Intervention de Philippe Bas

Réunion du 25 juin 2014 à 14h45
Renforcement de l'efficacité des sanctions pénales — Question préalable

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

Les peines planchers seraient supprimées. Les peines d’emprisonnement devraient être motivées, mais non pas la contrainte pénale. La révocation des sursis en cas de récidive ne serait plus automatique. Une même peine pourrait donner lieu à plusieurs révocations partielles sans révocation définitive. Le régime des récidivistes serait aligné sur celui des primo-délinquants en matière de révocation de sursis. Les tribunaux correctionnels pour mineurs seraient abandonnés, la rétention de sûreté supprimée.

L’ensemble de ces mesures éclaire le contexte dans lequel s’inscrit la création de la nouvelle contrainte pénale. Nous pourrions sans doute n’opposer à cette peine qu’une relative indifférence, voire lui témoigner une certaine bienveillance, en considérant qu’elle ne comporte pas d’innovation fondamentale par rapport aux très nombreuses alternatives à l’emprisonnement et aux nombreux systèmes d’aménagements de peines que comporte déjà notre code pénal : amendes, sursis, travaux d’intérêt général, stages de citoyenneté, mesures privatives ou restrictives de droits, sanctions complémentaires, sanction-réparation, orientation du mineur vers un centre éducatif fermé, personnalisation des peines, avec la semi-liberté, le placement à l’extérieur, le placement sous surveillance électronique, le fractionnement de peine, la dispense de peine, l’ajournement. Ce bref inventaire souligne la très grande richesse du régime des peines, tel qu’il a été construit par le législateur au fil des décennies.

Rien n’empêche d’enrichir encore ce double arsenal des alternatives aux peines de prison et des aménagements de peines, mais le projet de loi se borne à donner la possibilité au juge d’inscrire sous le régime de la contrainte pénale tout ou partie des mesures qui sont déjà à sa disposition. Ce faisant, il rend aussi applicables sous le régime de la contrainte pénale des mesures qui relèvent aujourd’hui non pas du prononcé de la sanction, mais de son exécution, avec toutes sortes d’obligations, d’interdictions ou de systèmes d’autorisation qui s’imposent au condamné.

Dans ces conditions, il apparaît clairement que l’originalité de la contrainte pénale tient non pas aux mesures qu’elle peut comporter, mais à la combinaison de ces mesures et à la procédure applicable pour sa mise en œuvre. Une partie des prérogatives confiées, jusqu’à présent, au juge de l’application des peines remonterait à la juridiction de jugement. Mais cette nouvelle répartition n’est pas réaliste : elle augmenterait considérablement la charge pesant sur les juridictions et retarderait les jugements, en prolongeant, dans bien des cas, la détention préventive.

De plus, la contrainte pénale est une peine floue, à géométrie variable, faiblement dissuasive. C’est d’ailleurs son essence même ! Au principe fondamental de la légalité des peines, vous opposez non pas seulement l’individualisation des peines, dont vous vous réclamez, mais aussi l’incertitude sur le contenu réel de la peine.

Il y a plus, car l’amendement de notre rapporteur visant à interdire que des peines de prison, fussent-elles assorties du sursis, soient prononcées pour un certain nombre de délits altère encore ce texte par rapport aux arbitrages gouvernementaux si difficiles qui avaient été arrêtés pour concilier les positions du ministre de l’intérieur et celles de la garde des sceaux.

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