L'éolien offshore que nous développons aujourd'hui ne peut être installé qu'en eaux relativement peu profondes, de 40 ou 50 mètres ; il ne convient donc pas aux côtes françaises de Méditerranée, pas plus qu'à celles du Japon. D'où les travaux de recherche sur l'éolien flottant. Areva soutien une start-up française, Nénuphar, avec l'objectif de développer un démonstrateur. J'espère une forte coopération avec l'industrie pétrolière, qui peut nous apprendre beaucoup sur la stabilisation des plateformes.
En parlant de biomasse, je pensais au développement de la production d'électricité à partir de la biomasse : c'est ce que nous faisons par exemple à Pierrelatte ou dans une centrale des Pays-Bas. La difficulté que nous rencontrons sur ces projets n'est pas technique mais concerne les ressources en déchets de bois pour alimenter ces installations de manière constante et économique. Nous essayons de développer des technologies de torréfaction pour fabriquer du « charbon vert » : des pastilles de bois homogènes et sèches.
L'EPR finlandais était le premier projet de son espèce, il se déroulait hors du territoire national. Il n'est pas étonnant qu'il ait accumulé des difficultés de démarrage. Il est aujourd'hui achevé à 87 % et nous arrivons à la phase d'essai. Nous avons franchi cette année des étapes importantes avec les tests de confinement de l'enceinte ; le système de contrôle-commande a reçu l'approbation de l'autorité de sûreté finlandaise. Les problèmes qui demeurent sont lourds financièrement pour Areva, mais ils ne sont pas techniques. Nous avons des relations très difficiles avec notre client. Il ne prend pas ses responsabilités. Nous avons lancé une procédure contre lui et demandons 2,7 milliards d'euros d'indemnisation. Ce différend doit être tranché par un arbitrage international, dont les premières décisions sont attendues pour le début de 2015. Mais le client comme l'autorité de sûreté finlandaise reconnaissent que notre EPR est la plus sûre des technologies disponibles.
L'objectif de réduire à 50 % la part du nucléaire procède d'une décision gouvernementale : elle ne résulte pas du marché, c'est un choix politique, de souveraineté. En tant qu'entreprise publique, nous nous y conformerons. L'approche du gouvernement est pragmatique : elle se base sur un objectif et met en place des outils de pilotage propres à ajuster cette évolution au mieux des intérêts du pays, des consommateurs et de l'entreprise. L'important pour nous est la continuité, puisque beaucoup de nos investissements visent des horizons plus éloignés que 2025.
Comurhex 2 est une modernisation d'installations existantes, pour y réaliser la conversion du combustible. Ce projet ambitieux repose sur un investissement de près d'un milliard d'euros sur le territoire français. Les difficultés qu'il rencontre tiennent aux surcapacités du marché mondial de la conversion et au fait que nous avons mis la barre très haut sur le plan technologique. Nous avons demandé à l'ASN, pour éviter toute discontinuité de production, l'autorisation de prolonger l'activité de Comurhex 1 et nous sommes prêts à quelques investissements à cette fin.
Nous avons installé en Corse, pour l'université d'Ajaccio, un démonstrateur combinant un dispositif photovoltaïque et un dispositif de stockage de l'électricité. L'énergie stockée pendant la journée est utilisée la nuit. Il s'agit là encore d'une démonstration de possibilité technique plutôt que de rentabilité, mais il est important d'en produire rapidement.
Toute notre activité de promotion de centrales nucléaires à l'extérieur se fait dans le cadre des réglementations internationales et des accords intergouvernementaux. Nous exigeons que les pays qui n'en possèdent pas mettent en place des autorités de sûreté, la coopération devant être renforcée entre les autorités de sûreté existantes, comme l'ASN, et celles qui sont créées. Cette dimension de coopération internationale devrait explicitement figurer au nombre des missions de l'ASN.
Les pays pour lesquels le nucléaire est une industrie nouvelle, comme la Turquie, l'Arabie saoudite ou la Pologne, demandent non seulement la construction d'une centrale, mais la présence durable de l'exploitant. D'où l'importance d'une très forte alliance entre Areva et EDF.
La critique adressée par Louis Gallois aux grandes entreprises françaises qui travaillent seules ne s'applique pas au nucléaire, dont la filière est déjà très bien organisée : lorsque nous allons à l'étranger, nous emmenons plusieurs dizaines de PME et nous les aidons à s'installer - cela s'est notamment produit en Chine. Pour autant, les pays demandent un accroissement de la fabrication locale : il appartient dès lors à nos PME de trouver des partenaires locaux.
Alstom est évidemment pour nous un partenaire très important, qui fournit par exemple les turbines de cinq des six EPR de Grande-Bretagne. Il est indispensable que, quel que soit le repreneur, nous ayons la garantie de continuer à travailler avec ce fournisseur.
Le développement de technologies de stockage d'électricité doit être une priorité européenne : c'est le moment de passer des alliances.
Mme Angela Merkel a indiqué qu'Hermes, la Coface allemande, n'apporterait plus sa garantie de crédit pour la construction de nouvelles centrales ; cette décision pose un problème de financement de nos activités à l'export (car le système français n'est plus vraiment performant), et ne renforcera en Allemagne ni le secteur nucléaire ni les PME. Du reste, l'avenir de nos équipes allemandes est en question.
La production d'électricité à partir de courants marins par hydroliennes, n'entre pas dans nos compétences. Il appartient à d'autres entreprises de créer des démonstrateurs. La France a choisi de retraiter les combustibles nucléaires usés, pour des raisons économiques et pour simplifier la gestion des déchets en phase finale. Le nucléaire est pour nous un métier de partenariats ; pour le renouvelable, c'est une nouveauté, mais il nous paraît indispensable de trouver les partenaires qui peuvent nous apporter des capacités technologiques supplémentaires, l'accès à certains marchés, ou encore des modes de financement. Areva n'a ni activités ni compétences spéciales dans le domaine du gaz de schiste.
Les risques particuliers, sismiques par exemple, font l'objet d'études au cas par cas lorsque nous installons des centrales à l'étranger. Nous y sommes particulièrement attentifs en Turquie, par exemple. Il y a des réponses technologiques. Du reste, la centrale de Fukushima a résisté au tremblement de terre, c'est le tsunami qui l'a gravement endommagée. Il est possible de déconnecter, pour ainsi dire, l'installation du sol afin d'éviter la propagation des secousses. Notre collaboration avec Mitsubishi en Turquie est très fructueuse à cet égard.
Lorsque nous arrivons dans un pays pour y développer des activités minières, nous nous installons pour longtemps. Les accords que nous avons signés récemment au Niger l'ont montré. Si nous ne prenions pas en compte la santé des employés et des populations riveraines, nous ne serions pas durablement acceptés. Nous appliquons partout les mêmes exigences pour la protection de nos travailleurs. Nous avons en outre mis en place, autour des mines en exploitation comme de celles qui ont fermé, des observatoires de la santé impliquant toutes les parties prenantes locales.
Le démantèlement est déjà pour nous une activité industrielle et commerciale, que nous avons développée d'abord sur nos propres installations, comme à La Hague. Nous intervenons pour démanteler des sites du CEA, des centrales allemandes ou américaines. Areva pose le diagnostic, élabore les plans d'action, évalue les coûts et intervient dans les zones les plus contaminées. Ce marché est évalué à 500 millions par an, il ne se développe pas à vive allure. En Allemagne par exemple, les compagnies électriques montrent peu d'empressement à démanteler leurs centrales : les procédures sont coûteuses et les pertes d'emplois nombreuses. Entre le moment où la décision est prise d'arrêter la centrale et le moment où les autorisations sont données, il s'écoule parfois des années.
Notre groupe construit de nouveaux réacteurs mais il participe aussi à la maintenance, ainsi qu'à la fourniture de combustibles. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) estime que la croissance de la capacité nucléaire dans le monde sera d'environ 50 % d'ici 2030, ce qui maintiendra la part du nucléaire dans la production électrique mondiale à 12 ou 13 %. Areva et EDF privilégient les plus hauts standards de sûreté, ce qui implique un coût élevé et donc des difficultés concurrentielles, comme on l'a vu aux Émirats arabes unis.
Non, productivité et sécurité ne sont pas antinomiques. Le plan d'action d'Areva repose sur cinq piliers : la sûreté, la satisfaction des clients, la performance économique, l'innovation et les ressources humaines. Dans notre entreprise, la sécurité est une priorité absolue. Nos investissements de sûreté ont du reste augmenté.
Le site de Bure concerne plus l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) qu'Areva mais nous nous y intéressons en tant que producteurs de déchets. Jeune fonctionnaire, j'ai participé dans les années quatre-vingt aux recherches de sites dans la Bresse. L'encadrement législatif a été positif et l'Andra a bien travaillé, notamment en informant les populations. Nous continuerons à apporter notre savoir-faire en matière de stockage.