Intervention de Michel Guerry

Réunion du 26 novembre 2010 à 14h45
Loi de finances pour 2011 — Anciens combattants mémoire et liens avec la nation

Photo de Michel GuerryMichel Guerry :

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » atteindra, pour l’année 2011, 3, 3 milliards d’euros. Je constate que la baisse des crédits se limite à 3, 3 %.

Cela permettra de consolider l’existant, malgré un contexte budgétaire des plus contraints, du fait d’une période de crise financière. C’est là un double témoignage : celui de votre esprit de responsabilité et celui de votre volonté de reconnaissance à nos anciens combattants.

Mes chers collègues, avant tout, je souhaite rendre un hommage appuyé aux associations d’anciens combattants pour leur travail et leur dynamisme. Elles sont des acteurs au quotidien du travail de mémoire, mais aussi du soutien auprès de nos anciens combattants et de leurs conjoints, notamment dans leurs démarches administratives.

À ce titre, monsieur le ministre d’État, je souhaite attirer votre attention sur la nécessaire et difficile revalorisation de la retraite du combattant. L’exercice budgétaire pour 2010 a permis une première augmentation ; je forme le vœu que nous poursuivions cet effort. Il s’agit pour nous d’assurer des conditions de vie décentes à ceux qui ont servi notre pays. C’est là une question de dignité.

Aussi, je profiterai de cette tribune pour revenir sur plusieurs points.

J’évoquerai la situation des anciens combattants de la « troisième génération du feu », présents en Afrique du Nord entre 1952 et 1962. S’agissant de ces soldats, qui ont été pour moi des frères d’armes, je regrette que les contraintes budgétaires n’aient pas permis d’étendre, pour cette année, l’attribution de la carte du combattant à ceux qui étaient présents au-delà du 2 juillet 1962. Chacun sait que des soldats ont été tués bien après cette date en marge des exactions commises contre les pieds-noirs ou les harkis.

L’an dernier, le secrétaire d’État aux anciens combattants s’était rallié à la solution équilibrée de la commission de la carte du combattant, qui consistait à accorder la carte pour quatre mois de présence après le 2 juillet 1962, sous réserve que le séjour ait commencé avant cette date. Cet assouplissement raisonnable entraînerait, il est vrai, une dépense nouvelle de 4, 6 millions d’euros pour financer les retraites du combattant correspondantes.

Cependant, cette demande est particulièrement légitime, et j’en appelle, comme Mme le rapporteur pour avis de la commission des affaires l’a fait avant moi, à son traitement prioritaire dans le budget de 2012.

À cette première requête s’ajoute celle d’une véritable égalité de traitement de nos anciens combattants au regard de la retraite : l’attribution, par décret, en juillet dernier, du bénéfice de la « campagne double » aux anciens combattants d’Afrique du Nord répare, certes, une iniquité, et nous nous en réjouissons. Cette bonification était jusque-là réservée aux participants au premier conflit mondial ou aux guerres d’Indochine ou du Golfe.

Toutefois, nous déplorons – et je me fais à cet égard le porte-parole de mon collègue Jean-Paul Alduy – qu’elle ne concerne que les pensions liquidées à compter du 19 octobre 1999, en référence à la loi ayant reconnu « la guerre d’Algérie » et les « combats en Tunisie et au Maroc » comme tels.

Mais mon interpellation va bien au-delà : en sont tout simplement exclus les anciens combattants du secteur privé, à quelque conflit qu’ils aient participé. Alors que les anciens combattants fonctionnaires ou assimilés peuvent ainsi multiplier par trois leur durée de services accomplis en temps de guerre pour le calcul des droits à la retraite, ceux du régime général ne peuvent les comptabiliser qu’une seule fois.

En tant que sénateur des Français établis hors de France, je tiens à évoquer la nécessaire reconnaissance de la Nation pour tous ceux qui, à l’étranger, l’ont aidée et servie. Cette mesure renforcera de façon indéfectible les liens qui ont uni, jusqu’à donner leur vie, ceux qui se sont engagés ou qui ont été incorporés pour la défense du sol national, tout en n’y résidant pas.

Cette mémoire-là, monsieur le ministre d’État, dépasse nos frontières, mais participe à l’honneur de la France.

C’est aussi dans cette mesure que je me félicite de la décristallisation des pensions, qui prendra effet dès le mois de janvier 2011. Cette promesse sera honorée ; cela mérite d’être rappelé, car elle a un coût, qui limite par conséquent notre marge de manœuvre sur d’autres dispositifs. Sachons le reconnaître.

De même, je tiens à rappeler que le budget de l’année dernière a pris en charge l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Si ce texte a mis fin à l’un des tabous de l’histoire de la défense française, il prend en charge les victimes de la société civile.

Par ailleurs, je souhaite attirer votre attention – je ne suis pas le seul à évoquer ce point dans cet hémicycle – sur la situation des veuves de guerre. À ce jour, il existe une disparité entre les pensions versées aux veuves. Elle est liée à la date de décès de leurs époux, tous morts pour la France. Actuellement, pour un décès intervenu avant juillet 1962, la pension est versée au taux du soldat ; au-delà de cette date, elle est portée au taux du grade. Une harmonisation des statuts serait bienvenue, en tenant compte du taux du grade au moment du décès.

Concernant l’allocation différentielle, il a été décidé pour les veuves d’anciens combattants, au nom de la reconnaissance de la Nation pour les époux aujourd’hui décédés, d’attribuer une allocation permettant d’atteindre un plafond de ressources minimum. Par souci d’équité, je vous fais part du souhait que l’application de cette disposition aux veuves de guerre soit étudiée.

Monsieur le ministre d’État, le budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » n’est pas un budget comme les autres. En effet, derrière les chiffres, c’est bien la Nation qui exprime sa gratitude envers ceux qui l’ont défendue, ne l’oublions pas.

C’est pour cela que je souhaite également attirer votre attention sur les orphelins dont les parents ont été victimes de la Seconde Guerre mondiale. Avec plusieurs de mes collègues, notamment André Trillard, nous souhaiterions connaître votre position quant aux engagements pris sur ce sujet.

Par ailleurs, je sais que certains se sont émus de la disparition du secrétariat d’État aux anciens combattants, mais je suis sûr que vous saurez les rassurer par votre pleine et entière mobilisation. Je ne doute pas que vous continuerez le travail accompli par Hubert Falco.

Je pense, en particulier, à la réforme des Journées d’appel de préparation à la défense, les JAPD. Le travail de mémoire n’est pas du seul ressort des associations d’anciens combattants.

Les jeunes, filles et garçons, mais aussi leurs parents, ne doivent pas seulement y être associés, ils doivent y participer pleinement. Un travail de transmission intergénérationnel doit être mis en place avec les différents acteurs de la société civile. Je pense en premier lieu à l’école de la République.

Monsieur le ministre d’État, le devoir de mémoire ne doit pas relever de votre seule détermination. Il doit être l’affaire de tous. Il s’agit avant tout de transmettre des valeurs républicaines, qui sont les fondements de notre société.

Enfin, avant de conclure, je souhaite lancer un appel. C’est à nous, politiques, qu’il appartient de réfléchir à la mémoire de demain, notamment en ce qui concerne nos soldats d’aujourd’hui. Bien sûr, nous devons entretenir la mémoire des soldats qui n’ont pas eu le choix, mais votre ministère doit assurer le lien armée-Nation, au moment où notre société a bien des difficultés à comprendre ce que sont l’engagement et le sacrifice ultime pour la Nation. Nous devrons être très attentifs à la place de ces futurs anciens combattants, qui seront en fait de jeunes vétérans.

Leur expérience unique au sein du ministère de la défense, leur courage au cours des OPEX, leur respect de la République et leur dévouement, même si leur engagement est un choix, doivent être cités en exemple. Leur mémoire doit au minimum être honorée lors de commémorations. Je pense en particulier à ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie au combat ou qui rentrent mutilés de théâtres d’opérations tels que l’Afghanistan.

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