Dans ces conditions, chacun sait que nos communes deviendront, à plus ou moins brève échéance, de simples mairies d’arrondissement, notamment lorsque sera instaurée l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires.
Si j’attire l’attention sur la situation et l’avenir de nos communes, c’est parce que vous soulevez le sujet à demi-mot, monsieur le ministre, car leur nombre élevé est ce qui nous différencie le plus en Europe. Officiellement, on ne parle pas de la suppression des communes, mais les projets, j’en suis persuadé, sont dans les cartons. Ils peuvent en sortir rapidement et constituent la seconde étape. Voyez comment, d’un seul coup, a été annoncée la disparition des départements ! En quinze jours, le Président de la République a changé d’avis : à Tulle, en janvier, il annonçait que les départements étaient utiles, puis que ceux-ci avaient fait leur temps et qu’il fallait maintenant les supprimer !
Le 27 janvier 2014, la loi MAPAM était promulguée, rétablissant la clause de compétence générale des départements et des régions. Moins de six mois plus tard, le futur projet de loi sur les compétences entend la supprimer.
Cette versatilité de la parole politique cache finalement mal un projet dont on sait qu’il est issu de la mission Balladur, dont la mise en œuvre n’a pas encore complètement abouti.
Ce texte s’inscrit dans une perspective libérale, celle d’une Europe fédérale des régions présentant partout la même organisation territoriale. Cette réforme se fera au nom d’une visée politique libérale et technocratique mettant à bas les structures de représentation de proximité, afin de toujours plus éloigner les centres de décision des citoyens et réduire ainsi leur capacité d’intervention et de contrôle
Au nom du changement, c’est le grand chambardement technocratique qui se prépare ici, pour faire en sorte que plus personne ne s’y retrouve. Au nom d’une prétendue lisibilité, vous remettez en cause tous les points d’appui démocratiques qui persistent encore dans notre société.
Ainsi, c’est finalement ce grand réseau d’élus locaux de proximité – communaux et départementaux –, avec leurs institutions, que vous voulez supprimer.
Notre critique est d’autant plus vive que cette réforme tourne résolument le dos aux engagements pris par le Président de la République lors de sa campagne électorale et dans son discours de Dijon. Loin des promesses sur un nouvel acte de décentralisation, nous sommes face – il faut bien le dire– à un nouveau renoncement, à une reculade, devant les exigences de l’Europe libérale.
Pour notre part, nous sommes favorables à une VIe République, sociale et démocratique, qui redonne du pouvoir au peuple au travers de nouvelles institutions, à tous les niveaux, du local au national, et au travers de collectivités territoriales construites sur la coopération et non sur une forme d’intégration contrainte, librement administrées par des assemblées élues, aux pouvoirs renforcés, et non transformées en simples guichets déconcentrés des politiques de l’État. Tout cela exige un grand débat national, public, conclu par un référendum.
Par crainte du jugement populaire, vous le refusez. Nous le regrettons. En conséquence, le groupe CRC ne pourra que rejeter le texte que vous nous proposez.