En premier lieu, cette taxe se caractérise par son efficacité et par sa simplicité en termes de mise en place et de gestion : les différents riverains contribuent à hauteur du nombre de mètres linéaires de leur parcelle donnant sur la voie en cours de viabilisation. Ces qualités sont reconnues par un grand nombre de maires, lesquels m’ont régulièrement sollicité sur l’évolution législative en la matière.
En deuxième lieu, le maintien de la taxe serait en symbiose avec le principe constitutionnel d’autonomie financière posé par l’article 72-2 de la Constitution du 4 octobre 1958. Dans ce cadre juridique, les communes d’Alsace et de la Moselle doivent pouvoir disposer de la liberté d’instituer ou non la taxe des riverains, parallèlement aux deux nouvelles taxes instaurées par la loi de finances rectificative pour 2010, dont la taxe d’aménagement.
Quant au cumul éventuel de la taxe d’aménagement et de la taxe des riverains, il peut être envisagé pour autant que les deux taxes ne financent pas les mêmes travaux. À titre d’illustration, la jurisprudence antérieure à la réforme de la fiscalité de l’urbanisme de 2010, qui demeurera pertinente avec la disposition proposée, a considéré que la taxe des riverains était une contribution additionnelle qui peut se cumuler avec la taxe locale d’équipement prévue à l’article 1585 A du code général des impôts.
Enfin, la conservation de la taxe des riverains repose également sur la décision du Conseil constitutionnel du 5 août 2011, dite « société Somodia », dont nous reparlerons tout à l'heure et qui érige l’existence du droit local en un principe fondamental reconnu par les lois de la République.
La quatrième partie de la proposition de loi a trait à la modernisation du droit local des associations coopératives.
Dans les trois départements de l’Est, le droit des associations coopératives de production et de consommation est régi par la loi du 1er mai 1889, modifiée par la loi du 20 mai 1898. On le sait, les associations coopératives contribuent fortement à l’économie sociale dans différents secteurs, qu’il s’agisse d’achats en commun de produits, de logement, de bâtiment ou encore d’alimentation en gros. Elles participent à la mobilisation pour l’emploi et, plus généralement, à la cohésion sociale. Afin de rendre le droit des associations coopératives plus attractif, il est proposé de simplifier la création et le développement de ces organismes en assouplissant les règles d’acquisition et de perte de la qualité de sociétaire ainsi qu’en abrogeant une série de dispositions devenues obsolètes. Cette abrogation participe d’une meilleure lisibilité de la loi et apporte une sécurité juridique.
La cinquième partie est relative à la modernisation du droit local du repos dominical et pendant les jours fériés.
Mes chers collègues, la question du travail le dimanche est en débat non seulement en France, mais aussi dans toute l’Europe, sinon dans l’ensemble des sociétés occidentales.
Dans les trois départements de l’Est, la réglementation est schématiquement la suivante. Dans l’industrie, il est interdit d’employer des salariés le dimanche, sauf dérogation. Dans le commerce, en revanche, la loi autorise, en principe, une ouverture dominicale pour une durée maximale de cinq heures, mais l’existence de statuts locaux aboutit à une interdiction quasi générale d’ouverture ; des dérogations sont néanmoins possibles. Enfin, il existe deux jours fériés légaux supplémentaires dans nos trois départements. Essayez donc de téléphoner en Alsace ou en Moselle le Vendredi saint ou à la saint Étienne : il n’y aura pas grand monde pour vous répondre !
Des enquêtes et des consultations organisées par l’Institut du droit local alsacien-mosellan, il ressort qu’il existe en Alsace et en Moselle un très large consensus pour conserver la réglementation locale régissant les activités du dimanche et des jours fériés, laquelle prévoit une forte protection du repos dominical et pendant les jours fériés tout en permettant certaines dérogations pour tenir compte des besoins du public. Ce consensus pour le maintien du droit local va des organisations représentatives de salariés aux représentants de la grande distribution et aux associations de consommateurs, en passant par les responsables politiques, les chambres consulaires et, même, les médias.
Ce consensus est aussi réfléchi que responsable : il est le résultat d’une réflexion approfondie et d’une perception claire des enjeux et de la complexité du sujet, mais il tient aussi à la fragilité du droit local et aux menaces qui pèsent sur lui, dont tous les acteurs sont également conscients. De ce consensus, il serait erroné de déduire que le système applicable en Alsace-Moselle est stable et parfait, de sorte qu’il n’y a pas lieu de s’en occuper. Bien au contraire, il est grand temps de le renforcer et, pour ce faire, d’en corriger certaines faiblesses. Un travail de modernisation et de clarification a d’ores et déjà commencé. L’insertion des dispositions locales dans le code du travail les a rendues plus accessibles et a notamment permis d’établir de manière formelle l’applicabilité dans les trois départements de l’Est de la règle du repos hebdomadaire, règle non prévue par le droit local. Toutefois, d’autres aménagements sont aussi nécessaires.
La présente proposition de loi vise à clarifier, simplifier et adapter les dispositions locales au contexte contemporain et, dans le même temps, à renforcer leur effectivité et à préciser les sanctions applicables. Ces adaptations relèvent tant du domaine de la loi que du règlement – bien entendu, je me contenterai d’évoquer le seul domaine législatif.
À cet égard, il nous semble, à l’Institut du droit local alsacien-mosellan, à la commission du droit local d’Alsace-Moselle et à moi-même, qu’il faut apporter à la législation locale du repos dominical les retouches techniques souhaitables. Il faut ainsi prévoir l’obligation éventuelle de fermeture un jour de semaine si l’ouverture est autorisée le dimanche, clarifier le statut du Vendredi saint, simplifier le régime des dimanches avant Noël, préciser les modalités de consultation des employeurs et des salariés en cas de modification des statuts locaux, abroger les dispositions devenues inutiles et corriger les erreurs de rédaction résultant de codifications précédentes.
Bien entendu, parallèlement au travail engagé dans le cadre de cette proposition de loi, des négociations entre partenaires sociaux devaient également être menées sur les contreparties accordées aux salariés travaillant le dimanche. C’est ainsi qu’un accord collectif territorial a été conclu le 6 janvier dernier dans le secteur du commerce. Cet accord est en cours d’extension, ce dont on ne peut que se féliciter.
Pour finir, le dernier article de la proposition de loi, article que j’ai souhaité introduire en commission des lois, vise à clarifier l’un des outils emblématiques de la procédure de partage judiciaire de droit local, afin d’atteindre pleinement les objectifs ayant conduit au vote de la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, tout en conservant les mécanismes fondamentaux de cette procédure. Cet article résulte d’un vœu adopté par le XIème congrès interrégional des notaires des cours d’appel de Colmar et de Metz en octobre 2012 et a fait l’objet d’une approbation unanime de la Commission d’harmonisation du droit privé, lors de sa séance du 21 décembre 2012.
Mes chers collègues, je vous prie de m’excuser si mon exposé a été trop long ou trop technique.
Comme je l’ai indiqué au début de mon propos, les modifications figurant dans la proposition de loi ont été scrupuleusement et longuement étudiées par l’Institut du droit local alsacien-mosellan et par la Commission d’harmonisation du droit privé. Elles traduisent les besoins et les demandes de ces deux institutions, ainsi que des partenaires sociaux, pour ce qui concerne le régime du dimanche. Elles font consensus chez les usagers et les utilisateurs du droit local des trois départements de l’Est, et elles constituent des avancées nécessaires pour moderniser le droit local alsacien-mosellan. À titre personnel, je me suis contenté d’en être le véhicule législatif. Dans ces conditions, je souhaite que ce texte soit voté le plus largement possible, voire par tous les groupes de la Haute Assemblée !