Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors des élections municipales de mars dernier, les candidats, dans les communes de moins de 3 500 habitants, ont été soumis, pour la première fois, aux nouvelles dispositions introduites par la loi du 17 mai 2013, qui instaure le scrutin proportionnel pour les 6 784 communes dont la population est comprise entre 1 000 et 3 500 habitants.
Les candidats avaient aussi l’obligation de déclarer leur candidature à la préfecture, quelle que soit la taille de la commune. Lors du dépôt des candidatures, ils ont découvert qu’ils devaient indiquer une étiquette politique. À ce moment, les candidats étaient tout à fait libres de déclarer ou non une appartenance à un parti politique, et donc de se dire, éventuellement, « sans étiquette ».
Cependant – et c’est ce cas précis qui pose problème –, s’ils ne déclaraient aucune appartenance à une nuance politique, les préfets leur en attribuaient une, sur la base d’une grille préétablie. C’est ensuite cette nuance qui a été retenue pour l’enregistrement des résultats des élections municipales.
Nous avons tous eu vent de contestations de ce classement préfectoral, mes chers collègues, dans nos départements, en particulier dans les petites communes rurales. L’attribution par le préfet d’une nuance politique a été faite, dans certains cas, selon des critères discutables, voire subjectifs. La grille de nuances politiques de la préfecture compte dix-sept appellations. Elle dresse la liste des partis politiques qui définissent chaque nuance, mais ne comporte pas de catégorie « sans étiquette » ou « non inscrit ».
Nous savons que, dans les petites communes rurales, les candidats ont parfois de grosses difficultés à constituer une liste ; c’est une réalité. Afficher une couleur politique peut, au bout du compte, les empêcher de mener à bien leur projet. Beaucoup mettent en avant des candidatures fondées sur une ambition locale, loin, il est vrai, des clivages traditionnels, et refusent de se voir classés à gauche, à droite ou au centre. Certains candidats ou élus souhaitent rester « sans étiquette », en raison du caractère transpartisan ou neutre de leur liste ; c’est aussi parfois la condition posée pour s’engager, comme Jean-Claude Carle le rappelait dans son intervention.
Il ne faut pas, pour autant, « mettre à l’index » les partis politiques, car ceux-ci sont essentiels à l’exercice de la vie démocratique.
J’attire également votre attention, mes chers collègues, sur le fait qu’il peut exister des abus. Ainsi, dans le département de Loire-Atlantique, un candidat, par ailleurs tête de liste UMP pour les élections sénatoriales, a fortement contesté qu’on l’empêche de présenter une liste « sans étiquette » aux élections municipales. Il ne faut pas non plus se moquer du monde ! Dans un tel cas, on atteint aux limites de l’honnêteté politique…
De nombreux candidats ont affirmé à juste titre qu’il est, pour certaines listes, impossible d’opérer un classement seulement en termes de nuance politique. C’est pourquoi, du reste, il y a eu tant de contestations lors des dernières élections municipales.
Le texte que nous examinons aujourd’hui est donc très important pour favoriser l’engagement dans nos petites communes. Je l’ai dit, nous connaissons parfaitement les difficultés que l’on y rencontre pour trouver des candidats aux élections, et la règle actuelle peut décourager certaines bonnes volontés.
Je suis donc tout à fait d’accord avec la proposition de permettre aux candidats de présenter des listes « sans étiquette », distinctes des listes regroupées dans la catégorie « divers », et de supprimer l’attribution de manière discrétionnaire par le préfet des nuances politiques pour les petites communes dès lors que les candidats ne revendiquent pas eux-mêmes une telle nuance.
Je me félicite que la commission des lois ait adopté un amendement tendant à permettre que, à chaque élection, au moment du dépôt de candidature, les candidats soient informés de la grille de nuances politiques utilisée, ainsi que du droit d’accès et de rectification dont ils disposent. Certes, ce droit de rectification existe, mais nombreux sont les candidats qui l’ignorent et qui, par conséquent, ne l’utilisent pas.
Mes chers collègues, nous savons que les Français sont particulièrement attachés à leur commune. C’est pourquoi, afin que le conseil municipal soit toujours représentatif de ses habitants, nous devons faciliter le plus possible l’accès aux mandats électifs locaux.
Le rôle du maire, quelle que soit la taille de la ville, est de plus en plus complexe et lourd de responsabilités. Il ne faut pas freiner les envies et les bonnes volontés locales. Nous devons laisser à tous la possibilité de s’engager au service de leurs concitoyens, et ce en toute indépendance politique s’ils le souhaitent. La petite commune, elle aussi cellule de base de notre démocratie – cela doit perdurer –, mérite cette précision de bon sens, cette nécessaire amélioration.