Intervention de Francis Grignon

Réunion du 17 juin 2014 à 14h30
Législation applicable dans les départements de la moselle du bas-rhin et du haut-rhin — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Francis GrignonFrancis Grignon :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne vous étonnerai pas en disant que je suis complètement en phase avec l’auteur de la proposition de loi. Le droit local alsacien-mosellan a traversé toutes les épreuves de 1870 à 1945. Seule l’Allemagne nazie l’a supprimé entre 1940 et 1945. Le général de Gaulle, à la Libération, puis les constituants de 1946 et 1958 ont réaffirmé leur attachement à l’existence du droit local, en le confortant. Ce droit réglemente de nombreux aspects de la vie économique et sociale ; je n’y reviens pas, puisque ces aspects ont été largement évoqués.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, le Conseil constitutionnel a érigé, par une décision du 5 août 2011, l’existence du droit local alsacien-mosellan en principe fondamental reconnu par les lois de la République. Il en résulte que le principe constitutionnel d’égalité devant la loi ne peut plus être invoqué pour contester l’existence d’une règle de droit local différente de celle qui est en vigueur dans le reste de la France.

Le Conseil constitutionnel a également précisé, dans sa décision du 5 août 2011, « qu’à défaut de leur abrogation ou de leur harmonisation avec le droit commun, ces dispositions particulières ne peuvent être aménagées que dans la mesure où les différences de traitement qui en résultent ne sont pas accrues et que leur champ d’application n’est pas élargi ; que telle est la portée du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de dispositions particulières applicables dans les trois départements dont il s’agit ».

À mon sens, la portée de ce motif mérite d’être clairement précisée. En effet, en jugeant que l’aménagement, c’est-à-dire la modification, du droit local, n’est possible que s’il n’y a pas d’accroissement des différences avec le droit général, le Conseil constitutionnel ne vise que le droit local historique, celui qui existait en 1918. Rien n’empêche le législateur de créer de nouvelles règles d’application territoriale limitée à l’Alsace-Moselle. À titre d’illustration, on peut citer la loi du 14 mars 2012 relative à la gouvernance de la sécurité sociale et à la mutualité, qui a modifié l’article L. 325-1 du code de la sécurité sociale, relatif aux salariés relevant du régime local d’assurance maladie.

Quoi qu’il en soit, l’existence du droit local est désormais confortée sur le plan constitutionnel, et il est nécessaire de le moderniser sur le fondement de cet acquis. C’est l’objet de la présente proposition de loi, qui est issue des travaux de la Commission d’harmonisation du droit privé d’Alsace-Moselle, présidée par André Reichardt, et de l’Institut du droit local alsacien-mosellan.

Je souhaite mettre l’accent sur quatre aspects de la proposition de loi. L’article 1er vise à consolider le régime de l’artisanat, qui est organisé par le code local des professions de 1900. Ce régime se caractérise par l’existence de corporations. Il n’existe plus de corporations obligatoires depuis la décision du Conseil constitutionnel du 30 novembre 2012. Les corporations exercent pourtant d’importantes missions : formation, diffusion d’informations techniques, conseils juridiques et fiscaux, interlocuteurs des pouvoirs publics, etc. Leur financement provient des cotisations volontaires des membres et des revenus des biens dont elles sont propriétaires.

L’article 1er vise à permettre aux chambres de métiers de subventionner les corporations afin que celles-ci puissent continuer d’exercer leurs missions. Ce type de financement existe dans le reste de la France en vertu de l’article 23 du code de l’artisanat. Le fait de l’introduire en Alsace-Moselle aboutit ainsi à rapprocher le droit local du droit général et non à accroître les différences entre les deux législations.

L’article 2 de la proposition de loi est également fondamental. En effet, depuis 2008, le livre foncier est totalement informatisé. Il s’agit d’un outil très utile à l’économie immobilière des trois départements d’Alsace-Moselle. Les conseils généraux de ces départements et le conseil régional d’Alsace ont financé cette opération.

Si le livre foncier contient les informations juridiques portant sur les immeubles, le cadastre renferme quant à lui les informations relatives à leurs situations physiques. Au sein de la documentation cadastrale, il existe des croquis sur support papier. À notre époque, il est évident qu’il faut informatiser le système. Je ne comprends pas que l’on puisse s’opposer à cette modernisation, d’autant que les conseils généraux ont déclaré qu’ils étaient tout à fait prêts à assurer le financement. Ils ne peuvent cependant pas en délibérer tant que le Parlement ne les a pas autorisés à le faire.

Permettez-moi maintenant d’aborder l’article 6 de la proposition de loi, qui vise à pérenniser la taxe des riverains. En effet, à côté de la taxe locale d’aménagement prévue par le code de l’urbanisme, les communes d’Alsace-Moselle ont la possibilité d’instituer une taxe des riverains, à condition qu’elle ne serve pas à financer les mêmes travaux que la taxe locale d’aménagement ; c’est très important, surtout à un moment où les communes ont besoin de subsides. Je ne pense pas que les temps actuels nous permettront d’augmenter très largement ces subsides ; il faut donc trouver des moyens de se servir au moins de ceux qui existent.

Je ne pense pas que le maintien de la taxe des riverains soit contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. En effet, ce maintien n’entraîne pas la création d’une nouvelle différence entre l’Alsace-Moselle et le reste du territoire ; il s’agit seulement de pérenniser les dispositions actuelles du droit, puisque l’abrogation de la taxe des riverains n’est prévue que pour le 1er janvier 2015.

Enfin, l’article 8 de la proposition de loi procède à un toilettage des dispositions du droit local du travail relatives au repos dominical. Je sais qu’une large concertation a été organisée avec les intéressés. Le texte prévoit même une majoration du salaire minimum – 150 % du taux horaire de base – et un repos compensateur lorsqu’il y a dérogation.

En conclusion, je pense que l’adoption de cette proposition de loi tendant à moderniser le droit local constituerait incontestablement une avancée majeure aussi bien dans le domaine économique que dans le domaine social. C'est pourquoi je la voterai sans réserve. Je remercie encore notre collègue André Reichardt de s’être tant investi pour préparer ce texte et le mener à bon port.

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