Intervention de Anne-Marie Escoffier

Réunion du 17 juin 2014 à 14h30
Législation applicable dans les départements de la moselle du bas-rhin et du haut-rhin — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Anne-Marie EscoffierAnne-Marie Escoffier :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais saluer une fois encore la qualité des travaux conduits au sein de la commission des lois, s’agissant d’un texte très particulier puisqu’il est relatif à la législation spécifique applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

La qualité du rapport très fouillé de notre collègue Jean-Pierre Michel, les éclaircissements très concrets apportés par André Reichardt, auteur de la proposition de loi et président localement de la Commission d’harmonisation du droit privé, sont les garants d’un débat constructif sur une matière complexe.

Cette proposition de loi est le fruit d’une concertation large et fructueuse, semble-t-il, sous l’égide de l’Institut du droit local alsacien-mosellan, portant sur des problématiques du quotidien. Le Conseil constitutionnel a rappelé, dans une décision du 5 août 2011, que, si les dispositions que nous examinons aujourd'hui participent d’un droit local reconnu par les lois de la République, elles ne peuvent être aménagées que dans la mesure où les différences de traitement qui en résultent ne sont pas accrues et que leur champ d’application n’est pas élargi.

L’enjeu de notre débat est donc bien de nous assurer que, sur les cinq mesures envisagées, l’esprit même des dispositions dérogatoires au droit commun ne se trouve pas modifié. Je m’exprimerai assez brièvement à propos des cinq dispositions, qui ont été largement expliquées par les uns et les autres.

Premièrement, les corporations d’artisans, dont le Conseil constitutionnel a jugé que le caractère obligatoire constituait une atteinte injustifiée à la liberté d’entreprendre, doivent, pour continuer d’exister dans une forme non contrainte, trouver un nouveau mode de financement. Il est proposé d’instituer une redevance pour service rendu qui viendrait s’ajouter à la cotisation des adhérents ainsi qu’à la participation facultative des chambres de métiers.

La réserve que je pourrais émettre à propos de cette participation, certes facultative, qui accroît la dérogation au droit commun, me paraît très sensiblement contrebalancée par l’intérêt du maintien de ces corporations, qui relèvent de l’article 100 du code des professions applicable dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, notamment parce que ces corporations soutiennent l’apprentissage à une époque où celui-ci est indispensable à la vitalité de notre artisanat et de notre économie.

Deuxièmement, concernant l’élargissement de la mission de l’établissement public d’exploitation du livre foncier informatisé, j’exprimerai les mêmes inquiétudes que les orateurs précédents. Comment l’extension de la mission sera-t-elle financée ? Elle est imputable au ministère de la justice, dont on ne sait pas s’il peut l’assumer. Comment la coordination avec la direction générale des finances publiques, laquelle est compétente en matière de cadastre et dit donner son accord, se réalisera-t-elle ? Sur ces deux questions, il me semble que ces institutions doivent, avec le financement des conseils généraux, concrétiser leur engagement dans le cadre d’une convention clairement et nettement établie.

Troisièmement, la pérennisation de la taxe des riverains pose le problème de son cumul avec la taxe locale d’aménagement dans la forme arrêtée par l’article 28 de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2010. Aux termes de cette disposition, la taxe des riverains doit en effet être abrogée au 1er janvier 2015. Pour ma part, je crois que le délai qui avait été accordé en 2010 laissait le temps de trouver les aménagements susceptibles de répondre aux réductions des ressources que nous connaissons tous et donnait donc aux communes la possibilité de revoir leur dispositif de taxation.

Le quatrième point concerne la modification du droit des associations. Je n’y reviens pas, car nous sommes tous d’accord sur cette question.

Cinquièmement, la modernisation du repos dominical et pendant les jours fériés est selon moi un sujet trop complexe, trop difficile, pour que, sans attendre que soient mises en œuvre les dispositions et les conclusions de l’accord signé le 6 janvier 2014, on puisse aller beaucoup plus loin. Cette question mérite un véritable débat, d’autant que ces dispositions entrent dans le cadre de la législation nationale, laquelle est fort complexe.

Aux cinq points que j’ai évoqués est venu s’ajouter tout dernièrement l’amendement de l’auteur de la proposition de loi concernant la clarification de la procédure du partage judiciaire du droit local. La lecture du rapport me conduit à penser que nous avons besoin de temps pour examiner une matière bien difficile.

Si l’on ne doit pas méconnaître ces mesures spécifiques, plusieurs problèmes demeurent cependant, tels que l’hétérogénéité du texte ou l’imprécision des analyses conduites avec un consensus plus ou loin large des parties concernées. Plus globalement, comment mettre un terme, progressivement, à ces régimes dérogatoires ? Tel est bien le sens des décisions rendues par le Conseil constitutionnel, lequel ne manquerait pas d’exercer une vigilance particulière sur ces mesures, si elles étaient adoptées par le Sénat.

Dans ce contexte, les membres de mon groupe, auxquels je m’associe pleinement, auraient souhaité, avant de se prononcer sur cette proposition de loi, pour transformer leur intention d’abstention en un éventuel vote positif, entendre les analyses des services juridiques de l’État dans chacun des domaines concernés afin de s’assurer que le maintien d’un système dérogatoire reste de bonne mesure. Toutefois, monsieur le secrétaire d’État, votre analyse n’incite pas à l’optimisme, du moins dans un premier temps. Pour le moment, mon groupe s’en tiendra donc à une position d’abstention.

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