Intervention de Joël Guerriau

Réunion du 18 juin 2014 à 14h30
Débat sur les zones économiques exclusives ultramarines

Photo de Joël GuerriauJoël Guerriau, rapporteur de la délégation sénatoriale à l’outre-mer :

Les pillages de ressources halieutiques, hélas devenus habituels au large de la Guyane ou de l’île de Clipperton, se doublent en effet de remises en cause du rattachement à la France de certains îlots et surtout des ZEE qui leur sont associées. Ainsi en est-il de l’île de Clipperton avec le Mexique, ainsi que cela a été rappelé, même si un accord a été signé en 2011, des îles Éparses avec Madagascar, de l’île Tromelin, dont la souveraineté française est contestée par l’île Maurice, ou encore des îles Matthew et Hunter disputées par le Vanuatu.

Les tensions ont aussi été ravivées avec les Comores et Madagascar depuis que la prospection pétrolière se développe dans le canal du Mozambique. Effectivement, les Comores mènent, depuis le mois de janvier 2014, une politique de revendication active en accordant des permis d’exploration dans un secteur ressortissant, pour la France, à la ZEE de Mayotte.

Autre paradoxe, la façon dont la France se comporte dans les instances mises en place par la convention de Montego Bay qui assure la gouvernance internationale des océans.

Du fait de l’importance de sa ZEE, qui s’étend sur tous les océans et dans les deux hémisphères, et de son rôle traditionnel au sein des instances onusiennes, notre pays aurait tout d’un leader naturel. Pourtant, nous devons le reconnaître, il fait plutôt figure de mauvais élève. Notons les retards devant la Commission des limites du plateau continental, mais, plus encore, la façon dont la France reste en marge des travaux de l’Autorité internationale des fonds marins.

Cette institution, installée à Kingston en Jamaïque, est chargée d’assurer la gestion des eaux internationales et de la zone internationale des fonds marins, communément appelée « la Zone », – soit l’ensemble des zones maritimes qui ne relèvent de la souveraineté d’aucun État – et de fixer les règles d’exploration et d’exploitation des ressources. Vous mesurez donc, mes chers collègues, combien il importe d’être influent dans cette organisation. L’AIFM a ainsi en principe vocation à élaborer le cadre d’une gouvernance mondiale des océans aujourd’hui encore balbutiante.

Dépourvue de capacité d’expertise propre, elle fait naturellement appel aux moyens que les États membres peuvent mettre à sa disposition. Cela donne de facto à notre pays un levier d’influence, puisque, reconnaissons-le, il dispose d’un certain nombre de références pour l’édiction des standards juridiques, environnementaux ou techniques et nous avons la chance d’avoir des industriels qui ont une maîtrise parfaite de la mer et des techniques associées à la mer.

Or la réforme de notre code minier, si souvent annoncée comme imminente, se fait encore attendre, et il semble que le projet ne prévoie rien de spécifique pour les activités offshore. L’inertie française est d’autant plus révoltante que, au-delà de ses atouts naturels, notre pays bénéficie de l’expertise d’industriels de pointe, comme Technip et DCNS, et d’une très forte proximité avec le secteur géographique dans lequel l’AIFM a d’ores et déjà délivré douze permis d’exploration de nodules polymétalliques, la zone internationale de Clarion-Clipperton. Il dispose donc de nombreux moyens, mais il n’arrive pas à intervenir et à influencer l’AIFM. En effet, non seulement la France n’a pas été en mesure d’apporter d’expertise particulière sur les ressources de la région, faute d’avoir exploré sa propre ZEE, mais elle a été négligente dans la mise en œuvre de ses permis internationaux.

Pour le premier d’entre eux, obtenu en 2001 et qui expire en 2016, l’IFREMER est loin d’avoir rempli ses obligations : il a pu travailler seulement sur la compréhension des écosystèmes, et non sur l’évaluation de la ressource, ce qui était pourtant l’élément principal du contrat. Pour le second permis concernant la recherche de sulfures polymétalliques dans la dorsale atlantique, seules deux campagnes en quinze ans seraient prévues, alors que les Russes et les Chinois en programment cinq par an, soit soixante-quinze ! Je vous laisse mesurer l’écart !

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