La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques puisqu’elle a voté très majoritairement l’introduction de cet article 8 ter.
Pour quelles raisons a-t-elle inséré cet article ?
Monsieur Reichardt, il ne vient pas de nulle part ! Il vient de loin ! Pour ce qui nous concerne, en France, il procède d’abord de la proposition n° 36 du rapport du député Dominique Raimbourg : « Créer une peine de contrainte pénale. Il s’agirait d’une peine principale se substituant à l’emprisonnement pour certains délits. »
À la suite des nombreuses auditions que nous avons menées en commission, des visites que j’ai effectuées à la Cour de cassation, j’en suis venu à considérer – même si la conférence de consensus ne s’est pas vraiment prononcée sur ce point – que la contrainte pénale devait être une peine autonome susceptible de se substituer à la peine d’emprisonnement.
En fait, je pense que, en matière délictuelle, on doit instaurer un triptyque : la prison, la contrainte pénale et les peines pécuniaires. Pour que ce triptyque existe, il faut bien que, en plus de ce qui figure dans le dispositif du projet de loi tel qu’il était envisagé, on prévoie que, pour un certain nombre de délits – ce n’est qu’un début et, madame le garde des sceaux, si vous voulez allonger la liste, tous vos amendements seront les bienvenus ! –, la peine de prison n’est plus encourue.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je me suis opposé – et la commission m’a suivi – à ce qu’il y ait en 2017 un basculement automatique de tous les délits, car je pense que le bilan à cette date devra être fait aussi à la lumière de l’application de cet article 8 ter, s’il est maintenu, comme je le souhaite. On verra alors ce qu’on fait de la contrainte pénale et à quels délits on peut l’appliquer de façon autonome, sans qu’une peine de prison soit encourue.
Je veux installer, dans l’opinion publique comme chez les magistrats, cette idée qu’il y a trois sanctions possibles. J’ajoute que presque toutes les personnes que nous avons auditionnées ont soutenu cette position : la Commission nationale consultative des droits de l’homme, Robert Badinter, Mme Mireille Delmas-Marty, le professeur Martine Herzog-Evans, le professeur Xavier Pin, entre autres.
Voilà les raisons pour lesquelles j’ai proposé cet article 8 ter, qui est prudent et même très prudent, car j’ai tenu compte des objections formulées en commission notamment par Jean-René Lecerf et Yves Détraigne, qui craignaient qu’on n’envoie un mauvais signal si l’on incluait le vol simple dans la liste. Car le délit de vol simple peut recouvrir aussi bien le vol d’un microsillon ou d’un bâton de rouge à lèvres dans un magasin que celui d’un fourgon plein d’argent ! J’ai donc déposé un amendement visant à retirer le vol simple de la liste.
Si vous voulez qu’on inclue l’abandon de famille, etc., on peut le faire ! Mais je tiens à introduire dès à présent le principe dans la loi : la contrainte pénale est destinée à être une peine autonome, ce qui implique de revoir l’échelle des peines correctionnelles, du moins pour un certain nombre de délits. Je pense qu’il faut le faire maintenant. Car j’aime beaucoup les commissions gouvernementales, elles sont présidées par des gens qui sont souvent des amis et qui ont de grandes qualités, mais je sais qu’elles débouchent rarement sur des résultats, hormis, pour l’instant, la conférence de consensus.
Appuyons-nous donc sur ce projet de loi pour introduire d’ores et déjà, mais de manière très modeste, cette idée selon laquelle la contrainte pénale est une peine autonome et que les délits auxquels elle s’applique ne sont pas passibles d’une peine de prison.
Voilà quelle est la philosophie de cet article 8 ter, qui, me semble-t-il, ne révolutionnera pas notre droit pénal, mais qui, à terme, si le bilan de 2017 nous y encourage, pourra conduire à d’autres avancées.