Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors du scrutin municipal des 23 et 30 mars dernier, la procédure électorale visant à attribuer des nuances politiques aux listes souhaitant se présenter « sans étiquette » a provoqué un vif émoi dans les petites communes.
Le phénomène a pris une ampleur inédite, tant la loi du 17 mai 2013 a considérablement modifié la donne pour les communes rurales. En effet, outre l’obligation de déposer des listes complètes et paritaires, les candidats ont dû déclarer une étiquette politique et se sont vu attribuer une nuance politique conforme à la nomenclature officielle établie par le ministère de l’intérieur.
Dès lors, l’abaissement de 3 500 à 1 000 habitants du seuil pour l’application du scrutin de liste a eu pour conséquence, dans plus de 6 600 communes supplémentaires, de soumettre les candidats à un classement politique effectué de manière discrétionnaire par le préfet.
Aussi les candidats se déclarant sans étiquette n’ont-ils pas apprécié de se voir attribuer une nuance politique en fonction d’une grille préétablie, celle-ci ne comportant pas de catégorie « sans étiquette » ou « non inscrit ».
Cette classification obligatoire instaurée par le ministère de l’intérieur doit « permettre une meilleure connaissance et compréhension des équilibres politiques nationaux et apporter un éclairage aux citoyens sur l’offre politique qui a lieu à un moment de notre histoire ».
Il reste que ce système pose particulièrement problème dans des communes où il est fréquent de présenter une liste « sans étiquette ». Les candidats encartés y sont peu nombreux, et la rareté des volontaires pour participer à la vie municipale conduit souvent à la construction de listes d’intérêt communal, rassemblant des habitants hors toute appartenance partisane.
En effet, mes chers collègues, « dans bon nombre de communes rurales, les candidats s’engagent en faveur de listes d’intérêt local, sans considérations politiques ou partisanes avec pour seule ambition d’œuvrer pour le bien commun de leurs territoires et de leurs concitoyens », insistait l’AMF dans un communiqué peu avant les élections municipales.
Dans sa réponse à l’AMF, Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, estimait que la neutralité des candidats sans étiquette était prise en compte, puisque la grille intègre la nuance « divers », qui a vocation à rassembler toutes les listes et tous les candidats qui ne manifestent pas d’engagement politique. Mais cette réponse ne convainc pas. Nombre d’élus sans étiquette et non inscrits ne se reconnaissent pas dans les mouvements disparates, voire fantasques, que regroupe cette catégorie.
L’Association des maires ruraux de France évoque « une classification inadaptée aux édiles des villages tant le nuancier utilisé ne reflète pas la réalité du terrain » et demande la création de la catégorie « sans étiquette » dans la grille des « nuances politiques » attribuées par les services préfectoraux aux listes candidates. C’est précisément l’objet de la présente proposition de loi.
Mes chers collègues, d’aucuns pensent, avec raison, que le sujet est d’ordre réglementaire, qu’il ne relève pas de la loi et que, dès lors, cette question aurait pu faire l’objet d’une proposition de résolution du Sénat tendant à réclamer au Gouvernement de modifier le décret de 2001.
Toutefois, saisissons l’occasion qui nous est donnée d’appeler avec force l’attention du Gouvernement sur la violente protestation des élus locaux qui s’est exprimée en mars dernier.
Reprenant les principes avancés par l’auteur de la proposition de loi, Jean-Claude Carle, le texte adopté en commission prévoit « d’une part que l’étiquette politique resterait libre et d’autre part que, pour les communes de moins de 3 500 habitants, aucune nuance politique ne pourrait être attribuée, si une étiquette politique n’a pas été choisie ».