Intervention de Corinne Bouchoux

Réunion du 18 juin 2014 à 14h30
Procédure applicable dans le cadre d'une rupture du contrat de travail — Adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Corinne BouchouxCorinne Bouchoux :

Je vais néanmoins tâcher, pendant les quelques minutes qui me sont imparties, de vous faire connaître la position qui est la nôtre aujourd'hui.

Comme l’a dit le rapporteur, si l’on regarde les statistiques, la prise d’acte peut, à certains égards, ne concerner que 5 % des personnes engagées devant la justice prud’homale. On peut s’imaginer que c’est peu, mais, en réalité, beaucoup de salariés sont concernés par cette question. C’est la première raison pour laquelle nous avons abordé ce texte avec intérêt et, même, avec beaucoup de bienveillance.

Par ailleurs, derrière la procédure qui fait l’objet du texte, il y a le plus souvent des histoires extrêmement dramatiques de personnes au bord du burn out, voire du suicide, pour lesquelles la prise d’acte représente un ultime recours, presque un sauvetage, en leur permettant de s’extraire d’un milieu professionnel particulièrement pathogène. Par conséquent, quand bien même elles ne seraient que très peu nombreuses, les personnes concernées par ce texte méritent toute notre attention.

Vous le savez comme moi, les relations du travail sont devenues beaucoup plus « stressogènes » et pathogènes qu’auparavant. On a inventé des mots, des concepts, des PowerPoint… En l’occurrence, la solution envisagée dans la proposition de loi s’apparente à un coupe-file : on va mettre en place un dispositif qui distinguera celles des urgences qui sont les plus dramatiques et permettra aux personnes concernées de passer devant les autres.

Dans l’ensemble des salariés confrontés à des difficultés professionnelles extrêmes, si certains sont, et c’est heureux, défendus par des syndicats, d’autres connaissent une situation de plus grande fragilité. À cet égard, le dispositif de la proposition de loi tendra à mettre en concurrence des cas différents pour favoriser les personnes méritant le plus notre attention. Ce procédé nous a interpellés.

Cela étant dit, ce texte est juridiquement satisfaisant : il est court, ramassé, clair. Il ne porte préjudice à personne. Au contraire, il permettra de résoudre des situations extrêmes.

Néanmoins, j’aurais aimé, monsieur Barbier, que votre rapport me délivre des informations « genrées ». En effet, je souhaiterais vivement savoir si, statistiquement, les personnes concernées par la prise d’acte appartiennent davantage à un sexe qu’à l’autre. Sur ce point, je suis tentée de formuler des hypothèses – encore que je puisse me tromper. En tout état de cause, il me semble extrêmement important de savoir de quoi il retourne. Dès lors, je suis demandeuse d’observations statistiques nous permettant de connaître un peu plus finement les populations concernées.

Enfin, vous savez comme moi que les prud’hommes sont actuellement extrêmement embouteillés. Nous sommes nous aussi très attachés au système paritaire, à sa logique et à l’amélioration de ses conditions de fonctionnement. À cet égard, nous pensons que le dispositif de la proposition de loi, s’il constitue un mieux pour les personnes concernées, ne réglera en rien la question de l’engorgement en général des prud’hommes ni leurs conditions matérielles de fonctionnement.

À ce sujet, je voudrais vous faire part d’une anecdote extrêmement symptomatique. À Paris, les prud’hommes manquent tellement de moyens que la lettre par laquelle on informe les salariés du renvoi de leur situation devant le juge départiteur précise qu’on ne peut leur indiquer quand leur affaire sera jugée, en raison de délais d’attente trop longs. Ce type de formulation, à l’égard de personnes en souffrance et impatientes de voir leur cas jugé, me semble pour le moins maladroit. Si la justice prud’homale est encombrée, il serait important de pouvoir donner aux justiciables un délai approximatif, ce que nous devrions être en mesure de faire puisque nous disposons de moyennes.

Compte tenu de ce que nous avons pu observer du fonctionnement des prud’hommes, en tout cas en région parisienne, et de l’embouteillage dont ils souffrent, nous soutiendrons le texte, même si nous considérons qu’une petite amélioration pour une petite catégorie de personnel ne résout en rien le problème de fond.

À cet égard, ce texte confirme la pente du marché du travail qui se dessine depuis quelques années : à défaut d’apporter une solution pérenne au chômage de masse et aux dysfonctionnements des relations au quotidien, au lieu d’une réforme structurelle profonde, qui permettrait d’avancer, nous sommes obligés de mettre des cautères sur des jambes de bois. En l’occurrence, nous aidons une catégorie de personnes sans aider les prud’hommes en tant que tels, alors que ces derniers auraient cruellement besoin de moyens pour améliorer leur fonctionnement. Dans le droit du travail comme ailleurs, une justice trop lente est injuste.

Je le répète, nous soutiendrons la proposition de loi de nos collègues, même si, hier soir, sur un autre texte, relatif à un tout autre domaine, nous aurions aimé bénéficier d’une telle compréhension et d’un tel soutien… §

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