Pour l’avoir constaté moi-même, je peux confirmer l’état de nos prisons. Elles abritent beaucoup de malades mentaux – je parle de malades graves, pas de personnes un peu dérangées – dont la place n’est pas en prison, même si nombre d’entre eux sont des criminels.
Madame la garde des sceaux, vous avez rappelé que j’avais participé à l’élaboration du code pénal. Je me souviens fort bien de la transformation de l’ancien article 64, qui est maintenant l’article 122-1. Auparavant, la notion retenue était l’état de démence – au moment des faits et non de manière générale, je le rappelle. Après avoir consulté les spécialistes, nous avons opté pour les notions d’abolition et d’altération du discernement.
Cependant, depuis lors, il est très rare que les cours d’assises déclarent des accusés irresponsables au motif que leur discernement était aboli au moment des faits. Plus leur maladie mentale est importante, plus les personnes sont condamnées. C’est tout de même un paradoxe ! Auparavant, un grand nombre de personnes étaient déclarées irresponsables au motif qu’elles étaient en état de démence au moment des faits.
Il faut dire que, à cette époque, il y avait un certain nombre d’établissements psychiatriques accueillant les malades en milieu fermé ; je pense, par exemple, à l’hôpital Maison-Blanche. L’évolution de la psychiatrie en France – ce n’est pas vrai ailleurs – a fait disparaître beaucoup d’entre eux, au nom de principes sans doute très intéressants.
Comment résoudre le problème ? Madame la garde des sceaux, vous dites que les tribunaux pourront tenir compte de l’état mental des accusés, mais ils devraient déjà en tenir compte. Si on ne prend pas de mesure forte, les choses risquent de continuer comme aujourd'hui. J’estime qu’il faut prévoir une réduction automatique de la peine quand il y a vraiment atténuation de la responsabilité.
Le texte prévoit aussi des soins en complément de la réduction de la peine. Vous savez bien qu’il est difficile d’organiser des soins dans les établissements pénitentiaires. On connaît l’établissement de Château-Thierry, qui n’est pas un hôpital, mais qui y ressemble un peu. L’administration pénitentiaire a besoin de ce type d’établissements.
En votant à l’unanimité la proposition de loi de Jean-René Lecerf en 2011, le Sénat a essayé de répondre à une vraie question, qui n’est toujours pas résolue. Honnêtement, madame la garde des sceaux, votre amendement est tout à fait insuffisant de ce point de vue. C'est pourquoi je soutiens la position de la commission.