Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 18 juin 2014 à 14h30
Procédure applicable dans le cadre d'une rupture du contrat de travail — Adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol :

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat se penche aujourd’hui sur la proposition de loi déposée par Thierry Braillard, alors parlementaire, et relative à la procédure applicable devant le conseil de prud’hommes dans le cadre d’une prise d’acte.

Je tiens à vous présenter les excuses du ministre du travail, retenu par un sommet européen, et qui ne peut être présent cet après-midi pour faire valoir la position du Gouvernement sur cette proposition de loi.

En son nom et au nom du Gouvernement tout entier, je veux d’emblée apporter mon soutien à ce texte du groupe radical, et dire pourquoi.

D’abord, parce que cette proposition de loi comble un manque juridique certain.

La prise d’acte consiste, pour le salarié, à prendre l’initiative de la rupture du contrat de travail, tout en en imputant la responsabilité à l’employeur. Après avoir pris acte de la rupture, le salarié doit saisir le conseil de prud’hommes, qui appréciera le bien-fondé des griefs invoqués à l’encontre de son employeur.

La prise d’acte est une situation heureusement rare, mais puisqu’elle existe, elle ne peut être ignorée.

Je veux cependant redire ici que, majoritairement, la relation de travail se passe dans de bonnes conditions. Nous ne devons jamais avoir une approche trop négative du travail et des relations de travail, même si nous traitons des situations abusives – et c’est bien notre rôle.

Oui, les conflits sont là. Oui, les risques existent. Ils doivent trouver des réponses. Toutefois, il ne remonte pas du monde économique et social que de la violence et des abus ; il en ressort aussi tant de belles histoires, des histoires d’hommes et de femmes, de travail bien fait, reconnu, qui porte des droits et rend fier de soi. Partout, c’est cette approche du travail que nous devons porter !

Mais il est en effet parfois des circonstances qui rendent impossible la poursuite de la relation de travail.

Dans certains cas, cette rupture est bien « balisée ». La cessation de la relation de travail par l’employeur a une forme juridique : le licenciement, forme que l’on ne connaît malheureusement que trop bien. Pour le salarié, l’interruption du contrat peut prendre la forme de la démission. C’est un choix, un choix de vie, le choix d’un autre emploi, d’un autre projet. Là encore, le droit encadre la forme et la procédure applicables.

Mais il est un cas particulier qui ne relève, au moment où il se matérialise, ni de l’un ni de l’autre, ni du licenciement ni de la démission : c’est la prise d’acte de la rupture du contrat de travail. La jurisprudence montre des exemples bien souvent douloureux : salarié laissé sans travail, « mis au placard » comme l’on dit ; conflits ouverts pouvant aller jusqu’aux violences ou aux insultes...

La prise d’acte est ainsi une situation extrême. Une solution doit être trouvée pour que le salarié comme l’employeur connaissent leurs droits et obligations. Tel est l’objet de cette proposition de loi et tel est le sens du recours au juge prud’homal. Je souhaite, au passage, redire l’attachement du Gouvernement à la justice prud’homale.

La proposition de loi que nous examinons pose un principe simple : lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de qualification de la rupture du contrat de travail, sur l’initiative du salarié et en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur, l’affaire se trouve directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine.

De fait, passer par l’étape de la conciliation, comme c’est le principe général devant les prud’hommes, n’a pas de sens. Les situations de prise d’acte n’appellent pas, ou plutôt n’appellent plus, de conciliation, elles appellent un jugement, la capacité de dire droit, de régler définitivement l’affaire et de permettre à chacun de tourner la page.

Et il faut aller vite. Car derrière la rupture du contrat de travail se pose la question de l’indemnisation du salarié par l’assurance chômage. Cette indemnisation est possible si la rupture du contrat de travail est assimilée à un licenciement ; elle est impossible si le juge requalifie la prise d’acte en démission. C’est pourquoi le délai d’un mois est pertinent ; c’est le même que pour la requalification de CDD en un CDI.

En posant cette règle simple de procédure, cette proposition de loi fait progresser les droits des salariés concernés, tout en donnant des garanties en termes de sécurité juridique aux différents acteurs. Elle offre ainsi à tous de la lisibilité et un cadre clair.

C’est une œuvre utile d’approfondissement de notre état de droit. Et ce n’est pas jouer les salariés contre les employeurs. Tous ont besoin de cette clarté. C’est une position de bon sens, une position qui peut faire consensus. C’est une position réaliste, ancrée dans la réalité, dans des situations concrètes et vécues.

J’y reconnais la sensibilité des parlementaires du groupe radical, leur lien avec le monde économique et social et leur effort reconnu pour dégager des positions équilibrées. Le courant radical a fait beaucoup pour le droit du travail depuis sa création. C’est dans le fil de cette histoire que s’inscrit cette proposition de loi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement donne un avis favorable à ce texte et soutient également l’option que vous avez retenue : voter un texte conforme à celui qui a été adopté par l’Assemblée nationale. Là encore, choisissez la méthode que promeut la proposition de loi : la clarté, la simplicité et la rapidité. §

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion