Intervention de François Fortassin

Réunion du 26 juin 2014 à 9h30
Conditions de la vente à distance des livres — Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de François FortassinFrançois Fortassin :

Je m’en réjouis.

Les modifications qui sont intervenues au cours de son examen visent à préciser, à sécuriser et à compléter l’article 1er. Ainsi, d’un dispositif qui s’attaquait, dès l’origine, à la gratuité des frais de livraison, pratiquée par certains grands acteurs de la vente en ligne de livres, nous sommes passés à un texte supprimant l’avantage consistant à appliquer systématiquement la remise légale de 5 % sur le prix unique du livre. Grâce à Mme la rapporteur, nous examinons aujourd’hui un texte qui interdit aux acteurs de la vente en ligne d’appliquer simultanément ces deux avantages, lesquels, associés à la situation déjà déséquilibrée de ce marché, confèrent une position plus que dominante à un site internet qu’il est inutile de citer, puisque tout le monde le connaît bien…

En effet, si je parle « des » grands acteurs de la vente en ligne de livres, nous savons tous qu’il y en a surtout un, qui détient 70 % des parts de ce marché. Ce grand groupe américain, dont les visées ne sont nullement philanthropiques, a décidé d’utiliser ou plutôt de contourner notre législation pour en tirer un avantage commercial incontestable. Mais faut-il rappeler que ce géant du numérique, comme la plupart des autres groupes de ce secteur, utilise sciemment l’ensemble des règles nationales et internationales, notamment en matière fiscale, à des fins d’optimisation ? « Optimisation », en voilà un beau mot pour désigner une réalité dont la frontière avec la fraude est souvent très poreuse ! Les membres de la commission des finances, dont je fais partie, ont souvent à traiter de ces problèmes. Ce comportement choque, à juste titre. Ne tombons pas pour autant dans un excès de stigmatisation, qui consisterait à voir tous les grands groupes de l’économie numérique comme une menace.

L’un des principaux enjeux de ces prochaines années sera l’adaptation de notre fiscalité au numérique, mais c’est un autre débat.

Le numérique est aussi et avant tout une chance, y compris en matière de démocratisation culturelle. Il permet de démultiplier l’accès à la culture. Pour certains de nos concitoyens, les sites de ventes en ligne de livres sont parfois le seul moyen d’accéder à certains ouvrages. C’est vrai pour les Français de l’étranger – nos collègues qui les représentent l’ont rappelé en première lecture –, comme pour d’autres catégories de la population. Par exemple, pour les populations isolées des zones rurales ou les personnes qui, en raison de leur état de santé, ne peuvent se déplacer, pouvoir commander sur internet une multitude de références et les recevoir à domicile constitue un véritable progrès.

Pour autant, il est vrai que les grands acteurs du numérique associent souvent des pratiques commerciales agressives et une utilisation contestable de la législation afin de s’arroger, à terme, une position dominante, pour ne pas dire monopolistique, au détriment de tous. C’est dans la lutte contre de telles pratiques que réside tout l’intérêt de cette proposition de loi.

Les membres du groupe du RDSE sont extrêmement attachés à la préservation d’un réseau dense de librairies sur l’ensemble du territoire, qui est l’une des richesses de notre pays. Aujourd’hui, les libraires sont démunis face aux pratiques des acteurs de la vente en ligne, qui peuvent se permettre de vendre des livres à perte en « se rattrapant » sur d’autres secteurs. Ils ne peuvent pas jouer à armes égales avec ces plateformes capables de proposer des millions de références, immédiatement disponibles, et d’offrir une remise systématique de 5 % ainsi que la gratuité des frais de port.

Cette proposition de loi apporte une réponse, certes insuffisante et peut-être incomplète, aux difficultés des librairies indépendantes, mais elle constitue avant tout un signal fort en direction de ces géants du numérique sans foi ni loi pour qu’ils cessent de contourner impunément notre législation dans le seul but de maximiser leurs profits. C’est pourquoi, convaincus que les institutions européennes ne pourront que nous donner raison, l’ensemble des membres de mon groupe la soutiendront sans hésitation. §(Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

À l’instar de Corinne Bouchoux, je veux terminer mon propos en vous recommandant un ouvrage, que je trouve excellent – je reconnais que c’est un peu provocateur de ma part… – : Recouvre-le de lumière, le récit d’un torero !

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