Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette réforme territoriale relève d’un bon diagnostic mais d’une mauvaise solution.
Lors de son discours d’investiture du 8 avril 2014, le Premier ministre, Manuel Valls, a annoncé une vaste réforme de l’organisation territoriale de la France avec, à terme, un regroupement des régions et la suppression des départements.
Le diagnostic est bon, car le millefeuille territorial repose sur des structures dont la configuration n’a pas suivi les évolutions de la société. En revanche, la solution n’est pas pertinente. Plus précisément, le projet de réforme territoriale tel qu’il a été annoncé le 2 juin dernier par le Président Hollande relève du bricolage et du cafouillage : bricolage, car les choix ont été improvisés sans réflexion d’ensemble ; cafouillage, car, d’un jour à l’autre, le Président dit tout et son contraire. Il n’est donc pas surprenant que les protestations se multiplient, aussi bien à l’encontre des futures institutions locales que de la nouvelle carte des régions.
Le premier reproche qui peut être formulé porte sur l’absence de proximité des institutions avec le terrain.
Les nouvelles institutions s’organiseraient sur deux niveaux : de grandes régions entraînant la suppression des départements et de grandes intercommunalités ayant vocation à absorber les communes. C’est un non-sens total, car, dans l’exercice de leurs compétences, ces deux niveaux n’auraient plus aucune proximité avec le terrain.
Si l’on crée de grandes régions, il est alors indispensable de conserver un échelon de proximité, c’est-à-dire les départements. Si, au contraire, on supprime les départements, il faut alors que les régions ne soient pas trop étendues et correspondent, au plus, au statu quo actuel.
De même, les communes, notamment en zone rurale, assument des fonctions indispensables pour la vie au quotidien. Leur absorption par des intercommunalités de taille démesurée serait une fausse bonne idée. Si l’on s’obstinait dans cette voie, le bon sens serait au moins de préserver un minimum de proximité avec des intercommunalités n’ayant précisément pas une taille excessive.
C’est tout le contraire de ce que proposent le Président de la République et le Gouvernement, lesquels réclament un minimum de 20 000 habitants pour chaque intercommunalité, ce qui, dans certaines zones rurales, conduirait à des périmètres de plus de quarante à cinquante kilomètres.
Telle est la première remarque je voulais faire, qui a trait à la proximité.
Ma seconde remarque sera pour souligner l’importance des départements, pas obligatoirement au regard de leur découpage actuel, mais, en tout état de cause, en tant qu’échelon du millefeuille. En effet, les départements assurent des compétences de proximité – routes départementales, aide sociale, etc. – qui ne pourront pas être gérées correctement dans le cadre de nouvelles grandes régions ayant une étendue tentaculaire. À l’évidence, si l’on crée de très grandes régions, il faut donc, parallèlement, maintenir des structures à caractère départemental. Cela ne justifie pas pour autant un statu quo des départements. Ceux-ci ont été découpés en 1790 à une époque où les moyens de déplacement et de communication étaient rudimentaires.
Comme le préconisait Michel Debré en 1947 dans son livre La Mort de l’État républicain, une cinquantaine de grands départements suffirait pour remplacer la centaine actuelle. Pour réduire le millefeuille territorial, on peut en effet soit supprimer une couche, soit réduire le nombre de collectivités à l’intérieur de chaque couche. Si l’on augmente la taille des régions, on peut très bien conserver la taille des départements en en réduisant le nombre.
Une réforme réaliste du millefeuille territorial passerait par la création d’une dizaine de grandes régions subdivisées en une cinquantaine de départements. On parviendrait ainsi à réduire de moitié le nombre total de collectivités concernées. Toutefois, une opération de ce type doit aussi tenir compte des spécificités locales. Pour cela, lorsqu’une région de taille modeste a une identité forte, il faudrait la conserver, mais en fusionnant alors la région et les départements concernés.
Pour ce qui est de la carte des découpages, je voudrais évoquer la situation de l’est de la France.
Le projet initial de redécoupage des régions dans le nord et l’est de la France était globalement pertinent. Il créait deux régions, l’une réunissant la Picardie et le Nord-Pas-de-Calais, l’autre l’Alsace, la Lorraine et la Champagne-Ardenne. Cette configuration géographique très compacte aurait donné une bonne cohérence administrative aux territoires situés entre la région parisienne et les frontières. Du point de vue de l’aménagement du territoire et des infrastructures, les complémentarités étaient évidentes. Au Nord, on trouve l’autoroute A1, le TGV-Nord, le tunnel sous la Manche ; dans l’Est, les autoroutes A4 et A31, ainsi que le TGV-Est.