Intervention de Philippe Bas

Réunion du 25 juin 2014 à 14h45
Renforcement de l'efficacité des sanctions pénales — Question préalable

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

À moins, monsieur le rapporteur, que ces arbitrages gouvernementaux n’aient dénaturé le texte initial du projet de loi de Mme le garde des sceaux, et que vous ayez seulement voulu aller à la rencontre de ses attentes !

Chaque année, 50 000 condamnations à des peines de prison, avec ou sans sursis, sont prononcées à l’encontre d’auteurs de délits contre lesquels les juridictions ne pourraient plus recourir à la prison, si cet article était adopté. Sachez que ces peines de prison ne sont pas prononcées faute de mieux par les magistrats, puisque ceux-ci déposent déjà de tout un éventail de peines alternatives. S’ils ne recourent pas à ces peines de substitution, c’est qu’ils considèrent que la peine de prison est la sanction la plus appropriée dans les cas où ils décident de la prononcer.

À l’évidence, cette réforme ne peut lever aucun des obstacles qui ont jusqu’à présent entravé le développement des alternatives à la prison et des aménagements de peines. La contrainte pénale est d’abord une contrainte exercée sur les magistrats eux-mêmes. Vous allez les placer devant une double impasse : celle de la surpopulation carcérale, qui empêche, si rien n’est fait, de mettre en œuvre les peines de prison, et, désormais, celle d’une sanction globale, difficile à décider pour la juridiction, longue à élaborer et qui ne se développera pas davantage que les obligations éparses dont elle est constituée ne sont aujourd’hui appliquées.

Voulue par l’Assemblée nationale, la généralisation dans deux ans du système de la contrainte pénale à toutes les infractions passibles de peines allant jusqu’à dix ans de prison relève d’une utopie dangereuse que nous devons aussi dénoncer. Un dispositif prévoyant une expérimentation suivie d’une évaluation avant toute extension aurait seul été raisonnable, mais une véritable fuite en avant s’est enclenchée, contre toute prudence. Les deux assemblées sont tentées d’y participer, sous le regard bienveillant du Gouvernement, qui ne tient pas à préserver les équilibres du texte adopté par le conseil des ministres. Notre rôle n’est pas d’y contribuer par de nouvelles surenchères, mais de nous y opposer.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je demande à notre assemblée de décider qu’il n’y a pas lieu, en l’état, de délibérer.

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