Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui invités à débattre du droit local d’Alsace-Moselle, qui constitue l’un des ciments de l’identité des habitants de ces trois départements.
Je tiens à remercier mon collègue André Reichardt, ainsi que l’Institut du droit local alsacien-mosellan, pour cette excellente initiative.
Ce droit spécifique a bien souvent, aux yeux des « Français de l’intérieur », une image quelque peu surannée, voire archaïque. C’est aussi le cas au sein même de notre vénérable assemblée. J’ai ainsi en mémoire les propos tenus par certains de nos collègues lors des débats sur la taxe des riverains. Les amendements proposés par notre collègue rapporteur de la commission des lois sont également le signe d’une perception erronée de nos spécificités.
Cette proposition de loi témoigne, au contraire, non seulement de la vitalité et de la capacité d’adaptation de notre droit local aux enjeux actuels, mais également de la pérennité de ses dispositions, toujours en vigueur cent ans après leur introduction en droit français.
Le mouvement de redynamisation du droit local est amorcé depuis une quinzaine d’années. Par plusieurs décisions successives, le Conseil constitutionnel a confirmé que le principe d’indivisibilité de la République n’impliquait pas une uniformité normative.
Nous sommes en outre passés d’une harmonisation avec le système juridique national à une intégration à ce système. La récente transformation de la commission d’harmonisation du droit privé en commission du droit local d’Alsace-Moselle, entérinée par décret, constitue un signe fort de l’attachement des pouvoirs publics à la législation applicable dans les trois départements. Dorénavant, les travaux de cette commission seront élargis à la modernisation de la législation locale, afin de lui redonner un second souffle et de la tourner vers l’avenir.
Enfin, des états généraux du droit local se tiendront en octobre prochain.
La présente proposition de loi ne constitue donc qu’une étape, mais une étape majeure de par l’importance et la variété des sujets abordés.
Le premier de ces sujets est celui des corporations. L’artisanat alsacien-mosellan bénéficie d’une législation spécifique avec deux types de corporations : les corporations libres et les corporations obligatoires.
En novembre 2012, le Conseil constitutionnel a estimé que l’affiliation d’office à un organisme disposant du pouvoir de s’ingérer dans la vie de l’entreprise en imposant à celle-ci des obligations spécifiques, voire en sanctionnant leur inobservation par des amendes, constituait une entrave à la liberté d’entreprendre, de même que, par voie de conséquence, la contribution des artisans aux frais de fonctionnement de l’institution.
Cette jurisprudence a profondément ébranlé et déstabilisé le monde artisanal, qui considère les corporations comme un ciment et un outil de résistance dans un contexte de crise économique et de concurrence des travailleurs de l’Est. Le Conseil a néanmoins ouvert la possibilité d’assurer leur pérennité, à condition de trouver un mode de financement alternatif.
Le présent texte vise ainsi à apporter une solution consensuelle, en prévoyant la création d’une redevance pour services rendus.
La réponse de Sylvia Pinel à une question orale posée par André Reichardt en décembre 2012 nous avait donné le sentiment d’avoir été entendus. La ministre avait en effet déclaré travailler « à recenser l’ensemble des dispositions relatives au droit local en Alsace-Moselle qui pourraient ultérieurement être remises en cause, à l’occasion d’une nouvelle saisine du Conseil constitutionnel ». Selon elle, il s’agissait, pour le Gouvernement, « de stabiliser au plus vite le droit local et de mettre fin à l’instabilité juridique que les corporations connaissent ».
À ce jour, rien ne nous a été proposé. Pourriez-vous donc, madame la ministre, nous indiquer quel est le fruit des réflexions menées par le Gouvernement depuis un an et demi ?
L’article 4 traite de la numérisation du cadastre. Chacun s’accorde à reconnaître la grande précision et la fiabilité du système cadastral alsacien-mosellan. Il est aujourd’hui urgent d’en assurer la pérennité en facilitant la numérisation de croquis réalisés à l’encre sur papier. La proposition de loi, là encore, apporte à ce problème une solution très attendue.