Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 12 juin 2014 à 9h30
Statut des stagiaires — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, notre assemblée avait adopté le 14 mai dernier, au terme de longs débats et après l’examen de 150 amendements, la proposition de loi de notre collègue députée Chaynesse Khirouni tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires.

Ce texte avait été très largement enrichi par nos travaux, sur l’initiative de tous les groupes politiques, qu’ils fassent ou non partie de la majorité sénatoriale, groupes dont je tiens à saluer ici la contribution essentielle. Le Sénat a modifié le texte sur plusieurs points afin de renforcer la lutte contre la précarité des stagiaires, de responsabiliser davantage les établissements d’enseignement envers leurs élèves en stage et de tenir compte de la situation spécifique des maisons familiales rurales, auxquelles, je le crois, chacun d’entre nous ici est très attaché.

Concernant le statut des stagiaires, nous avions tout d’abord, sur ma proposition, revalorisé le montant minimal de la gratification en le faisant passer de 12, 5 % à 15 % du plafond de la sécurité sociale, soit de 436 à 523 euros. Nous avions également souhaité rendre la gratification obligatoire pour tous les stages de l’enseignement supérieur d’une durée de plus d’un mois, contre deux mois à l’heure actuelle. Enfin, sur proposition du groupe CRC et du groupe du RDSE, nous avions étendu à tous les stagiaires l’accès à la restauration collective de l’organisme d’accueil ou aux titres-restaurant ainsi qu’à la prise en charge des frais de transport.

Afin que les établissements d’enseignement s’impliquent davantage dans le suivi de leurs élèves en stage, la commission des affaires sociales avait confié à leur conseil d’administration, sur ma proposition, le soin de fixer le nombre maximal de stagiaires par enseignant référent et les modalités du suivi qui doit être réalisé. En séance publique, il a été précisé qu’il devrait s’agir d’un suivi pédagogique et administratif constant, et qu’un décret viendrait déterminer un plafond de stagiaires par enseignant référent. De même, sur proposition des sénateurs du groupe UMP, un lien direct entre l’enseignant référent et le tuteur du stagiaire a été établi, afin qu’ils se concertent à plusieurs reprises pour assurer le bon déroulement du stage. Pour les stages obligatoires, selon le texte du Sénat, les établissements auraient été tenus d’en proposer un à leurs étudiants n’ayant pas réussi à en trouver dans les délais impartis, sans que ces derniers puissent le refuser.

À l’approche des débats au Sénat, les maisons familiales rurales avaient fait part de leurs craintes quant à l’application de cette réforme à leurs cursus, en particulier en matière de gratification des stagiaires. Toutefois, elles étaient déjà juridiquement soumises aux règles de droit commun en la matière – je tiens à le rappeler –, à savoir une gratification pour tous les stages et périodes de formation en milieu professionnel, ou PFMP, de plus de deux mois. Il semblerait que, dans les faits, ces règles n’aient pas été appliquées. Un amendement du Gouvernement a donc eu pour objet d’ouvrir la possibilité de déroger, par décret, à ce régime au bénéfice des PFMP et des MFR. Le projet de décret, tel que le Gouvernement nous l’a communiqué, prévoit que la gratification sera obligatoire pour les PFMP de plus de trois mois, ce qui correspond à la demande des MFR. Je suis satisfait que tous les acteurs concernés soient parvenus à un compromis sur ce point.

Enfin, un article additionnel avait été ajouté, sur proposition commune des groupes UMP, UDI-UC et du RDSE. Il tend à instaurer un système de bonus-malus sur la taxe d’apprentissage, qui impose aux entreprises de plus de 250 salariés de respecter un quota d’alternants dans leurs effectifs. L’objet de cet amendement visait à comptabiliser les stagiaires embauchés ensuite en contrat à durée indéterminée dans l’organisme au même titre que des jeunes en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation.

Cette récapitulation de nos travaux me permet de souligner que les désaccords de fond avec l’Assemblée nationale étaient mineurs et que nous sommes parvenus à un texte commun sans difficultés. Il a certes fallu réaliser des compromis pour convaincre nos collègues députés de se rallier à notre position, et le texte final n’est sans doute pas aussi ambitieux que j’aurais pu le souhaiter initialement. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit de la concrétisation d’un processus que je suis fier d’avoir amorcé ici même voilà près de sept ans avec une proposition de loi qui n’avait malheureusement pas eu autant de succès que celle-ci.

La commission mixte paritaire a donc confirmé la revalorisation de la gratification minimale des stages décidée par le Sénat, tout en décalant son entrée en vigueur au 1er septembre 2015 afin de tenir compte de la situation des plus petites structures d’accueil, en particulier associatives, qui n’ont pas anticipé une telle charge dans leur budget pour 2014, mais qui pourront ainsi le faire lors de l’élaboration, à la fin de l’année, de leur budget pour 2015. Sur proposition de Mme la rapporteur pour l’Assemblée nationale de la commission mixte paritaire, Chaynesse Khirouni, la commission a en revanche rétabli à deux mois la durée minimale de stage donnant obligatoirement lieu à gratification.

Par ailleurs, la commission mixte paritaire a supprimé la disposition contraignant les établissements d’enseignement à proposer un stage à leurs étudiants qui n’en ont pas trouvé, et obligeant ces derniers à accepter cette proposition. Elle a jugé que la proposition de loi tendait déjà à renforcer grandement les missions des établissements en matière d’accompagnement dans la recherche de stage et de suivi des stagiaires, mais qu’il ne fallait pas porter atteinte au libre arbitre des élèves.

L’article additionnel ajouté par le Sénat concernant le bonus-malus sur la taxe d’apprentissage n’a pas non plus été maintenu par la commission mixte paritaire. En assimilant les stagiaires recrutés en CDI à des alternants, il entrait en contradiction directe avec l’objectif, partagé par tous les gouvernements qui se sont succédé ces dernières années et par chacun ici, de développer l’alternance et de modifier la perception qu’en ont nos concitoyens, mais aussi, trop souvent, les enseignants de l’enseignement secondaire. Il aboutissait à exonérer de grandes entreprises d’une obligation essentielle, alors que l’on sait bien que ce n’est pas dans l’artisanat ou dans les petites et moyennes entreprises que l’apprentissage n’est pas assez développé.

Au vu de la portée symbolique de cette proposition de loi, attendue par une jeunesse dont les espérances envers l’action publique sont trop souvent déçues, mais aussi de ses effets pratiques, qui permettront de mettre un terme aux abus de stages aujourd’hui trop courants, je suis heureux que l’examen législatif de ce texte s’achève et j’émets le vœu que les conclusions de la commission mixte paritaire recueillent un vote positif du Sénat. §

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