Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je parlerai à mon tour moins longtemps que prévu, beaucoup ayant été dit par les orateurs qui m’ont précédée.
Permettez-moi cependant de saluer l’initiative de notre ancien collègue député Thierry Braillard, devenu depuis membre du Gouvernement ; avec les autres députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste de l’Assemblée nationale, il a présenté cette proposition de loi : destinée à combler un manque juridique, elle constitue indéniablement une véritable avancée pour les salariés, ce qui a été très largement souligné tout au long de la discussion générale.
En dehors du licenciement, de la démission et de la rupture conventionnelle, la jurisprudence a reconnu aux salariés le droit de mettre fin à leur contrat de travail en invoquant à l’encontre de leur employeur des griefs suffisamment graves pour que la responsabilité de cette rupture puisse ensuite lui être imputée : telle est la définition de la prise d’acte de rupture du contrat de travail.
La Cour de cassation en a défini les contours dans plusieurs arrêts de juin 2003 : « Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission ».
Il appartient donc au conseil des prud’hommes de qualifier les griefs reprochés par le salarié à son employeur, au terme d’une procédure dont il a été dit qu’elle était longue et compliquée. Je ne m’étendrai pas sur cette procédure, périlleuse pour le salarié, puisque la charge de la preuve pèse sur lui.
Je tiens, en revanche, à répondre à ceux de nos collègues qui prétendent que l’adoption de la proposition de loi risquerait de conduire des salariés mal intentionnés à faire un usage abusif de la prise d’acte. Je leur rappelle que seul un manquement patronal suffisamment grave peut justifier la rupture du contrat de travail. D’ailleurs, la Cour de cassation a rendu l’utilisation de la prise d’acte plus difficile pour les salariés en jugeant que des faits trop anciens, n’ayant pas fait obstacle à la poursuite du contrat, ne pouvaient pas être invoqués.
Comme tous les orateurs l’ont souligné, il faut aujourd’hui trouver une réponse pragmatique ; tel est l’objet de la proposition de loi.
Nos collègues, notamment M. le rapporteur, ont eu raison d’affirmer que la conciliation, si elle doit pouvoir favoriser des accords permettant aux deux parties d’éviter les délais et les aléas d’une procédure contentieuse, n’a aucun sens dans le cas d’une prise d’acte de rupture du contrat de travail, puisque seul le juge du fond est compétent pour se prononcer sur l’imputabilité de la rupture.
Comme M. Le Menn l’a suggéré il y a quelques instants, il conviendrait de revoir l’ensemble de la justice prud’homale ; ce sera l’objet d’un autre travail, qui viendra en son temps.
Pour l’heure, les membres du RDSE voteront avec un grand enthousiasme cette proposition de loi, qui apporte une solution concrète et rapide à un problème réel rencontré par certains salariés.