Notre commission des affaires économiques a décidé de renoncer à la notion de modération, que les opérateurs rejetaient également, pour lui préférer celle de sobriété. Outre que l’objectif de modération est la conclusion du rapport Tourtelier-Girard-Le Bouler de décembre 2013, ce terme et cet objectif ont fait consensus à la gauche de l’Assemblée nationale, les écologistes ayant transigé par rapport à leur position de départ, qui était l’application du principe de précaution. De plus, la modération implique une démarche qui conduirait à la sobriété, alors que la sobriété est un état n’impliquant pas d’action.
Nous entendons bien la crainte des opérateurs de voir leurs opérations se complexifier, ou certains coûts augmenter. C’est là le souci de tous les opérateurs économiques, et aussi de nos concitoyens.
Nous soutenons l’idée que cette notion de modération permettra de développer des installations plus performantes, moins émissives et moins énergivores, donc plus compétitives et plus rentables pour nos entreprises et pour nos exportations industrielles.
Je voudrais préciser un point concernant les règles applicables à l’étranger en matière de seuils d’exposition aux ondes électromagnétiques. On entend souvent affirmer que, si la France adoptait un texte protecteur des populations, elle serait le seul pays au monde à agir ainsi. De même, on entend souvent dire que les seuils recommandés de 41 à 61 volts par mètre, décidés en 1998, seraient appliqués dans le monde entier, et qu’il n’y aurait donc aucune raison pour que la France les remette en cause.
Or, dans de nombreux pays, les seuils appliqués en matière d’ondes électromagnétiques sont plus restrictifs. L’exemple de la région de Bruxelles est très souvent donné : la valeur limite y est de 3 volts par mètre dans les lieux de vie, ce qui est très loin des 61 volts par mètre... En Italie, les seuils sont également plus stricts, avec une limite de 6 volts par mètre, et je pourrais également citer la Pologne, la Suisse, la Bulgarie, le Luxembourg, la Grèce, la Lituanie, la Slovénie, la Catalogne… ou encore Paris ! Alors arrêtons de nous faire peur en considérant la France comme un pays réfractaire aux nouvelles technologies et qui irait à contre-courant des politiques menées ailleurs.
Quant à ceux qui affirment que l’absence de risques avérés justifie de ne pas légiférer, je me dois de leur rappeler, mes chers collègues, que l’échelle des risques définie par l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, est un dégradé : le « risque avéré » est au sommet ; au-dessous, on trouve les « effets probables », puis, les « effets possibles » ; le « niveau de preuve insuffisant pour conclure à un effet » n’intervient qu’en avant-dernière position, et l’appréciation « probablement pas d’effet chez l’homme » se trouve tout en bas de l’échelle…
N’oublions pas que l’ANSES formule des recommandations concernant l’usage des technologies sans fil, notamment pour les personnes fragiles. Alors n’allons pas croire à une absence totale de risques : l’ANSES reconnaît l’existence d’effets biologiques, et pas uniquement thermiques comme on l’entend souvent.
Enfin, le texte évoque l’électro-hypersensibilité. Si cette pathologie est encore mal connue, nous savons que des personnes en souffrent, et il est du devoir de la puissance publique de considérer leur situation et d’apporter une réponse. De même, il est illusoire de croire que les ondes qui nous traversent en permanence n’auraient strictement aucun effet.
En rétablissant un texte mesuré et équilibré qui, en toute transparence, prenne en compte le développement des nouvelles technologies, mais aussi la préservation de la santé de nos concitoyens, nous donnerons une image du Sénat positive, celle d’une chambre douée d’intelligence collective, protectrice des citoyens et volontariste pour la qualité de notre industrie.
Il serait tout de même dommage que le groupe écologiste ne puisse pas voter le texte qu’il a lui-même proposé !