Intervention de Claude Dilain

Réunion du 17 juin 2014 à 21h30
Exposition aux ondes électromagnétiques — Suite de la discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Claude DilainClaude Dilain :

Il ne s’agit que des objets d’aujourd’hui ; ceux de demain seront plus nombreux encore.

L’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, a révélé, dans son fameux rapport de 2013, que, en un trimestre, quelque 51 milliards de messages textes, ou SMS, ont été émis en France. Nous ne pourrons freiner cette avancée technologique. D’ailleurs, le voulons-nous ? Comme l’a pertinemment rappelé Bruno Retailleau, nous nous battons tous pour une meilleure couverture du territoire français. Ce faisant, nous encourageons le développement de cette technologie.

La question qui se pose aujourd’hui est donc de savoir si ce bain d’ondes est dangereux. Il ne s’agit pas d’une question nouvelle : on se la posait déjà au moment de l’invention du télégraphe – vous pouvez vous amuser à relire les commentaires de l’époque, mes chers collègues –, ou lors de la pose d’une antenne au sommet de la tour Eiffel. Avec le recul, cela peut prêter à sourire. Pourtant, je m’en garderai bien : les ondes sont mystérieuses. Invisibles, inodores, impalpables, silencieuses, elles accomplissent des prodiges. Dès lors, pourquoi ne pourraient-elles pas se révéler dangereuses ?

Que dit la science ? Je me référerai à mon tour au rapport de l’ANSES, qui fait quelque peu autorité. Selon cet organisme, « l’exposition aux ondes électromagnétiques n’a aucun effet sanitaire avéré ». Fort bien ! Toutefois, dans le même rapport, on peut lire que les niveaux d’exposition liés à l’utilisation des terminaux mobiles sont bien supérieurs à ceux qui sont liés aux antennes relais et qu’il ne faut pas en abuser.

Pour l’opinion publique, pour ceux qui ne sont pas spécialistes de la question, il s’agit d’une contradiction, qui n’est pas de nature à donner confiance, et ce d’autant plus que l’Académie de médecine n’a pas approuvé ce rapport !

Reste que l’électro-hypersensibilité est un fait. Et si, comme l’a rappelé le président Raoul, aucun véritable lien de causalité n’a pu être établi, il s’agit de souffrances que l’on ne peut ignorer. D’autres études sont en cours, mais, à ce jour, il n’existe aucune preuve de la dangerosité ou de l’innocuité totale des ondes. C’est dans ce contexte difficile qu’il nous faut légiférer.

Au moment d’évoquer le principe de précaution, on oublie souvent de le définir. Or les définitions changent avec les auteurs et les nuances peuvent être de taille : le principe 15 de la déclaration de Rio de 1992 mentionne un « risque de dommages graves ou irréversibles » ; la loi Barnier de 1995 évoque l’« absence de certitudes » – ce qui n’est pas la même chose qu’un dommage grave ou irréversible – et dispose que la réponse doit être proportionnée au risque et se faire – cet élément est nouveau et important – à un coût économiquement acceptable ; enfin, dans sa communication du 2 février 2000, la Commission européenne a exposé la position de l’Union sur le principe de précaution, qui ne peut être invoqué que dans l’hypothèse d’un risque potentiel et qui ne peut en aucun cas justifier une prise de décision arbitraire.

Pour la Commission européenne, le recours au principe de précaution n’est donc justifié que lorsque trois conditions sont remplies : l’identification des effets potentiellement négatifs, l’évaluation des données scientifiques disponibles et l’étendue de l’incertitude scientifique.

Mes chers collègues, comme l’a rappelé Nathalie Goulet, c’est dans ce contexte difficile que nous devons légiférer. Cette proposition de loi constitue malgré tout un bon point d’équilibre entre avancée technologique et principe de précaution, me semble-t-il.

Je ne vais pas énumérer toutes les dispositions de ce texte qui me semblent aller tout à fait dans le bon sens. Je pense notamment aux mesures facilitant la transmission des informations aux propriétaires et aux habitants ou à l’information des consommateurs et des élus locaux. Bien sûr, nous débattrons également de la façon dont s’organisera la concertation, en sus du comité national de dialogue. Permettez-moi, enfin, d’insister sur les dispositions des articles 5 et 7, qui protègent mieux les enfants, ce qui est peut-être la priorité des priorités.

Cette proposition de loi a déjà été enrichie très largement par la commission. Je voudrais féliciter et remercier le président et rapporteur Daniel Raoul et lui dire que, à titre personnel, je suis tout à fait solidaire des propos qu’il a tenus sur l’indépendance de la commission. Je pense d’ailleurs pouvoir m’exprimer ici au nom du groupe socialiste.

Nous allons encore débattre, et je crois que ce texte va continuer à s’enrichir. Dans ces conditions, le groupe socialiste votera cette proposition de loi.

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