposerai également la suppression de cette mesure, disproportionnée au regard du risque sanitaire. Je vous proposerai la suppression du dernier alinéa imposant aux opérateurs la fourniture d'un kit oreillettes adapté aux moins de quatorze ans, qui me semble constituer une contrainte supplémentaire disproportionnée. Les dispositifs actuels peuvent être utilisés par les moins de quatorze ans et les parents ont également une responsabilité à assumer sur ce sujet. En revanche, l'article prévoit l'obligation, pour toute publicité concernant les téléphones, de mentionner l'utilisation d'un kit mains libres, ce qui est une bonne chose dans la mesure où les études scientifiques récentes indiquent que cet usage nécessite d'être vigilant.
L'article 6 prévoit la mise en place par le Gouvernement d'une politique de sensibilisation et d'information. L'article 7 vise l'exposition des enfants aux ondes électromagnétiques. Il interdit, dans les crèches, l'installation du wifi dans les zones dédiées à l'accueil, au repos et aux activités des enfants. Il impose la désactivation du wifi dans les écoles primaires, lorsque l'accès sans fil n'est pas utilisé pour des activités numériques pédagogiques. Je vous proposerai la suppression de cet article fortement anxiogène, car ces dispositions ne sont étayées par aucune étude scientifique suggérant un risque spécifique ou supplémentaire pour les enfants. Cet article pourrait entraîner la mise en cause de la responsabilité du maître d'ouvrage, le maire, ou des enseignants. La question, légitime, de l'information lors de l'installation d'antennes relais à proximité d'établissements scolaires a été résolue par le décret du 3 mai 2002 relatif aux valeurs limites d'exposition du public aux champs électromagnétiques. Son article 5 précise que les opérateurs doivent indiquer les actions engagées pour assurer qu'au sein des établissements scolaires, crèches ou établissements de soins situés dans un rayon de cent mètres de l'installation, l'exposition du public au champ électromagnétique soit aussi faible que possible tout en préservant la qualité du service rendu.
L'article 8 prévoit la remise d'un rapport du Gouvernement, dans un délai d'un an, sur le sujet de l'électro-hypersensibilité. Il est nécessaire de réaliser une étude sur les modalités de prise en compte de cette pathologie. L'article 9 applique les dispositions de la proposition de loi aux outre-mer.
Je vous proposerai d'émettre un avis favorable à l'adoption de cette proposition de loi, sous réserve des modifications, certes substantielles, que je vous ai présentées et que nous allons examiner plus en détail. Il est important de ne pas placer le débat sur le plan d'une inquiétude irrationnelle, et de fonder notre position sur les éléments de connaissance scientifique et sanitaire dont nous disposons. Des mesures trop restrictives au regard des risques purement hypothétiques ne manqueraient pas d'être interprétées par nos concitoyens comme une confirmation de la dangerosité des radiofréquences, au risque de mettre en place une politique contre-productive pour notre pays.