Intervention de Bernard Frimat

Réunion du 12 novembre 2007 à 15h00
Polynésie française — Article 20, amendement 59

Photo de Bernard FrimatBernard Frimat :

Nous arrivons pratiquement au terme de l'examen de ce projet de loi organique, mais cet article est le plus contestable de tous à nos yeux.

Une loi organique est automatiquement soumise au Conseil constitutionnel, et je me sens obligé, afin que cela figure au procès-verbal, de faire quelques considérations sur la proposition du Gouvernement.

Première considération, l'abréviation du mandat de l'assemblée de la Polynésie française par le Parlement est une grave remise en cause du suffrage universel, et rien ne vient la justifier.

Par définition, il s'agit d'un mandat en cours. Dans le cas précédent, il ne s'agissait que de quelques mois et l'intérêt général était patent, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui avec cette réduction de seize mois !

Deuxième considération, les modalités retenues par le projet de loi ne sont pas, manifestement, appropriées à l'objectif fixé, et l'intérêt général peut difficilement être mis en avant.

Nous savons bien que le Conseil constitutionnel a l'habitude de considérer qu'il ne lui appartient pas de juger des voies pour atteindre l'objectif fixé, même si elles ne sont pas optimales - ce qui est le cas aujourd'hui -, dès lors qu'elles ne sont pas inappropriées par rapport à l'objectif. Or, en l'espèce, elles nous semblent inappropriées.

Troisième considération, une abréviation du mandat dans les conditions prévues par cet article peut être perçue comme affectant les conditions d'exercice de la libre administration des collectivités territoriales. Elle remet donc en cause un principe constitutionnel.

Quatrième considération, la proximité des élections de l'assemblée de la Polynésie française et des élections municipales risque de porter atteinte à l'objectivité et à la sincérité des consultations.

Les élections à l'assemblée de la Polynésie française risquent en effet d'interférer sur le vote aux élections municipales, portant ainsi atteinte aux principes constitutionnels d'objectivité et de sincérité qui doivent présider à toute consultation.

La succession de ces deux élections ne peut engendrer que la confusion dans l'esprit des électeurs.

Cinquième considération, une telle précipitation ne permettra pas aux électeurs d'être correctement informés des nouvelles règles électorales. Ils ne pourront pas être précisément avertis des conséquences de leur choix. Moins de deux mois s'écouleront entre l'adoption de ces textes et les élections anticipées.

En 1996, le législateur avait prorogé le mandat des membres de l'assemblée territoriale de la Polynésie française de deux mois afin d'éviter que la concomitance entre ce renouvellement et l'examen au Parlement de la réforme du statut de ce territoire ne soit nuisible, et afin de permettre aux électeurs d'être précisément informés.

Sixième considération, l'organisation d'élections anticipées en janvier ne peut être aujourd'hui considérée comme strictement nécessaire.

En effet, la Polynésie française n'est en pas en état de rébellion ; les citoyens polynésiens ne signent pas de pétitions comme entre 2004 et 2005 ; le président de l'Assemblée nationale ne demande pas au Gouvernement de dissoudre, comme Jean-Louis Debré le fit à cette époque, et il y a un président élu, même s'il dispose d'une majorité fragile, comme toutes les majorités, d'ailleurs !

Le moins que l'on puisse dire, c'est donc que l'organisation d'élections anticipées en janvier prochain n'est pas strictement nécessaire.

Enfin, septième considération, rien ne justifie, ni dans l'exposé des motifs du projet de loi ni dans la situation que connaît actuellement la Polynésie française, cette demande d'abréviation du mandat des élus de l'assemblée de la Polynésie française et le choix de la date pour ce renouvellement anticipé.

De plus, le mode de scrutin proposé va à l'encontre de l'objectif de stabilité fixé par le projet de loi.

Monsieur le président, cette prise de parole vaut défense de l'amendement n° 59.

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