Intervention de Jean-Pierre Michel

Réunion du 26 juin 2014 à 15h00
Renforcement de l'efficacité des sanctions pénales — Article 18 quater A

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel, rapporteur :

La commission émet un avis favorable sur ces trois amendements. J’aimerais néanmoins développer quelque peu mon propos.

Lors de la première réunion de la commission des lois, j’ai présenté un amendement qui tendait à supprimer la rétention de sûreté, tout en conservant la surveillance de sûreté. Cet amendement avait été adopté par la majorité présente en commission.

Lors de la deuxième réunion de la commission, la majorité avait changé, les sénateurs présents n’étant plus les mêmes. Cette situation a permis que la commission émette un avis favorable sur les amendements présentés par Jean-Jacques Hyest et Yves Détraigne.

Je le sais très bien, la rétention de sûreté concerne les crimes et la disposition visant à la supprimer était donc un cavalier législatif dans le présent texte. Il me semblait néanmoins important qu’il y ait un débat sur ce thème. À ce titre, je voudrais, mes chers collègues, vous livrer deux citations tirées de mon rapport pour illustrer mon propos.

Tout d’abord, lors de son audition par la commission des lois, Mireille Delmas-Marty a indiqué : « Ma principale critique porte sur la rétention de sûreté : le droit de la peine ne sera pas lisible et cohérent tant que cette question sera occultée. » On ne peut pas dire mieux en si peu de mots.

Ensuite, lors du débat au Sénat qui a vu l’adoption de la rétention de sûreté, en 2008 – je siégeais ici, et je m’en souviens –, Robert Badinter avait déclaré : « la rétention de sûreté altère les principes fondamentaux sur lesquels repose notre justice. En effet, […] depuis la Révolution, […] seule la justice a le pouvoir d’emprisonner un homme à raison d’une infraction commise ou, à titre exceptionnel, à raison d’une infraction dont il est fortement soupçonné d’être l’auteur. […] Pas de prison, pas de détention, sans infraction : ce principe est le fondement de notre justice criminelle depuis deux siècles. […] Or, avec la rétention de sûreté, au-delà de toutes les précautions de procédure et de tous les efforts de terminologie, nous franchissons la ligne qui sépare cette justice de liberté fondée sur la responsabilité de l’auteur de l’infraction, d’une autre justice fondée sur la dangerosité appréciée par des experts – le plus souvent des psychiatres – d’un auteur virtuel d’infractions éventuelles. C’est bien là, en effet, un changement profond de notre justice : vous me permettrez de douter qu’il s’agisse d’un progrès. »

C’est parce que je partage profondément ces propos que j’avais proposé de supprimer la rétention de sûreté. Je n’ai pas été suivi ; je le regrette. C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur les trois amendements identiques.

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