Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collèges, c’est dans le contexte de la commémoration du centenaire de la Grande Guerre que nous examinons une proposition de loi chargée d’émotion qui renvoie à un événement tragique de notre histoire.
Le cas des « fusillés pour l’exemple » de 1914-1918 fait partie de ces chapitres douloureux qui resurgissent régulièrement parce qu’ils n’ont pas été dépassionnés totalement. Nous savons que c’est un sujet qui a longtemps partagé, d’un côté, les tenants de l’ordre militaire coûte que coûte et, de l’autre, ceux qui ont mis en avant les circonstances atténuantes des « fusillés pour l’exemple ». Les seconds finiront par l’emporter.
En effet, les lois d’amnistie de 1919, puis de 1921, ainsi que la loi du 9 août 1924 tendant à permettre la réhabilitation des soldats exécutés sans jugement, ont rapidement posé la question du sort injuste de ces soldats victimes des affres de la guerre. Il faudra toutefois attendre plusieurs décennies pour que les esprits continuent à converger vers cette idée de réhabilitation collective.
Grâce au travail des historiens et à l’exploitation des archives, il faut bien reconnaître que tous ces jeunes gens ont payé de leur vie une posture politique qui consistait à afficher la fermeté du pouvoir dans un contexte de débâcle sur le front est.
Comme vous le savez, mes chers collègues, la justice militaire a vu croître ses prérogatives à partir d’août 1914, avec en point d’orgue l’instauration de « conseils de guerre spéciaux » par décret du 6 septembre 1914. On connaît les conséquences de cette justice d’exception : des procédures expéditives, sans recours possible, suivies d’exécutions publiques pour frapper les esprits et garantir la discipline des troupes. Il faudra toute la ténacité des familles et des associations pour que les réhabilitations judiciaires démontrent l’arbitraire de ces exécutions sommaires.
Sur le plan politique, on ne peut que saluer l’initiative du Premier ministre de l’époque, Lionel Jospin, qui, en 1998, à Craonne, a ouvert la porte à la réhabilitation politique des « fusillés pour l’exemple ». L’actuel chef de l’État et son prédécesseur ont poursuivi ce travail de réintégration de ces soldats au sein de la mémoire collective nationale.
S’agissant des collectivités locales, il faut rappeler que leurs élus ont aussi entrepris des démarches visant à la réhabilitation des « fusillés pour l’exemple » de la Grande Guerre. C’est le cas dans les Hautes-Pyrénées, dont le conseil général a adopté une motion en ce sens le 24 mai 2013.
Je partage, avec mes collègues du RDSE, cette attention portée au drame des « fusillés pour l’exemple », qui s’exprime encore aujourd’hui dans le cadre de l’examen de la proposition de loi de nos collègues du groupe CRC. Nous ne pouvons que reconnaître la brutalité de cette politique qui a ôté brutalement la vie à plus de 700 soldats, qui, rappelons-le, n’avaient pour horizon, à ce moment, que la pluie, la boue, le froid, la faim, les poux, la mitraille et le sang.