Intervention de François Patriat

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 2 juillet 2014 : 1ère réunion
Réforme ferroviaire et nomination des dirigeants de la sncf — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de François PatriatFrançois Patriat, rapporteur pour avis de la commission des finances :

L'excellent rapport de M. Teston me dispense de reprendre le constat. La constitution de SNCF Réseau doit dégager des gains de productivité estimés à 900 millions par an d'ici dix ans. Ensuite, SNCF Mobilités est engagé dans un plan de performances qui doit dégager 1 milliard en 2020. Une partie de cette somme serait transférée de SNCF Mobilités vers SNCF Réseau via l'EPIC de tête. Autrement dit, une partie des bénéfices de l'exploitant rééquilibrera les comptes du gestionnaire du réseau, d'où l'importance de constituer un groupe unique.

L'État, qui ne percevrait plus de dividendes de la part de SNCF Mobilités, a accepté que le groupe ferroviaire se constitue en groupe fiscal. Ainsi, les déficits de SNCF Réseau compensant les bénéfices de SNCF Mobilités, l'impôt sur les sociétés dû par le groupe diminuera. Au total, l'effort de l'État représente 500 millions pour SNCF Réseau.

L'objectif de la réforme consiste à stabiliser la dette de SNCF Réseau à horizon de dix ans, même si MM. Pépy et Rapoport ont évoqué un horizon de cinq ans. D'ailleurs, mes interlocuteurs sont restés très prudents sur la cible visée d'ici 2025. Certains ont évoqué une stabilisation à hauteur de 60 milliards à cette date ; d'autres se sont moins avancés.

Le projet de loi comprend deux garde-fous pour éviter que SNCF Réseau ne dérive de la trajectoire financière fixée par l'État. Premièrement, l'ARAF émettra un avis sur le projet de budget annuel de SNCF Réseau et l'incitera à le corriger s'il s'écarte de la trajectoire ; deuxièmement, grâce à la règle d'or, au respect de laquelle veillera l'ARAF, la société ne s'endettera plus de manière inconsidérée pour des investissements de développement : quand le politique voudra une nouvelle ligne, ce sera à lui de s'engager financièrement, pas à SNCF Réseau.

Cette trajectoire financière est-elle tenable ? Aux dires de la SNCF et de RFF, l'État ne va pas assez loin et les comptes ne seront pas équilibrés d'ici dix ans. Il est vrai que des contraintes fortes pèsent sur le secteur. D'abord, les recettes de SNCF Réseau risquent de ne pas être dynamiques. Avec la crise économique, les trafics voyageurs et marchandises ont baissé. Les hausses des péages d'infrastructure, fortes ces quatre dernières années, seront limitées au moins jusqu'en 2018. SNCF Réseau ne pourra pas jouer de l'effet-prix. Ensuite, les subventions publiques seront au mieux maintenues. Enfin, SNCF Réseau reste exposé, comme l'État, au risque d'une remontée des taux d'intérêt.

Cela implique d'importants efforts sur la dépense. Deux idées sont régulièrement avancées pour redonner des marges de manoeuvre à SNCF Réseau. La première consisterait à ce que l'État reprenne une partie de sa dette. En requalifiant un tiers de la dette de RFF, soit environ 10 milliards, de dette publique, l'INSEE a levé un tabou. Néanmoins, il a reconnu qu'un actif - le réseau - était inscrit face à cette dette, de sorte que le stock de dette publique nette, celui pris en compte pour le calcul des ratios maastrichtiens, n'est pas modifié. A l'inverse, si l'État venait à reprendre cette dette, il n'y aurait plus d'actif inscrit en contrepartie et la dette nette augmenterait à due concurrence. Pour l'instant, cette reprise de dette ne paraît pas réalisable, ce qui ne veut pas dire qu'elle ne doit pas envisagée à terme. D'abord, RFF reste un emprunteur crédible sur les marchés. Une analyse de Standard & Poor's montre que les investisseurs considèrent qu'il s'agit d'une dette de l'État français, la différence de taux d'intérêt entre les deux étant minime. Ensuite, la reprise de dette pèserait sur les ratios maastrichtiens que nous nous efforçons de respecter.

Il est enfin permis de s'interroger sur le caractère vertueux d'une reprise de dette, laquelle pousse SNCF Réseau à se transformer et à se moderniser, oblige à choisir avec parcimonie les projets de développement. En effet, nous devons nous interroger sur les bons choix à opérer pour notre réseau ferré national. Le tout LGV a vécu : il faut être sérieux. Tous les rapports d'expertise soulignent que le réseau est trop grand, qu'il doit être réduit si nous voulons le maintenir dans un état de performance acceptable. En région Bourgogne, le réseau est trop grand et vétuste ; nous avons chaque semaine des accidents sur le réseau fret. Le rapport de la commission Mobilité 21, l'année dernière, a souligné que nous devions opérer des choix, établir des priorités dans la construction de nouvelles infrastructures, dans un contexte budgétaire tendu. Je crains qu'une reprise de la dette dès maintenant n'occulte ces questions fondamentales.

Cela dit, une partie de la dette de SNCF Réseau ne sera pas amortissable par le système ferroviaire. À terme, l'État sera contraint de s'engager plus en faveur du système, soit par une reprise de dette, soit par l'augmentation de ses subventions. Le rapport demandé par l'article 2 ter doit nous aider à y voir plus clair sur les modalités de traitement de la dette historique.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances a émis un avis favorable aux articles 1er, 2, 2 ter, 4 et 5 qui comportent des dispositions qui intéressent plus directement l'équilibre financier de la réforme. J'ai déposé quatre amendements rédactionnels dont la portée est limitée et le sous-amendement de votre rapporteur me satisfait pleinement.

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